𝐓𝐰𝐞𝐧𝐭𝐲 𝐭𝐡𝐢𝐫𝐝

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«L'Amour fut toujours mauvais.
Il se plaisait à voler les sourires,
À ne laisser que des soupirs,
Sur leurs visages désemparés.»

    - Kai. Maintenant que tu es réveillé, sois honnête avec moi.

L'homme en face d'elle hocha positivement la tête, ses cheveux blonds à la racine brune oscillants sur son crâne.

    - Qui est Taehyun ?

Un fugace éclair passa dans les yeux de Kai. Un éclair où se mêlaient la culpabilité, l'espoir et des sentiments plus profonds, plus destructeurs.

    - Taehyun... Pourquoi ?

    - Tu n'arrêtais pas de prononcer ce prénom, quand tu dormais. C'était décousu, sans sens, je n'ai pas pû comprendre toute seule.

Ils se jetèrent un regard. Lui et ses prunelles sombres vibrent sonder celles bleutées de sa sauveuse. Elle avait les cheveux les plus étranges qu'il ait jamais vu. Des mèches blanches couraient dans tous les sens, retenues ça et là par des épingles multicolores. Lorsqu'elle secouait la tête, on aurait dit une tempête d'arc-en-ciels.

    - Mais je ne sais plus...

Là, il saisit au vol l'image de ce ciel ravagé par les couleurs. Du bleu rageur et du rouge cruel contre un vert pâle et un jaune craintif. Le violet qui arrivait par flashs, le rose espoir noyé dans tout ça.

    - Ne me mens pas, Kai.

    - Je ne mens pas, je ne sais vraiment plus. J'ai comme la sensation que mes souvenirs sont tombés quelque part. Et ce prénom... Taehyun, oui, il me dit quelque chose, j'ai des émotions qui y sont rattachées, mais pour le reste... Je ne sais même pas s'il s'agissait d'un réel être humain.

L'inconnue blonde s'assit en tailleur face à lui, agacée. D'une voix ferme, elle le tança ;

    - S'il y a des émotions, il y a quelque chose. Tu n'as qu'à me dire les impressions, les sensations. Tous ces petits bouts de temps qui te rappellent ce 'Taehyun'.

Il se prit le visage dans les mains, tentant de recoller les morceaux, mais les souvenirs qui arrivaient n'étaient pas les bons. Il voyait seulement du sang. Du sang sur ses mains, du noir tout autour, des voix à ses oreilles, grinçantes et ricanantes, moqueuses, affreuses. Il voyait tout en double et finit par se laisser choir au sol, en proie à une migraine atroce. Face à sa crise, l'autre se taisait. Elle ne fit pas un geste pour l'apaiser, se contentant de l'observer. Comme s'il était une expérience, un cobaye, qu'elle était ravie de ses souffrance, ravie d'en apprendre plus sur le fonctionnement de la tristesse.

    - Qui... es-tu...? Articula-t-il en serrant les poings.

Il était terrifié mais ne se l'avouait pas. Il avait appris, il y a bien longtemps, à transformer sa peur en rage. Et à garder cette rage dans son cœur pour en faire un mantra.

    - Moi ? Tu voudrais savoir qui je suis ? Le grand, l'unique Kai Huening souhaite en savoir plus sur ma modeste personne, je suis flattée. Déclara-t-elle, une main posée sur le torse, l'air réellement enthousiaste.

C'était à n'y rien comprendre. Cette fille, ou femme, car il n'aurait su déterminer avec précision son âge, passait du coq à l'âne, aimable puis renfrognée, ce qui ne la rendait que plus effrayante. Il lui semblait assister à un de ces spectacles où le même acteur jouait deux rôles. Où il était deux en n'étant qu'un et où finalement, on ne savait plus très bien. Il se perdait de la même façon dans ses yeux couleur de verre.

    - Moi, je suis Dahl. Quand j'étais petite, je rêvais. Je rêvais que j'étais une princesse, que ma petite sœur revenait, que mes parents cessaient de se disputer. Et quand j'ai grandi, j'ai arrêté. J'ai arrêté de passer mon temps à me créer une autre vie, un autre monde. Je suis passé à autre chose, mais, Kai, si tu savais... Les gens comme moi n'oublient jamais vraiment les rêves qu'ils avaient étant enfants. Les gens comme moi se perdent dans le dédale de ce passé qu'ils ont tenté d'effacer. Mais à force de briser la mémoire, on se brise tout seul. Je me suis brisée toute seule, tu vois. Bêtement. Comme si une horloge tombait toute seule de son mur et venait s'écraser sur le parquet. C'est idiot, tu ne trouves pas ? De se briser soi-même. Et pourtant, on ne dirait pas, hein ? Les gens comme moi sont très habiles. Ça aide, d'avoir une fissure de là, elle pointa le haut de son front, à là, son doigt traça une ligne approximativement droite jusqu'à ses pieds. Je ne sais pas. La tout de suite, j'ai comme un champ de bataille à l'intérieur. Il y a cette partie de moi qui rêve encore. Et l'autre qui voudrait t’étrangler, j'ai oublié pourquoi. Je m'appelle Dahl, tu sais ? Comme les dahlias. Les dahlias peuvent se décliner en beaucoup de couleurs. Rouge, blanc, jaune, noir. Tu as déjà vu des dahlias noirs, Kai ? Parce que ça n'existe pas. Ils sont plutôt bordeaux foncé. Ils appellent ça dahlia noir mais ce n'est même pas noir. C'est ce que j'appelle un mensonge. Les dahlias sont des mensonges. Parce qu'avant, ils symbolisaient la tromperie. Et maintenant, la reconnaissance. Je n'ai jamais compris. Où commence le vrai du faux, avec les dahlias. Ces fleurs, elles font un peu peur. Avec leurs pétales affûtées, sans cœur. Elles m'hypnotisent, aussi. Les dahlias sont étranges. Comme moi. Les fleurs du pays qui honore plus ses morts que ses vivants. Des dahlias sur mon âme, comme si c'était déjà une tombe. Tu vois, Kai. Personne n'est censé être blanc, pur, innocent. Nous avons tous des démons, des idées noires, des pensées rouges. Ça ne sert à rien de se mentir. Tu es comme moi. Oui, c'était un hasard, notre rencontre. Tout n'est que hasards, croisements, choix. On finit tous par s'échouer au même endroit. C'est prévisible, mais mais hasardeux. Ce que je sais c'est que tu es comme moi, Kai. Tu es comme nous tous. Tu es un meurtrier.

Il se passa un long moment où il l'a fixa, bloqué sur son dernier mot. Il lui semblait résonner contre les parois de l'appartement. S'échappant lentement par la fenêtre ouverte. Celle là même qui revenait frapper contre son encadrement, poussée par le vent, dans un grincement pénible. L’air froid venait par vagues, glaçant ses membres, comme un anesthésiant dont le prix à payer était une morsure douloureusement ressassante, l’intérieur.

    «Un meurtrier. Un meurtrier. Tu es un meurtrier, Kai.»

Il le savait, bien entendu. On le lui avait déjà dit, Taehyun le premier. Mais se l'entendre dire de la bouche d'une étrangère à demi noyée dans son ombre, c'était un tout autre cas de figure. De quel droit arrivait elle pour tout chambouler ? Qui lui avait permis de s'immiscer dans ses pensées, d'épier ses rêves ? Il avait plus que besoin de Taehyun, à cet instant. De se sentir en sécurité dans ses bras. D'enregistrer encore et encore ses battements de paupières, le parfum émanant de son cou, la douceur de ses gestes.
Où était l'espoir, lorsqu'il en avait besoin ? Il avait pioché dans la mauvaise jare, à coup sûr. Car, au rythme des pas qu'il entendait frapper sur un escalier non loin, il sentit son cœur s'affoler. Il eût tout juste le temps de se retourner vers Dahl. Elle était plantée derrière lui, les mains posées sur le manche d'une mince seringue qu'elle enfonçait dans son bras droit. Il ne cria pas, l'air acide dans ses poumons ne le permis pas. Il tomba gracieusement au sol, comme une poupée désarticulée. La dernière sensation qu'il emporté fut ce tiraillement dans le ventre, cette peur qu'il n'arrivait à identifier que trop tard. Ça et l'air horrifié de la jeune fille aux yeux bleus, lorsqu'elle sembla s'éveiller d'une longue transe et se rendit compte de ce qu'elle venait de faire.

    - Tae...

||𝗕𝗼𝘂𝗻𝗰𝗲𝗿𝘀||Où les histoires vivent. Découvrez maintenant