Sweet Tooth

1 - Une rentrée mouvementée

A sweet tooth for you, I'm wide awake

The sugar went straight to my brain

Feel like a kid, I double tap

My chest with my fist :

I like you, say it back

Cavetown - Sweet Tooth

***

Le chemisier bleu ? Ou bien le rose ?

Dix minutes que je piétinais devant mon armoire, élevant un cintre, puis l'autre devant moi pour juger l'allure que j'avais. Lequel ferait une meilleure impression ? Le bleu était un peu passé –quant au rose, je n'étais pas sûre qu'il corresponde vraiment à l'image de la nouvelle élève " trop cool et stylée " que j'essayais d'atteindre. À vrai dire, aucune de mes affaires ne méritait vraiment d'être qualifiée de " cool ".

" Liv ? Dépêche-toi, tu vas être en retard ! "

Il aurait fallu que j'achète de nouveaux vêtements, me suis-je dit en enfilant le chemisier bleu. Encore une chose à laquelle je n'avais pas pensé : tout l'été, mon argent durement économisé avait fondu, dilapidé en sorties au cinéma, jeux vidéos et, bien sûr, en sucreries en tous genres que je m'étais empressée d'engloutir à peine achetées. Ma mère avait pourtant été formelle : plus d'argent de poche pour moi tant que je ne ferais pas preuve de sérieux.

" Dis, tu m'entends ?! Tu as vu l'heure ? "

Mon reflet m'a lancé un regard désapprobateur. Maman a raison. Plus question de te comporter n'importe comment, désormais. Tu es pratiquement une adulte, il serait temps d'être mature et raisonnable.

Du plat de la main, j'ai lissé les plis de mon chemisier. Au fond, ce transfert d'école tombait à pic. C'était le coup de pied dont j'avais besoin, l'élan pour me débarrasser enfin de cette image de gamine qui me collait à la peau. À Sweet Amoris, personne ne me connaissait et je ne connaissais personne ; j'aurais enfin l'occasion de donner le change. À commencer par une tenue digne de ce nom. En me retournant pour m'examiner sous tous les angles, une tache disgracieuse d'un jaune indéfinissable s'est révélée dans toute sa hideur. Comment m'étais-je fait un truc pareil ? En vain ai-je essayé de la gratter. Il fallait me rendre à l'évidence : à moins de laver mon chemisier, j'étais bonne pour afficher cette tache toute la journée.

" Quelle plaie, ai-je marmonné en me déshabillant. "

Il ne me restait plus qu'à enfiler mon haut rose affadi au col blanc froncé. Un coup d'œil à mon reflet a achevé de me dépiter, mais à part en fouinant à nouveau dans ma garde-robe, je n'avais pas vraiment le choix.

" Hé Liv ! Qu'est-ce que tu fiches encore là à une heure pareille ? "

La porte s'est ouverte en trombe et ma mère est apparue sur le seuil avec sa tête des mauvais jours. Elle s'est appuyée contre le chambranle et a embrassé ma chambre du regard.

" Non mais c'est quoi ce bazar ? " s'est-elle exclamée " C'est comme ça que tu ranges ?

- J'ai rien à me mettre, ai-je geint, faute d'une meilleure explication.

- Ça m'étonnerait, tu as au moins autant d'affaires que moi. "

Parce que je ne sais rien jeter ni trier et que j'ai les mêmes fringues depuis mes quatorze ans. Ma mère a désigné du doigt mon réveil. Quand j'ai tourné la tête, mon estomac a fait un saut périlleux.