Chapitre 13 - Le Marchand de Sable

4 2 0
                                    

Face à eux, l'homme les salua tous de son large sourire lumineux qui exposait ses dents éclatantes.
Le Marchand de Sable, l'un des hommes les plus officieusement puissants de Thamarèthe, semblait plus jeune que ce à quoi les Déchus s'attendaient, n'ayant visiblement qu'une trentaine d'années.
Son physique s'avérait plutôt plaisant et attrayant avec ses épaules larges parfaitement proportionnées et sa grande taille. Etre fort physiquement devait certainement être primordial pour asseoir son autorité sur son réseau, certains trafiquants ne respectant pas grand-chose d'autre, cependant, il affichait un certain raffinement.
Il portait un pantalon noir à fines rayures grises sur lequel remontaient des bottes luisantes de cire, une chemise blanche aux manches retroussées jusqu'aux coudes sous un veston brun aux broderies dorées. Sa tenue paraissait bien trop propre pour quelqu'un qui se trouvait au milieu de la jungle : aucune tache de boue sur ses bottes parfaitement cirées, ou de sueur sur sa chemise beaucoup trop blanche alors que tous les autres avaient une bien piètre allure après leur marche dans la jungle, couverts de toutes sortes de salissures et de projections de terre, leurs cheveux désordonnés et humides tombant dans leur regard.
Il y avait quelque chose d'anormal dans la propreté qu'affichait le Marchand de Sable,presque quelque chose de malsain, qui semblait indiquer qu'il ne se salissait jamais lui-même les mains, pourtant, tous devinaient sans peine qu'il aurait parfaitement pu représenter un danger. Sans compter que tous ceux présents dans la plantation les auraient tous attaqués sur un simple geste de sa part.
Sa peau mate possédait presque la même teinte que ses cheveux clairs d'un châtain presque blond, certainement à force de vivre sur l'île au climat tropical de Béathla. Quelques mèches retombaient sur son front.
Si ses lèvres présentaient ce sourire éclatant, ses yeux vert clair demeuraient froids et paraissaient analyser dans les détails ceux devant lui. Dès qu'il se posa sur Morcia, qui se courba légèrement vers l'avant pour le saluer, son regard se réchauffa et son sourire sembla devenir sincère.
D'un signe, il invita, ou plutôt ordonna, à la jeune femme de le rejoindre, ce qu'elle fit, venant se placer à ses côtés.
Passant un bras autour de ses épaules, il la félicita en posant à nouveau ses yeux sur ses interlocuteurs :

« Quelle efficacité ! Je ne pensais pas que tu reviendrais si rapidement. C'est bien pour ça que je t'ai envoyée toi et pas un autre, même si tu me manques quand tu n'es pas là. Et tu as même ramené les Déchus avec toi.

- Nous sommes là aussi. Signala Moïra.

- Et je ne pourrais jamais vous oublier, ma chère, sourit le Marchand de Sable, mais je n'ai pas pour habitude de faire des manières pour mes employés et ce n'est pas pour vous que j'ai organisé cette petite réunion.

- Justement, vous nous voulez quoi ? Demanda Torrie sans détour.

- Morcia ne vous a pas expliqué ? S'étonna le Marchand de Sable en remontant les doigts dans le cou de la jeune femme.

- Disons qu'on se demande surtout pourquoi vous voulez nous aider en vous mettant toutes les autorités à dos. Précisa Ysandre.

- Je les ai déjà à dos ! Rit le Marchand de Sable. Mais allons parler plus confortablement ! Il ne sera pas dit que je ne sais pas recevoir, surtout des invités aussi prestigieux ! Suivez-moi !

Lysange ouvrit la bouche, s'apprêtant à exiger qu'ils parlent immédiatement, n'ayant aucune envie de perdre encore du temps et s'impatientant alors que les explications détaillées leur manquaient toujours, mais le Marchand de Sable ne lui en accorda pas l'occasion.
Lançant à la jeune femme un sourire supplémentaire, qui l'agaça, il fit volte-face en entraînant Morcia à sa suite, un bras autour de ses épaules. N'ayant visiblement guère le choix, les Déchus lui emboîtèrent le pas à travers les lianes de mélandrie dans des grommellements de contrariété.
Après quelques mètres, la plantation céda la place à des espaces dégagés qui se succédaient entre les arbres,probablement pour éviter que ces clairières artificielles soient aussi repérables qu'une plus large. Exposés aux rayons du soleil,qui irradiaient les lieux et éblouirent le groupe après la légère pénombre de la jungle maintenue par l'épaisse végétation, des pétales irisés de mélandrie séchaient afin d'être plus aisément broyés avant d'être vendus sous forme de rêve irisé.Leur odeur douceâtre et entêtante y flottait, encore plus forte qu'au milieu des lianes. Encore une fois, quelques personnes surveillaient qu'aucun problème ne survenait.
Ralentissant, le Marchand de Sable échangea quelques mots avec certaines, conservant toujours son sourire mais ses employés se pressaient de retourner à leur tâche dès la fin de la courte conversation, paraissant savoir que, malgré son expression enjouée, il valait mieux ne pas décevoir le patron.
Ce dernier poursuivit son chemin vers un autre secteur de la plantation, qui se révélait encore plus grande que ce que tous soupçonnaient,où se massaient plusieurs cabanes, qui ressemblaient aux habitations qu'ils avaient croisées à Savannore ; en terre séchée et aux toits de palmes. Seulement deux bâtiments étaient de pierres,l'un aux allures d'entrepôt dans lequel on transformait probablement la mélandrie en poudre, ce que confirmait le son d'une meule qui s'en échappait.
Le deuxième évoquait une coquette maison de ville de plain-pied, avec ses volets peints et la plante s'accrochant à la façade. Trouver une telle chaumière au cœur de la jungle était vraiment étrange, comme si il y avait une anomalie dans ce décors.
Le Marchand de Sable s'y dirigea et poussa la porte pour entraîner ses invités dans un salon modeste,dans lequel il n'y avait pas suffisamment de place pour que tous s'y asseyent, même si seule Moïra entra en laissant ses hommes à l'extérieur, mais qui, au vu de son emplacement dans la jungle, possédait un grand raffinement.
Personne ne doutait qu'il s'agissait de la maison du Marchand de Sable, qui se réservait bien évidemment la plus belle habitation de la plantation alors que les autres dormaient dans les cabanes de terre.
Ouvrant un buffet en bois brut, le Marchand de Sable sortit plusieurs gobelets, certains en étain et d'autres en terre cuite, ainsi qu'une bouteille d'une liqueur distillée à partir d'une plante locale. Aidé par Morcia, il commença à servir chacun de ses invités.
Dès qu'il arriva à Lysange, cette dernière lui jeta le contenu de son verre au visage et elle grogna :

Le Sang des Déchus - Tome 2 : TraîtresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant