𝐒𝐞𝐯𝐞𝐧𝐭𝐞𝐞𝐧𝐭𝐡

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Des millions, des milliards, à l’infini des étoiles.
Ils étaient là, tous les cinq, à cette exposition dans l’observatoire.
Cette salle sombre, sombre comme les secrets qu’ils cachaient. Sombre comme ce double visage qui leur avait poussé discrètement, cet anti-être qui leur pourrissait la vie, dans l’ombre, sans qu’eux-mêmes ne puissent le voir.

Au milieu des familles, des couples, des adolescents, ils étaient perdus.
Qu’étaient-ils ? Sans amour, sans réponses.
Quand on leur ôtait le maquillage, le script, le masque.
Que devenaient ils ?

- Il y a une petite salle, là-bas. Ce sera plus confortable que le grand hall. Chuchota Beomgyu, ce qui était rare venant de lui.

Ils le suivirent, sans discuter, sans entrain, sans sourire.
À chaque pas des morceaux de bonheur, comme des chaînes qui glissent et retiennent en arrière.
À chaque pas, des morceaux de tristesse, comme un drap blanc qui recouvre de la tête aux pieds.
Des fantômes, voilà ce qu’ils étaient.

Soobin, juste derrière son cadet, entra.
Ce ne fut pas une explosion de couleurs. Ce ne fut pas une révélation. Ce ne fut pas un instant magique où ils oublièrent tous leurs problèmes.
Ce fut une pièce. Quatre murs. Et des millions d’étoiles. Des constellations. Des petits points scintillant liés les uns aux autres, une infinie ronde, un circuit de point à point, d’étoile à étoile, avec des noms, des adresses, comme des humains en mille fois plus.

- On peut s’asseoir ? Interrogea lentement Taehyun, les yeux levés vers le plafond.
Les autres ne se posèrent pas plus de questions et s’allongèrent à même le sol, en étoile à quatre branche, avec un plus grand espace entre Kai et Yeonjun.
De lui-même, l’avant dernier s’y plaça, sans perdre une seule fois des yeux un scintillement étrange dans un angle, juste à côté de lui.
Après plusieurs minutes de contemplation, où était-ce des heures ? À n’entendre que leurs soupirs se mêler à la ventilation automatique, Beomgyu prit la parole.

- Personne ne va se décider à en parler ?
- Il y a quelque chose à dire ? Fit le sarcastique Yeonjun.

Soobin se releva et le toisa, sentiment perdu dans l’obscurité. 

- Je pense que ça nous ferait du bien. Je veux dire… Personne ne va bien, on le sait tous, mais il va falloir accepter l’aide qu’on peut se fournir entre nous. Poursuivit le brun, allongé entre Soobin et Taehyun.

Une main chercha la sienne à tâtons. Dans le bruissement du tissu de leurs sweats à capuche frôlant le sol, ils joignirent tous leurs paumes.

- Il a raison.

Aucun ne sut dire lequel avait parlé, et finalement, à partir de ce moment-là, ils ne se souvinrent jamais vraiment ce qui était arrivé.

- Alors on va jouer à un jeu. Un secret par personne, un secret sans réaction, juste un secret, pour lâcher du lest.

- Oui…

Alors, avec pour seuls témoins les projections d’autres petits soleils à des millions d’années-lumière, ils se confièrent.

- Je peux pas m’en empêcher. C’est vital, j’ai beau me dire que ça me tue j’arrive pas à arrêter. Chaque fois que je vois une bouteille je dois la finir, ça met tout en off, le temps paraît rallonger, je m’endors vite, ça me bloque dans un espace, une dimension , un moment que j’aimerais voir se poursuivre à tout jamais.
Mais après je me réveille et le ciel est sombre, j’ai la gorge en feu, les yeux secs, j’ai l’impression de revenir d’un cauchemar. Qui se répète et se répète encore…

Ils avaient promis de se taire, mais au moment où la phrase de Taehyun s’acheva, ils auraient voulu l’enlacer, lui dire que tout irait bien, que ça allait s’arranger.
Mais ils se turent, parce que les règles du jeu avaient été émises, pas de retour en arrière possible.

- J’ai perdu ma grand-mère. On a perdu notre grand-mère, et les filles ne vont pas bien. Je les ai vues, il y a quelques jours, elles pleurent. Léa a résilié son plus gros contrat, elle a perdu le goût à la vie. Bahiyyih n’allait pas bien depuis que son groupe s’est fragmenté… Je… On n’y arrive plus, la famille se casse comme un vase, comme un verre transparent, dont on perd les morceaux à jamais. J’ai peur.

Kai inspira une grande goulée d’air. Se confier n’était pas chose aisée, et il venait d’en dire beaucoup.
Néanmoins, et les autres l’avaient remarqué également, il ne parlait de lui qu’à travers ses sœurs et sa famille. Il était eux, un morceau du vase lui aussi glissé sous un meuble et perdu.
« Kai, pourquoi tu ne dis pas les choses ? Dis que c’est toi qui pleure tous les soirs, dis-le ! On te jugera pas, on est là pour t’aider ! »

Les mots restèrent coincés dans leur gorge.

- On l’a fait.

Un frissonnement les parcourut.  Ils avaient reconnu la voix de Yeonjun. Puis ce fut le toussotement de Soobin, qui s’étranglait dans son coin, les joues en feu et les larmes aux yeux.
Ce timbre rauque qui n’appartenait qu’à lui s'éleva, certainement accompagné de cette moue qu’ils imaginaient parfaitement bien sur son joli visage.

- On l’a fait à l’arrache. Y a trois jours. À l’arrache dans un hôtel au coin de la rue. C’était ma première fois, la dernière aussi, je pense.

À côté de lui, relié par la main gauche à Beomgyu, Soobin tremblait.
Ils avaient brûlé les étapes, tous les deux en colère, tous les deux animés de ce désir d’oublier la date de péremption du monde, cette envie de se noyer dans la nuit.
Ils s’étaient sentis vivants, rien qu’un instant. Vivants le temps d’un baiser, d’une caresse, sensation éphémère.
Le frisson s’en était allé, ne restait que l’écho. L’écho de leurs cris contre les murs, de leurs corps fatigués, de la lune malsaine, du silence, de leurs aveux imaginaires.
Ça ne ressemblait pas aux films. Au lieu d’amour il n’y avait eu que du vide. Une falaise dont ils s’étaient encore rapprochés. Une falaise depuis laquelle ils seraient bientôt poussés.

Dans leur stratosphère, devant la beauté de l’espace, ils se souvenait de la vulgarité de leurs langues mouvantes, de leurs mains baladeuses, des doigts de Soobin dans les cheveux de Yeonjun, des yeux de Soobin qui se fermaient sous les chocs.
Fugace, labile, écœurante insomnie.

Les regrets, qui cassent le cœur en deux.
Les promesses, qui se font la malle discrètement alors que le soleil se lève sur leur lit délaissé.

Pas un bruit. Pas d’objections, pas de chuchotements.

Aucun commentaire, malgré tout ce qui leur électrisait le sang.
Ils s’en doutaient certainement, pour Yeonjun et Soobin, les âmes en peine.
Et maintenant, ils attendaient.

Ils attendaient le secret de Beomgyu. Dans leur coin de monde, à l’abri des regards.

Dans une pièce remplie d’étoiles, un jour d’octobre. Quand les arbres perdent leurs feuilles mais que ces mêmes feuilles sont tellement ridicules dans l’immensité de ce putain d’univers.

Beomgyu leva la main, entre ses doigts écartés, des liens. Des fils lumineux. Des millions de ponts, de possibilités.
Pouvait-il leur avouer ? Ce secret qui le rongeait ? L’empoisonnait ?

Il baissa le bras, saisissant à nouveau la main de Taehyun.

Juste au-dessus, son nom en grec brillant de ses six lettres, son Cygne, son Dragon et sa Cassiopée autour, Cepheus clignota et se ternit. Sans bruit.
Et Beomgyu parla, son agonie sur les lèvres.

||𝗕𝗼𝘂𝗻𝗰𝗲𝗿𝘀||Où les histoires vivent. Découvrez maintenant