Chapitre 27

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Margot


     Lorsque j'entends les cris de ma voisine, je ne peux m'empêcher de souffler d'exaspération. Déjà hier, elle parlait de sa voiture qui devait aller au garage pour des réparations, alors qu'elle n'a plus de voiture depuis son accident. Aujourd'hui je ne veux même pas savoir. Ce n'est pas contre elle, mais je ne suis pas d'humeur en ce moment.

Alors que j'ouvre la porte, laissant entrer une brise fraîche et humide qui me fait resserrer mon gilet autour de mon corps, un mouvement au bout de l'allée attire mon attention. Mon cœur fait un bond quand je remarque Samuel. Un mélange de surprise et de quelque chose de plus sombre, plus désagréable m'étreint.

Je jette un coup d'œil rapide vers la maison de madame Descamps, m'assurant qu'elle n'est pas dehors. Heureusement, non. Pourtant, le soulagement est de courte durée. Une vague d'agacement et d'humiliation monte en moi, me faisant serrer les poings.

J'étais très enthousiaste vendredi à l'idée de le retrouver en tête à tête. Première fois que je m'apprêtais pour un rendez-vous avec un autre homme depuis Paul : tenue, maquillage, jusqu'au vernis que j'ai soigneusement appliqué au dernier moment. Tous ces efforts ont été réduits à néant au moment où j'ai franchi les portes du Café Sakura. Je me rappelle la douleur que j'ai ressentie quand je l'ai vu assis avec cette femme magnifique. Ce pic avait été fulgurant et m'avait transpercé de toute part quand j'avais alors remarqué qu'ils se tenaient les mains avec intimité. J'entends encore le son de cette voix féminine lui rappelant à quel point ils étaient heureux, et qu'ensemble, ils pouvaient toujours redevenir une famille, avec leur fils... Je n'ai pas cherché à en savoir plus, j'ai tout de suite fait demi-tour. Je me suis écartée du bâtiment au plus vite, souhaitant mettre le plus de distance possible en nous, jusqu'à ce que mon corps réclame l'oxygène dont je le privais, inspirant alors de grosses goulées d'air.

Une colère sourde bouillonne en moi depuis, mélangée à la douleur.

Samuel n'a jamais mentionné un quelconque enfant alors que, visiblement, il n'en a un, sans qu'il n'en assume son rôle. Et quelque part, en tant que mère, ça me dérange. Alors oui, c'est sa vie, ses choix de vie, mais un enfant a besoin de ses deux parents.

Je prends une grande inspiration, sentant l'air froid brûler mes poumons. La sensation de mes pieds nus en train de geler sur le palier, m'aide à rester ancrée dans le moment présent. Les souvenirs de ses lèvres sur les miennes, de ses mains sur mes hanches, de ma poitrine contre son torse, se superposent à la réalité actuelle, rendant la situation encore plus amère.

Je devine qu'il veut des explications sur mon absence de vendredi dernier. Mais moi, j'avais besoin de faire le point. Je viens seulement de réaliser à quel point je suis attirée par lui et, dans la même foulée, je me prends un saut d'eau glacée en découvrant qu'il a quelque part une famille. Je suis complètement déstabilisée.

Je sens une boule se former dans ma gorge et mes mains deviennent moites alors que je reste figée à le regarder s'approcher. Je me sens stupide. Stupide d'avoir cru que cette attirance était réciproque. À moins qu'il l'ait été, mais qu'il ne l'est plus. Il faut que j'impose une distance entre nous deux avant que je ne m'attache davantage, car à tout moment, Samuel peut décider de retourner auprès de cette femme et de son enfant, et je sais déjà que je serais brisée quand ça se produira.

Je suis partagée entre la colère et la tristesse. Colère contre moi-même pour m'être laissée emporter aussi facilement face à cet homme tomber du ciel pour me conquérir. Et la tristesse, pour cet avenir qui ne se réalisera jamais, pour cette possibilité de nous et de ce que nous aurions pu vivre ensemble. L'air frais soulevant légèrement mes cheveux n'apaise pas le feu qui brûle en moi. Samuel est maintenant qu'à quelque pas de moi, attendant certainement des réponses que je ne suis pas sûre de pouvoir donner. Le voir ici me rend encore plus confuse.

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