Chapitre 6

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Margot


   L'estomac encore noué, je me retrouve à jouer avec mes frites – devenues molles et froides – sur mon plateau.

Depuis que nous sommes arrivées au fast-food, Louise et moi ne nous sommes plus beaucoup adressées la parole. Après notre précédent échange dans la voiture, nos dialogues se limitaient à des « oui », « non », « merci », « d'accord », rendant nos conversations inutiles.

J'ai créé cette gêne entre nous qui n'a pas lieu d'être. J'ai vraiment été nulle sur ce coup-là. Louise a raison, je le sais, il m'est juste difficile de l'admettre. Paul était mon premier amour et je l'ai perdu. Il me faut juste du temps.

— Louise ?

Elle lève les yeux vers moi, visiblement surprise que je lui adresse enfin la parole.

— Hm, oui ? dit-elle avec intérêt.

— Je dois t'avouer quelque chose.

Je fais une pause afin de me concentrer sur mes aveux. Louise comprend que c'est du sérieux et repose sa frite sur son plateau.

J'ai toute son attention.

— Hier soir j'ai passé un bon moment. L'alcool m'a beaucoup aidée, je dois l'avouer, mais pendant quelques heures j'ai pu me déconnecter de la réalité. Et... et ça m'a fait du bien. Vraiment. Je ne dis pas que je veux que ça se reproduise, parce que je ne peux m'empêcher de m'en vouloir vis-à-vis de Paul. Alors oui, je sais, ça fait un an mais la douleur est toujours là.

Je presse mes mains contre ma poitrine appuyant mes propos.

— Cependant hier soir, quand j'étais avec cet homme...

Je marque un arrêt considérant mes aveux.

—J-je me sentais bien, je me sentais... moins seule. De ressentir une présence masculine près de moi m'a plu. Ça m'avait manqué. Je ne me rappelle pas de tout, mais il n'avait pas l'air d'un mec là pour tirer son coup tu vois ? C'était un moment agréable. J'ai eu l'impression qu'il était seul, comme moi. C'est comme si nous recherchions tous les deux du réconfort...

Je me sens comme une personne cherchant à tout prix des excuses pour justifier son comportement. Je me sens minable à cet instant.

— Enfin voilà, je conclus, je regrette d'en avoir été jusque-là malgré tout. Tu me connais, ce n'est pas dans mes principes.

Dire tout ça à haute voix me fait réaliser qu'effectivement j'ai apprécié l'intérêt qui m'ai été porté. Par un homme. Et c'est ce qui m'effraie.

Mon amie me fixe sans dire un mot. Va-t-elle me juger ? Ça m'étonnerait. Elle baisse le regard quelques secondes analysant probablement chacune de mes paroles, puis me regarde une nouvelle fois dans les yeux, un sourire moqueur au coin des lèvres :

— Ok, mais, sinon, dit-elle en croquant une dernière frite, tu ne m'as toujours pas répondu, elle fait la moue, c'était un bon coup ou pas ?

La bouche entrouverte je la regarde déconcertée.

Cette nana est dérangée.

Rentrant dans son jeu je prends un air hautain, et dans un haussement d'épaules glisse un « c'était pas mal » avant d'exploser de rire avec elle.

Toujours en gloussant nous débarrassons nos plateaux et décidons d'aller chez mes parents pour voir Victoire. Louise ne l'a encore jamais vu. Je n'étais même pas encore enceinte quand elle a quitté la ville il y a deux ans. Néanmoins, Victoire et elle ont pu se voir par appel visio assez souvent. Cela ne m'étonnerait pas que ma fille la reconnaisse en la voyant.

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