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"Le temps d'apprendre à vivre il est déjà trop tard
Que pleurent dans la nuit nos cœurs à l'unisson
Ce qu'il faut de regrets pour payer un frisson
Ce qu'il faut de sanglots pour un air de guitare."Les rues n'avaient jamais été aussi vides. Et pourtant Taehyun les arpentait souvent, de nuit ou de jour, histoire d'échapper à l'ambiance étouffante qui régnait dans la maison, à la maladie de Soobin, à la folie de Yeonjun. Il sortait par la porte de la buanderie et se baladait, allant d'un trottoir à un autre, franchissant les grilles des parcs fermés et abandonnés, rasant les murs dès qu'il entendait le vrombissement d'une voiture de police. Il était le seul à ne pas courir. Tous les autres allaient vite, leurs enfants dans les bras, chargés de sacs. Ils fuyaient. Et à chaque fois, il avait l'impression de marcher sur un champ de mines. Il s'attendait presque à voir l'asphalte se déformer sous la pression, des explosions lui siphonner les tympans. Ce jour-là, il n'y avait personne. Pas âme qui vive, aucun adulte pressé.
Mais par contre, il entendait les télés. Ces instruments de torture qui diffusaient en permanence des images de crashs, de violences, de mort. Les télés qui vomissaient leur lot de traumatismes à chaque instant. Alors ça devait être ça, il devait se passer, quelque part dans le monde, une chose atroce qui maintenait les gens devant leurs écrans.
Taehyun contourna les ruines d'un chantier et marcha vers le lac. Métaphore de l'oasis en plein désert, ce lac était comme l'œil aveugle d'un géant endormi. Pas un poumon, parce que ce n'était qu'un petit plan d'eau, juste un unique œil transparent, qui ne surveillait plus sur la ville depuis au moins dix ans. Quand on avait commencé à y jeter les déchets chimiques.
Pour en faire le tour, il fallait compter une demi-heure, et le garçon en avait une à tuer. Il entra donc sur le petit sentier caillouteux, ses semelles crissant dessus à chaque pas. Les rares oiseaux revenus malgré l'absence du soleil lâchaient quelques cris d'alarme qui ne servaient plus à grand-chose; tout le monde savait que la fin était proche. Le lac reflétait sa ville, le ciel aussi. Un amas de lumières, provenant des immeubles et des lampadaires toujours opérationnels. La nuit tombait, le ciel était noir comme de l'encre. Il n'y avait jamais plus eu d'étoiles, depuis que le soleil avait disparu. C'était toujours des nuages, gris le jour et noirs la nuit. C'était d'ombres et de lumières, ce soir-là. Quand il la vit.Le lac était bordé d'un sentier, lui-même entrecoupé de bancs, tous les vingts mètres. Elle était assise sur un de ces bancs à la peinture verte écaillée, aux pieds rouillés. Elle avait les cheveux aussi sombres que la nuit environnante, la présence claire comme les quelques lumières autour. Et quand elle plongea ses yeux dans les siens, ils étaient remplis de ses doutes, comme un miroir.
Il marcha jusqu'à sa hauteur, et s'arrêta devant son banc. De près, elle était encore plus impressionnante. Quelque chose dans sa posture, montrait sa sérénité, sa force. Elle était grandiose.-Le monde est plus beau de nuit, quand on ne voit pas ses fissures. Quand les lumières artificielles font comme des étoiles dans le reflet du lac. Qu'en penses-tu ?
-Le monde est beau de toute façon.
-Était. Le monde était beau, Taehyun. Maintenant, ce n'est plus que du vent, de la poussière entre nos doigts.
-De la poussière... Du sable dans un sablier.
-Le temps et la mort ont toujours été inextricablement liés, tu sais. Plus le temps passe et plus nous nous rapprochons d'une fin. Pas forcément de la nôtre, mais forcément d'une. Il est même possible que là tout de suite, des gens affrontent leur fin.
-Le monde est si grand que ça en donne des frissons. Si grand qu'on en devient insensibles. J'ai lu quelque part qu'il y avait cent-neuf morts par minute... Et ça ne me touche même plus.
-Cent-neuf, cent-dix... peut-être cent-quarante, peut-être quatre-vingt... Peut-être mille, qui sait ?
-Mille morts par minute ?
-Dans le climat actuel, c'est possible. Les gens se tuent, tuent ou font tuer.
-Et nous, on fait quoi ?
-Nous ?
Elle le regarda droit dans les yeux, le forçant à se noyer dans ses prunelles d'onyx. Elle avait un grain de beauté près de l'œil gauche, comme une larme incrustée dans la peau.
-Moi, Taehyun, j'ai tué.
-Où ? Quand ? Et d'ailleurs comment tu t'appelles ?
-Chaque chose en son temps.
Il resta avec ses questions tourbillonnant dans sa tête. Au loin, un énième avion de chasse fendit l'air au-dessus d'eux. Invisible dans la noirceur nocturne. Avec un frisson, le chanteur se rendit compte que la nuit était une arme terriblement efficace. Elle masquait les ennemis. Effaçait leurs traces. La nuit semblait comme cette fille, assise à un mètre de lui. Calme et terriblement dangereuse.
Les oiseaux s'étaient tus. La ville affrontait sa peur du noir en brandissant ses milliers de lampes blanches, jaunes et violettes. Lui, il sentait ses mots tournoyer, se briser, se recréer, à cause d'elle. Son esprit était sans-dessus-dessous, mais dans le même temps, il n'avait jamais eu autant de réponses. Comme si ce court échange lui avait donné ce qu'il cherchait. Il tira sur le bas de sa veste, un peu intimidé. En y réfléchissant bien, cette fille était belle. Et elle avait les mots. Les mêmes que les siens. Il sentait comme un lien entre elle et lui, comme s'ils se reflétaient au même moment dans le même miroir avec le même sourire énigmatique. Il avait l'impression de l'aimer mais pas dans le sens de l'amour. Dans le sens d'une étoile dont on peut apprécier la présence. Lointaine et inhumaine mais réconfortante. Et effrayante.
Quand il reprit la parole, il avait froid. Le vent passait et repassait entre ses cheveux, dans son cou. Il se sentait percé de toutes parts, maltraité par la tempête.-Tu ne m'as pas dit ce que je faisais, moi. Je tue, je fais tuer ou je me tue ?
-Toi tu es d'abysses.
-Et donc ?
- Toi tu te tue, c'est évident.
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||𝗕𝗼𝘂𝗻𝗰𝗲𝗿𝘀||
Fanfic📼⋆.˚ ⋆˙ᝰ 𝗣𝗹𝗮𝗰𝗲 𝗮𝘂 𝗰𝗵𝗮𝗼𝘀. Il y a ceux qui rêvent et espèrent encore. Ceux qui perdent patience, qui se débattent. Et ceux qui se noient dans le plus grand des silences. Le soleil a disparu derrière la folie humaine, les gens fuient pour...