Chapitre 22

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Samuel

       J'espère que ça va lui plaire.
Je resserre mon emprise sur les anses du sac en tissu, contenant le petit cadeau que j'ai dégoté pour Margot. Depuis que nous avons quitté le parc, l'idée de lui offrir ce carnet ne quitte pas mon esprit. Et elle encore moins. La jolie brune s'est immiscée dans mes pensées tout au long de la journée. Chaque geste, chaque mot, tout chez elle m'ébranle d'une manière que je ne peux expliquer. C'est pourquoi je me suis rendue dans cette petite papeterie artisanale à l'ambiance chaleureuse. Après quelques minutes, mon regard s'est posé sur un carnet en cuir beige, sobre et raffiné, avec un grain léger qui ajoute une touche de texture. Les pages internes, d'un blanc cassé, m'ont semblé parfaites pour accueillir des pensées.

       L'écriture a été mon refuge lorsque Lana nous a quittés. La culpabilité m'empêchait de me rendre sur sa tombe. J'ai commencé à formuler sur une feuille ce que je m'imaginais lui dire si j'avais les couilles de lui rendre visite. Puis, j'ai fini par constater qu'après m'être confronté à une page blanche, en déversant ma peine, mon amour et mes remords, je me sentais plus en paix. Le lendemain, rebelote. J'avais ce besoin irrépressible de m'exprimer, mais toujours aussi lâche. Alors j'ai sorti une nouvelle feuille. Au bout du troisième jour, j'ai fini par m'acheter un carnet à spirale. Et chaque fois que je ressentais le besoin d'extérioriser, je posais mes maux sur ces lignes noires. Écrire était devenu un exutoire.
Et aujourd'hui, j'offre un carnet à Margot, dans l'espoir qu'elle y trouve le même réconfort, la même paix que j'ai trouvée en faisant les choses ainsi.

Je me tiens là, dans l'obscurité de la nuit, à observer les passants encore dehors. Les réverbères baignent la grande rue d'une lueur douce. Dans quelques jours, les décorations lumineuses, déjà installées pour les fêtes, nous éclaireront encore plus, apportant plus de chaleur et de convivialité. Je ne peux m'empêcher de penser à ma petite Rose. Je lui ai promis que cette année, nous ferons le tour de la ville, pour admirer les maisons illuminées pour Noël.
Il est passé 22 h maintenant. Margot ne devrait pas tarder à sortir du restaurant.

Je reste là, à attendre pendant un petit moment. Ma montre m'indique 22 h 17. Le bout de mes doigts me picote. J'aurais peut-être dû mettre des gants.

Alors que je commence à m'impatienter, j'entends des voix provenant de la zone de chargement du restaurant. La porte de service doit être de ce côté-là. Pourquoi n'y ai-je pas pensé alors que c'est comme chez nous ? J'suis vraiment con parfois.
Je me redresse, mon cœur battant un peu plus fort. J'ai hâte de la voir, de lui offrir mon cadeau.
Alors que je me rapproche de la ruelle, une voix s'élève. 

— Mais lâche-moi ! 

Cette voix. 

— Arrête de faire ta prude. C'est bon quoi, ça fait un an qu'il est mort ton mec. Crois-moi, ça ne peut que te faire du bien. 

— J'te préviens, Lorenzo, si tu ne me lâches pas je hurle, menace-t-elle d'une voix maîtrisée alors que j'entends sa panique d'ici. 

— Oh ça, c'est certain, tu vas hurler, ricane le mec. 

Mon cerveau ne prend pas le temps de réfléchir plus longtemps que mes pas me guident dans cette ruelle. Il fait sombre, mais le faible éclairage de la Lune reflétant sur les flaques d'eau me laisse suffisamment de visibilité pour constater la détresse de ma brune. Cet homme, c'est celui qui lui collait au train le soir de l'anniversaire de Robin, lors de son service. Son supérieur, Lorenzo. Je l'ai aperçu à plusieurs reprises au bar. Si j'avais su que c'était lui, je lui aurais déjà servi un cocktail moins amical. 

Lorsque j'analyse la scène, mon regard s'arrête sur elle, dont les yeux sont fermés avec force. De ses poings, elle tente de repousser ce connard. L'autre a le visage enfoui dans son cou. Une de ses mains est sur la taille de Margot, tandis que l'autre commence à se glisser sous son pull.
Il ne m'en faut pas plus pour le choper par les épaules et le jeter en arrière. Je tente un regard vers Margot, qui, probablement tétanisée par la peur, garde ses yeux fermement clos. Mais cette fois-ci ses joues sont baignées de larmes. Elle est terrorisée. 

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