Chapitre 4 - Abélianne De Rosamire [1/2]

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L'ombre progressait vers elle telle une entité vivante dotée d'une volonté propre. Plus elle avançant vers elle, plus le cercle de lumière dans lequel elle se tenait, sa seule protection face à cette ombre,se réduisait en la laissant vulnérable et sans défense.
Impuissante, elle voyait l'ombre se rapprocher de ses pieds nus en dévorant les derniers centimètres, absorbant et étouffant la lumière.
Etreinte par la peur, elle regarda désespérément autour d'elle en quête d'une issue, d'un moyen de repousser ces ombres, mais il n'y avait que cette obscurité affamée qui noyait tout. Elle était piégée, condamnée.
Les derniers éclats de luminosité se firent engloutir et l'ombre l'atteignit.
Un froid glacial s'instilla en elle alors qu'elle recouvrait ses pieds. Ce fut encore pire lorsqu'elle remonta le long de ses chevilles puis de ses jambes. L'obscurité lui écrasa et lui comprima la poitrine, l'empêchant de respirer correctement.
S'agitant, elle tenta de se débattre, de s'extraire de l'ombre, mais celle-ci formait une masse visqueuse qui restreignait ses mouvements.
Progressant sur elle, l'obscurité s'enroula autour de sa gorge, l'étouffant encore davantage. Ouvrant la bouche, elle chercha de l'air mais, dès que ses lèvres se descellèrent, l'ombre les franchit, s'engouffrant dans son œsophage, puis elle s'insinua dans ses narines, ses oreilles et même ses yeux. Elle était comme un liquide épais qui envahissait sa gorge, ses poumons et même l'ensemble de son corps.
Toussant et crachant, elle s'étrangla, ne pouvant plus respirer. L'obscurité l'engloutissait et l'avalait, la faisant disparaître pour qu'il ne reste que l'ombre.
Abélianne se réveilla subitement en hurlant et en luttant contre ses propres draps imprégnés de sueur.
S'extirper de ce cauchemar ne la rassura nullement. A cause de l'heure tardive, sa chambre était plongée dans les ténèbres, une obscurité terrifiante dans laquelle elle percevait une présence qui s'y camouflait pour l'observer, une présence qui ne cessait de l'épier depuis des mois et qui gagnait en force dans l'obscurité. Abélianne la sentait prête à fondre sur elle tel un prédateur.
Du haut de ses douze ans, son premier réflexe fut de s'enfouir sous ses couvertures pour se cacher mais il faisait encore plus sombre sous les draps. Alors qu'elle s'y terrait, tremblant de tout son corps,une silhouette longiligne se découpa face à elle, avec elle sous la couverture, encore plus obscure que l'obscurité.
La jeune fille poussa un nouveau hurlement de terreur et bondit de son lit en écartant les draps. Dans la précipitation, elle chuta sur le sol froid de sa chambre. Ce froid qui se transmettait à sa chair et la manière dont l'obscurité la recouvrait lui rappelaient beaucoup trop le cauchemar dont elle venait de se réveiller.
Etouffant cris de panique et sanglots de peur, elle se releva en tremblant et courut jusqu'à la cheminée de l'autre côté de sa large chambre en se heurtant au mobilier. Tombant à genoux devant l'âtre, elle tâtonna à l'intérieur pour s'assurer qu'il y avait quelques bûches parmi les cendres froides puis autour pour espérer trouver de quoi allumer un feu qui l'aurait éclairée.
La présence grandissait derrière elle et s'approchait dangereusement. Abélianne sentait déjà ses longs doigts glacés effleurer sa nuque.
La lumière de plusieurs chandelles l'éclaira soudainement, la faisant violemment sursauter.
Pleurant et tremblant toujours, elle se tourna vers la source de cette luminosité, qui repoussait les ombres mais pas encore suffisamment,cependant aveuglée, elle ne put distinguer clairement qui l'avait rejointe dans ses appartements.
Elle parvint néanmoins à identifier sa gouvernante à son ton sec et dur lorsqu'elle s'adressa à elle :

« Peut-on savoir ce que vous faites, Mademoiselle ? En pleine nuit qui plus est ? Cela vous amuse t-il donc de réveiller toute la maisonnée à une telle heure ? Vous avez passé l'âge de faire des caprices pourtant, vous ne cessez d'en faire, encore la veille.Cela ne vous suffit-il pas de faire de telles scènes en refusant de vous coucher ? Faut-il en plus que vous troubliez le sommeil de tous ?

- Je...je ne peux pas dormir dans l'obscurité, je ne cesse de vous le répéter ! Balbutia Abélianne, à peine moins affolée. Ce...c'est cette...cette ombre ! Elle... (la gifle qui la cueillit à la pommette l'interrompit).

Le Sang des Déchus - Tome 2 : TraîtresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant