Chapitre 26

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Samuel

     Assis à cette table du café, j'observe Amélia en face de moi. Ses vêtements sombres, sa tenue de deuil, tout s'explique lorsqu'elle m'annonce que sa tante est décédée et que l'enterrement a eu lieu aujourd'hui. Sa voix est douce, mais je ne peux m'empêcher de jeter des coups d'œil fréquents à ma montre. Margot ne devrait plus tarder.

Mon ex continue de parler de sa vie, sa voix emplissant l'air autour de nous. Elle me fait part de ses condoléances pour Lana. Ces mots, bien qu'attendus, m'atteignent en plein cœur. La douceur de sa voix contraste étrangement avec la douleur de ses paroles. Puis, elle me félicite pour Le Green Cell. Une bouffée de fierté me traverse, même si la situation rend difficile d'apprécier pleinement le compliment. L'odeur de son parfum flotte entre nous, ramenant des souvenirs d'un passé désormais révolu. Elle pose sa main sur la mienne, sa peau froide et douce me fait frissonner. Je sens une tension monter en moi à chaque seconde qui passe. J'ai même la sensation de sentir une goutte de sueur froide dévaler ma nuque, très lentement, comme pour me torturer davantage. J'attends ce moment avec Margot depuis hier soir, peut-être même depuis plus longtemps que ça. Si elle arrivait et qu'elle me voyait, là, assis devant mon café qui vient de perdre toute saveur, avec une autre femme, que penserait-elle ?

La voix douce d'Amélia me rappelle des souvenirs que j'avais enfouis, des moments où sa présence me réconfortait. Où le nous que nous formions me semblait indestructible. Mais lorsqu'elle mentionne son enfant, et je me tends instantanément.

— Le père de Léo nous a abandonnés quelques jours après sa naissance, dit-elle d'une voix tremblante.

Un fils. C'est un garçon. L'information me frappe comme une claque. Je ressens une sensation d'étouffement. Je ne veux pas qu'elle m'en parle. Ça ne me regarde pas. L'air devient lourd, comme si je devais fournir un effort surhumain pour permettre à l'air d'entrer dans mes poumons. Je veux qu'elle parte. Je veux qu'elle ne revienne jamais dans ma vie, et pourtant, une part de moi se souvient des jours heureux que nous avons partagés.

Je regarde à nouveau ma montre. 16 h 32. Fais chier, Margot va arriver.

Elle capte alors la belle pivoine rose que, sans m'en rendre compte, je touche du bout des doigts. Son regard se voile lorsqu'elle le reporte sur moi.

— T-tu... tu attends quelqu'un ?

— Amélia, écoute... commence-je, essayant de garder ma voix calme malgré le stress qui monte.

Elle continue de me fixer, ses yeux brillants d'émotions que je ne veux pas comprendre. Je tente de retirer doucement ma main de la sienne, sentant le poids des souvenirs s'évaporer lentement, mais ses doigts s'agrippent à moi, comme si je lui échappais. Mais nous ne sommes plus rien l'un pour l'autre.

— Je suis désolé pour ta tante, vraiment, mais... tu dois partir maintenant. J'attends une personne importante, dis-je, espérant qu'elle comprenne l'urgence de la situation.

Amélia cligne des yeux, surprise. Qu'est-ce qu'elle croyait ? Que j'allais me morfondre jusqu'à la fin de mes jours en pensant à elle ?

— Reviens avec moi, lâche-t-elle soudain.

Mes yeux s'écarquillent d'incompréhension.

— Mais qu'est-ce que tu racontes ?

— C'est toi, depuis le début, c'est nous. J'ai merdé je le sais, je suis tellement désol-

— Arrête ça tout de suite Mel'. Ferme-la.

La chaleur monte en moi, mes muscles se tendent. Mes mots la blessent, je le vois, mais elle reprend vite contenance et poursuis malgré tout, ses mains désespérément accrochées à la mienne.

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