Chapitre 16

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Samuel

  
     — Bon, entamé-je en me levant, je vais aller nous chercher de quoi grignoter. Margot, tu veux bien m’accompagner ?
Et c'est précisément l’instant où elle doit me détester.
Il lui faut un moment avant de percuter que je m’adresse à elle. Je pense même qu’elle ne m’a pas entendu jusqu’à ce qu’elle me fixe de ses billes grises. Coucou toi.
Elle parait très surprise, mais bon, ça, je m’y attendais. En plus, je lui ai dit « tu » sans réfléchir. Ça ne devrait pas être un problème, après tout si je dois tutoyer Élise, je peux bien le faire avec elle.
Elle continue de me dévisager. Oui ma jolie, c’est un traquenard.
Statufiée, elle est sûrement en train de peser le pour et le contre, ou alors elle réfléchit à une excuse bidon pour ne pas me suivre.

D'un regard, elle me désigne Élise.
Je savais qu’elle m’évitait, mais je ne pensais pas que c’était à ce point-là.
Eh non. C’est toi que je veux.
— Oui, dit soudain une voix, allez-y, on garde vos places au chaud !
Louise, promis, je te revaudrais ça !
La brune ferme lentement ses yeux, tentant sûrement de tuer son amie par la pensée, ce qui me fait sourire. J’ai gagné.
Elle se lève si rapidement que sa chaise bascule à la renverse.
Ai-je mentionné à quel point elle était mignonne ?
Je réprime un rire. Si elle voit que je me moque d’elle c’est foutu.
— Je- j'arrive, dit-elle en ramassant sa chaise, honteuse.
Elle me rejoint en un éclair et enfin nous partons en direction du bar.

L’ambiance au Green, ce soir, est à la fois festive et conviviale.
C’est vraiment plaisant et agréable.
La chanson interprétée par le groupe présent ce soir bat raisonnablement dans les enceintes. Ni trop forte, ni pas assez. Chacun peut tenir une conversation sans avoir à trop hausser le ton.
Concernant le groupe, il s’agit de trois mecs et d'une femme, chanteurs et musiciens, qui se font connaître depuis environ deux ans sur YouTube. Ils sont réputés pour leurs covers. Ils reprennent énormément de chansons, principalement du rock. L'un des employés a pris l’initiative de les contacter avant de nous souffler l’idée du concert. Une putain de bonne idée. J'en suis d’autant plus convaincu lorsque j’aperçois un groupe de jeunes femmes se déhancher sur American Idiot de Green Day.
Une fois de plus, je suis satisfais. Avec les équipes, nous bossons au coude à coude. Chacun participe à sa façon, et je pense pouvoir affirmer que tout se passe bien pour tout le monde. J'espère que le Green Cell Hotel continuera d’évoluer positivement, tout en satisfaisant pleinement nos clients.

Jusqu'à ce qu’on arrive devant le comptoir, seul le bruit rythmé les talons de Margot claquant sur le faux parquet me signale qu’elle est toujours derrière moi. Elle reste silencieuse.
— Désolé si je t’ai prise au dépourvu en te demandant de m’accompagner, dis-je en me rapprochant du comptoir, je voulais juste te parler.

Elle m’observe avec appréhension.
Évidemment qu’elle se doute du sujet de la conversation à venir.
— Mais d’abord commandons ! Carmen fait les meilleurs tapas de la région. Testé et approuvé par moi-même ! j'annonce, enjoué.
Je l’avoue, voir la panique sur son doux visage m’amuse un peu. Juste un peu.
Ladite Carmen arrive, chaleureuse et souriante comme d’habitude. Je lui commande un plateau de tapas à partager, et elle me demande, en espagnol, qui est la charmante demoiselle qui m’accompagne. Je ris à sa curiosité et lui répond que c’est simplement une amie. Carmen adore les ragots, mais hors de question de lui en donner me concernant.
Margot, qui a probablement compris notre conversation, s’essuie pour la deuxième fois les mains, qui je suppose sont devenues moites d’angoisse, sur son jean noir.
Je profite de l’absence de Carmen pour aborder le sujet sensible.
— Hé, dis-je doucement afin d’attirer son attention, je ne vais pas te sauter dessus.
Je me gifle mentalement. Mec, t’es con ou quoi ?
Y’a mieux pour commencer une conversation... Surtout celle-ci.
Elle papillonne des yeux, perturbée par ma façon d’amorcer le dialogue.
Comprenez-moi, c’est délicat.
— Ce que je veux te dire, Margot, c’est que tu n’as pas à t’inquiéter. Je vois bien dans quel état ça te mets de te retrouver en ma compagnie. Mais ce qu’il s’est passé entre nous, c’était un accident. Aucun de nous n’avait toute sa tête. Alors ne t’en fais pas pour ça.
Elle baisse la tête, embarrassée à l’évocation de notre moment charnel.
Bien sûr que je mens. Je savais très bien ce que je faisais. Je l’ai voulu. J'en avais besoin et elle aussi, quoi qu’elle pense. De toute façon, elle ne l’avouera jamais. Je ne sais même pas si elle en est consciente. Ce soir-là, j'étais son exutoire et elle le mien.

Là, je lui dis seulement ce qu’elle souhaite entendre. Ni plus, ni moins.
— Ça ne voulait rien dire. L’alcool que nous avons ingurgité a pris le contrôle sur nos émotions, c’est tout. J'ai bien compris que tu n’arrivais pas à oublier ton défunt fiancé et c’est normal, dis-je en lui prenant la main avec délicatesse.
Elle se crispe, surprise par mon geste. Sa main moite est tellement tendue que je prends l’initiative de faire quelques petites pressions légères dans le but de l’apaiser, ne serait-ce qu’un peu.
— Le deuil c’est long, difficile et douloureux. Je le sais.
Ses doigts me paraissent encore plus contractés, tandis que sa poitrine se soulève difficilement, comme par à-coups.
Est-ce qu’elle se retient de pleurer ? C’est la dernière chose que je souhaite.
Instinctivement, je pose ma seconde main sur la sienne, la recouvrant totalement. Comme pour la protéger de sa douleur.
— J’ai l’impression que tu t’en veux, mais tu ne devrais pas. T'en vouloir ne changera rien à ce qu’il s’est passé. Ou alors c’est à moi que tu en veux ? je demande.
Sans attendre une réponse de sa part je continue :
— C'était juste une erreur, rien de plus, Margot. Arrête de culpabiliser, relève la tête et poursuis ton chemin, j’ajoute doucement mais plus fermement. Je n’attends rien de toi, si c’est ce qui t’effraie. C’est arrivé et on ne peut pas modifier ça. Ne reste pas bloquée sur ça, s’il te plaît. N’y pensons même plus, et n’en parlons plus jamais, si c’est ce que tu souhaites. Mais arrête de te torturer pour une bêtise commise sous l’effet de l’alcool. C’était juste une façon de relâcher la pression dû à la surcharge émotionnelle que nous vivions à ce moment-là.

Ça n’était pas la pire des façons de faire, mais ça je me garde bien de le lui dire.
Alors que je ne m’y attendais pas du tout, sa main, petite et chaude, serre la mienne, et un sourire timide illumine son visage. Et ce sourire, bon sang.
Son regard brille de gratitude. Et putain, au fond de moi ça me frustre.
Mais je l’ai rassurée. C’est tout ce que je pouvais faire pour elle. C’est tout ce qu’elle attendait de moi.
Et j’ai vraisemblablement réussi, puisqu'elle paraît soulagée.
Pourquoi est-ce si désagréable ?
— Excuse-moi, commence-t-elle en me lâchant la main.
Celle-ci retombe mollement le long de mon corps. L'abandon de sa main dans la mienne me laisse comme une sensation de vide, comme si on venait de me l’amputer.
— Mon comportement absent a dû te vexer… elle marque un arrêt. Je ne m’en étais pas rendu compte jusqu’à présent. C'est vrai, je m’en veux terriblement pour ce soir-là. Non pas que c‘était déplaisant, avoue-t-elle maladroitement, mais ce n’est pas moi, tu vois ?

« Non pas que c’était déplaisant ».

Non pas que c’était déplaisant.

Non pas que-

Ouais, bref, on a compris…

Ses paroles dégagent une douce chaleur au creux de mon ventre. Agréable.
— Pleurer la mort de mon fiancé et coucher avec un homme dans l’heure qui suit, ce n’est pas celle que je suis habituellement. Je suis restée distante parce que je ne savais pas comment gérer ça. Je me suis trouvée… juste… ignoble. C’est bien la première fois de ma vie que j’ai recours au sexe pour échapper à ma réalité.
Soudainement, elle plaque ses deux mains sur son visage, le recouvrant complètement.
— Waouh, dit-elle en écartant légèrement les doigts, je me sens tellement gênée de parler de ça avec toi.
Et moi j’apprécie tellement sa sincérité.
— Alors, dis-je en penchant la tête afin de l’inciter à me regarder, permets-moi de connaître la vraie toi. E-en tout bien tout honneur hein ! j’ajoute précipitamment, secouant les mains.
Elle pouffe, se moquant sûrement de ma maladresse. 

Elle a presque ri.
À moi...
— Enfin, ce que je veux dire, c’est qu’on sera sûrement amené à se voir plus souvent avec ces deux-là, désigné-je nos deux amis qui se tourne autour depuis leur rencontre. Robin apprécie vraiment beaucoup Louise. Ce qui ne m’étonne pas du tout, elle est aussi extravertie que lui, voire pire !
Et elle rit, sincèrement. Un son fin et léger. Mélodieux.
Et je sens un millier de bulles éclater à l’intérieur de moi.
Je continue à penser que c’est sa sensibilité qui me touche autant et qui fait que le moindre de ses faits et gestes agit sur moi ainsi. Mais bon sang, je n’avais pas ressenti ça depuis…
Bref. Depuis longtemps.
— C’est vrai que Louise est un sacré phénomène. Mais elle est adorable. Elle apprécie beaucoup Robin elle aussi. Elle a tendance à parler de lui comme si c’était une sucrerie !
Je pouffe à mon tour.
— Ça ne m’étonne même pas.

Nous nous fixons quelques secondes avec allégresse. Ça fait du bien.
Plus une once d’inquiétude dans son regard. Tout est clair entre nous désormais.
— Encore une fois, je m’excuse, souffle la brune. Et surtout, je te remercie. Merci d’avoir fait le premier pas. Je t’avoue que j’aurais eu du mal à le faire. Ou alors je l’aurais fait, mais avec beaucoup moins de délicatesse, glousse-t-elle. Je n’aurais pas su trouver les bons mots pour m’expliquer. Enfin, il faut dire aussi que c‘est une situation plutôt inhabi-
— Et voilà mon garçon ! Régalez-vous bien ! nous coupe la cuisinière, de son fort accent.
— Merci Carmen. À tout à l’heure.

J'étais en train de passer un moment fort sympathique, à tel point que j’en avais oublié qu’on attendait juste une commande.
— On ne paye pas ? demande Margot, tandis que je récupère la planche apéritive.
— Mais c’est payé, très chère, j’annonce avec un clin d’œil.
— Mais... j’avais pris mon porte-monnaie, me notifie-t-elle.
— Alors je note que tu me dois un verre. En tout bien tout honneur, évidemment.
Elle secoue la tête avec un air amusé.
— Évidemment !

C'est sur une note positive que nous retournons auprès des autres.
J’avoue être un poil déçu que ce moment n’ait duré que quelques petites minutes, mais ravi qu’il n’y ait plus d’ambiguïté entre nous. Elle m’a souri à plusieurs reprises et a même ri avec moi. Je ne peux qu'être heureux !
Je sais que dès que nous serons de retour à notre table, cette petite bulle agréable disparaîtra. Alors je traîne des pieds pour arriver jusque là-bas.

La chanson de The Eagles résonne maintenant dans les enceintes : « Hotel California ».
J'adore cette chanson.
— Dis, je tourne légèrement la tête afin qu’elle m’entende, continuant d’avancer lentement, c’est trop tôt pour t’inviter à danser ?
Bah quoi ?
Qui ne tente rien n’a rien.
Je l’entends rire doucement mais aucune réponse ne suit.
Elle ne m’a pas pris au sérieux.
Est-ce que je l’étais, d’ailleurs ?

Quand nous arrivons à la table, je constate que Robin et Louise ont disparu. Où est-ce qu’ils sont allés ces deux-là ?
— Où est Louise ? demande Margot.
Élise relève la tête, ennuyée.
— Ils sont allés danser. Je voulais y aller aussi mais il fallait qu’une personne reste pour garder les affaires.
— Tu peux y aller, on garde les places, je propose, enchanté à l’idée de passer encore un peu plus de temps seul à seul avec la jolie brune qui occupe mon esprit.
— Tu veux bien m’accompagner ? Ils sont tous en duos…
Euh… non ?
— Allez-y, suggère Margot, tu voulais danser, après tout.
Oui, mais avec toi.
— Ça ne te dérange pas de rester toute seule ? 
— Non, bien sûr que non. Mais ne revenez pas trop tard, je ne suis pas sûre de résister longtemps aux tapas de Carmen.

Nous venons de franchir un cap. Le troisième de la soirée. On peut maintenant plaisanter ensemble. Elle semble si légère à cet instant.
À croire qu’il fallait rapidement briser la glace. Si j’avais su, on en aurait discuté plus tôt.
— Compte sur moi, je meurs de faim !
Je m’approche d’Élise qui attendait debout à côté de sa chaise.
— Madame, je lance d’un ton exagéré, lui proposant mon bras tel un gentleman.
Elle ne se fait pas prier et s’accroche à mon bras. Nous partons en direction de la piste de danse, mais ne pouvant pas partir sans un regard pour Margot, je lui adresse un clin d’œil amical.
Nous nous faufilons à travers les couples déjà présents, cherchant un endroit suffisamment espacé pour danser. Une fois trouvé, nous nous mettons en position.
Tactile, Élise se colle presque contre moi, posant l’une de ses mains sur mon torse, tandis que l’autre est dans la mienne.
— Merci d’avoir accepté de m’accompagner, j’en avais marre de rester assise, dit-elle sur le ton de la plaisanterie.
Je suis obligé d’incliner légèrement la tête pour la regarder.
— Mais avec plaisir !
Contrairement à ses amies, Élise ne portait pas d’écharpe ce soir, dévoilant sa poitrine pleine dans son décolleté pigeonnant. Sympa pour les yeux. En parlant d’yeux, les siens sont d’une couleur semblable à celle de l’émeraude. Beaucoup plus pétants que les miens. Magnifiques. C’est incontestable, Élise est une très belle femme. Si j’en crois sa robe très, très près du corps, cette femme a tous ce qu’il faut pour plaire. Physiquement, j'entends bien. Avec sa chevelure particulière, son regard perçant et ses courbes voluptueuses, elle doit en attirer plus d’un. Et elle le sait. Ça se voit rien qu’à son comportement entreprenant. Nous avons donc là une chasseuse. Intéressant. Fut un temps, c’était ce que je recherchais. Aujourd’hui, il m’arrive encore de m’amuser un peu, quand je ne pense pas trop boulot. Je suis tellement débordé en ce moment. Mais étrangement, depuis Margot je n’y ai plus pensé du tout.
— Et donc, commence la rousse, interrompant mes pensées, il y a un truc entre Margot et toi, n’est-ce pas ?
Cette question sonne plutôt comme une affirmation. Je comprends que ma jolie brune ne lui a rien dit. Contrairement à Louise. Robin m’a dit qu’ils en avaient vaguement parlé. En même temps, j’ai bien compris qu’elle ne souhaitait pas que cet écart s’ébruite.
— Rien de particulier, j’annonce souriant.
Elle m’analyse de ses yeux envoûtants. Encore un truc de nana ça, disséquer les gens d’un regard. Le moindre sourcillement et elles savent tout ! De toute façon, elles ont des yeux partout. C’en est parfois flippant. Quand les questions commencent à devenir plus intimes, généralement c’est un piège. Elles connaissent la réponse. J’en ai fait l’expérience avec Lana.
— Je n’en crois pas un mot, susurre-t-elle près de mon oreille, se mettant sur la pointe des pieds.
Ses seins s’écrasent contre mon torse. C’est déstabilisant, bordel.
Elle se redresse, fière de voir l’effet qu’elle fait.
— Je vous ai vus tout à l’heure, au comptoir. Et je connais Margot. Elle n’a pas dit un mot quand nous sommes arrivées. Bizarrement vous partez au bar, et, quand vous revenez, elle retrouve la parole.
Bon, pas besoin d’être détective non plus pour se rendre compte qu’effectivement elle a changé de comportement juste après notre conversation.
Je ne peux rien lui dire, parce que ce n’est pas à moi de le faire. Et parce que Margot m’en voudrais à coup sûr. Mais si je veux qu’elle me lâche la grappe avec ça je dois trouver un truc.
— Je l’ai embrassée. 

Pour que le mensonge passe, il faut toujours un soupçon de vérité, n’est-ce-pas ?
Ma réponse la surprend apparemment puisqu’elle ralentit notre rythme de danse. Je dirais même qu’on frôle le surplace là. Je reprends les rennes, ajoutant :
— J’avais bu, ce qui n’est pas une excuse pour embrasser n’importe qui, je le conçois, mais je n’avais pas réfléchi sur le moment. Enfin bref, ça l’a beaucoup perturbée comme tu as pu le constater. Jusqu’à aujourd’hui je n’ai pas eu l’occasion de m’excuser. Mais maintenant c’est fait, et visiblement ça l’a rassurée. C’est bon, madame la policière ? je réponds sur le ton de la plaisanterie.
Elle fronce les sourcils, suspicieuse, puis se radoucit.
— Désolée, c’est juste que c’est compliqué depuis la mort de Paul…
— Le fiancé.
La musique change, mais nous continuons de danser, gardant la cadence.
— Elle t’en a parlé ? dit-elle surprise.
— Elle l’a évoqué, oui.
Elle hoche la tête, pensive. Elle paraît profondément touchée par cette perte. J’imagine que de voir son amie marquée par le malheur ne doit pas être évident. J’ai bien vu que c’était compliqué, pour Robin, tous les jours de me voir me perdre dans les profondeurs de mes remords. Il faut avoir un sacré mental aussi quand on choisit d’être là, à épaulé une personne dans le deuil, dans le chagrin.
On vit la peine de l’autre. On se fait entraîner dans ses abysses mais on doit vite remonter, sans jamais lâcher sa main. Comme un sauvetage en mer, quoi.
— J’ai beaucoup de peine pour elle. Perdre l’amour de sa vie le jour où on la donne…
Elle termine sa phrase de manière… je ne sais même pas comment le décrire. Elle laisse sa phrase en suspens, jaugeant ma réaction. Ses yeux verts me fixent intensément…

Attends, qu-quoi ?

Pause.

Que vient-elle de dire ?
— Oh merde. Tu…tu ne savais pas ?
Bien sûr que non !
Je crois que je viens de comprendre.
Maligne.
Elle a choisi de me balancer cette bombe soit pour savoir si je connaissais Margot plus que je ne l’avais admis, ou alors…
Ou alors je ne sais pas bon sang !
Mais c’est quoi cette histoire ?

Mon esprit est dans le brouillard.
Je n’arrive plus à réfléchir.

Un enfant.
Margot est maman.

Bonne déduction, Sherlock.

Putain.
Pourquoi ne m’a-t-elle rien dit ?

Sérieusement, Sam ?
— Tout va bien, Samuel ? Pourquoi tu ne danses plus ? demande Élise soucieuse.
— Excuse-moi. J’étais juste un peu surpris. (Juste un peu ?) Ça a dû être une période vraiment difficile pour elle.
Et je le pense sincèrement. Comment gérer une double émotion ? Donner la vie, sachant qu’on va en enterrer une autre.

Un enfant ?

Mais bien sûr !
Cette petite, aussi brune que ma brune. Je l’ai déjà aperçu au bar, dans une poussette. Près de sa mère.
Bordel. Je me retiens de me claquer la main sur le front. Imbécile.
Élise pose sa main sur mon avant-bras, le caressant.
— Samuel ?
Je reporte mon attention sur elle.
— Je ne sais pas pourquoi j’ai dit ça. Ce n’est pas à moi d’en parler… Je suis très gênée… se dandine-t-elle. Est-ce-que ça peut rester entre nous ?

Deux secondes.
Inspire.

Expire.


Cette histoire me touche, vraiment. Plusieurs émotions me traversent. La peine que j’éprouve en ce moment pour Margot arrive en tête de liste.
— Bien sûr.

Inspire.

Expire.

— Viens, dis-je en lui proposant mon bras, retournons auprès des autres.

J’ai un pincement au cœur.
Il y a quelques temps, ça aurait pu être le rôle de ma vie. Mais on m’a retiré ce privilège. Avoir un enfant c’est l’aboutissement d’un amour profond.
J’ai été privé de l’enfant. Elle a été privée du père de son enfant.
Cette situation ravive un souvenir amer.


Je mets du temps avant de rentrer réellement dans leurs conversations.
Maintenant qu’elle sourit enfin, je me demande comment elle fait. Comment elle a réussi à surmonter tout ça ?

C’est évident. Elle n’a pas réussi.

Elle n’a pas encore réussi à surmonter le décès de son fiancé.
Elle a beau rire ou sourire, son regard n’a pas cet éclat que l’on peut voir dans celui de Louise par exemple. Ce gris orageux, dans ses yeux, est pâle.
Quand on prend le temps de la regarder, c’est tellement flagrant.
Comment est-elle quand elle est heureuse ?

Je veux le savoir.

Pour une raison que je n’arrive toujours pas à expliquer, je suis comme aimanté par cette femme.
Je veux voir tous ces démons qui la hantent et pouvoir leur botter le cul.
Je veux être celui qui lui prendra la main pour la faire remonter à la surface.

J’en ai envie.

J’ai l’impression d’être celui qui a jeté ma sœur dans cet océan où elle s’est noyée.

J’en ai besoin.

Me réparer.

J’aime à croire que Margot sera ma rédemption.

Pour Margot, je suis prêt à me transformer en Joséphine Ange-gardien.
Je veux pouvoir l’aider.
Avoir un enfant devrait être une raison suffisante d’être heureux.

Un enfant.
— Hein Sam, ça pourrait être une bonne idée, t’en penses quoi ? m’interroge Robin.
— Pardon, j’étais dans la lune. Tu disais ?
Élise me regarde en biais. Elle doit se demander quelle mouche m’a piqué. Depuis notre tête à tête sur la piste de danse, je suis à l’ouest.
— Halloween. La semaine prochaine. Pourquoi ne pas faire une soirée sur ce thème !
— Ça m’était complètement sorti de la tête. C’est une très bonne idée. Il faudrait qu’on voie avec le DJ qui était là pour l’inauguration s'il est disponible, je dis à Robin qui hoche la tête. Il faudrait voir pour acheter de la belle déco aussi. Je ne sais pas qui va s’y coller, c’est carrément pas mon truc Halloween.
— Moi je peux le faire ! dit la métisse se jetant presque sur la table.
Elle est toujours aussi surexcitée ? Avec une énergie pareille, Robin ne va pas s’ennuyer.
— Tu me donnes un budget, tu me files ta carte et je m’occupe de tout !
Lui filer ma carte, carrément ? On se connait depuis quelques jours et je dois lui faire confiance ?
Elle commence à énumérer tous les éléments indispensables, selon elle, pour une décoration parfaite. La liste me paraît tellement longue que j’en perds le fil, sous le regard amusé de Margot.
— Bon ok, d’accord ! je capitule devant ce moulin à paroles.
— Connaissant Louise, ça va être incroyable, tente de me rassurer Margot.
— Tu sais quoi, tu n’as qu’à me faire une petite liste et on voit ensemble plus tard, ça te va ?
— Par-fait ! dit-elle en tapant dans ses mains. Ça va être génial ! J’ai déjà hâte d’y être !
— Je termine mon service à 22 h, je vous rejoindrai directement après, annonce ma jolie brune.

L’entendre dire qu’elle viendra à la soirée, sans une once d’hésitation dans la voix, me ravit.
Finalement, j’ai hâte d’y être, moi aussi.

*****

Et de 16 !
Élise un peu trop entreprenante ? Elle a pas froid aux yeux hein 🤣 elle a pas froid tout court même !

Bonne lecture 😏
À très vite,

FleurAzur 🤍

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