Le trajet à travers la jungle fut encore plus éprouvant qu'à l'aller, surtout sans avoir réellement eu l'occasion de se reposer, ne s'étant pas relâché chez le Marchand de Sable. Sans compter que les prédateurs devenaient plus actifs avec la tombée de la nuit. Heureusement, cinq demi-humains semblaient trop effrayants pour représenter des proies, même pour des jaguars ou des serpents.
De toute manière, ils préféraient grandement progresser dans ces conditions difficiles et pénibles que de demeurer plus longtemps sous le regard analytique et le sourire trop éclatant de Costa, surtout Abélianne, qui n'aurait jamais accepté de dormir dans une plantation de mélandrie.
Dès qu'ils atteignirent Savannore, ils s'arrêtèrent dans la première auberge qu'ils trouvèrent, où on leur adressa des regards surpris, non pas à cause des traits non-humains que certains dissimulaient avec plus ou moins de succès mais car, de toute évidence, la clientèle habituelle de l'établissement ne le fréquentait pas pour dormir à en juger par les marins enivrés entourés de filles en tenues légères.
Epuisés par leur marche à travers la jungle et par les émotions soulevées par leur rencontre avec le Marchand de Sable pour certains, ils s'endormirent presque immédiatement sans particulièrement songer à la situation ou aux prochains jours pour ne se réveiller que dans l'après-midi.Tous avaient hâte d'enfin libérer et retrouver Manolis mais ils avaient également conscience que, pour y réussir, il leur faudrait être au maximum de leurs capacités et donc reposés. Personne ne se plaignit donc de cette perte de temps.
Grâce à Morcia et, à travers elle, au Marchand de Sable, ils purent trouver un navire pour les conduire à Zanthyrie sans davantage de difficultés qu'à l'aller. Même Abélianne devait le reconnaître : avoir un allié comme Costa Tchir leur était actuellement fort utile.
Les quelques jours de voyage entre Béahtla et Reynelsky leur laissèrent le temps de peaufiner leur stratégie, dont ils parlèrent dans la cale à l'abri des oreilles indiscrètes et des rayons du soleil,même si ils furent forcés d'en exposer une partie à Morcia, puisqu'elle allait certainement y tenir un rôle.
Tout en réglant au mieux les derniers détails de leur plan avec Abélianne, qui demeurait encore fortement tendue, Gaëlan se demanda de plus en plus ce qu'il faisait au cœur de toute cette affaire qui aurait pu paraître délirante à quelqu'un d'extérieur. Jusqu'alors, il avait aidé des fugitifs recherchés en bravant quelques lois et il avait été exposé à la violence de cette existence de mercenaire avec le sang, la mort et la torture, un traumatisme qui le suivait même si il s'efforçait de ne pas le montrer, surtout dans son sommeil, mais il jugeait qu'il n'avait pas lui-même transgressé les lois les plus importantes directement, cependant, il s'apprêtait à pénétrer dans le palais royal d'un autre royaume que le sien,il s'y préparait et préparait ses compagnons. Cet acte était un crime véritablement grave, qu'importe l'angle sous lequel le jeune homme l'étudiait, et cette idée le terrifiait profondément.
Comment avait-il pu ne pas penser que cet instant surviendrait et qu'il serait obligé de suivre les Déchus dans le palais de Tikkr'eth, avec toutes les conséquences que cela entraînerait, alors que, depuis le début, depuis leur départ d'Eluville, l'objectif était d'en faire sortir Manolis ?Certainement s'était-il mis des œillères pour ne pas y songer,comme il cherchait à occulter l'obscurité dans laquelle évoluait Nigel, dans laquelle lui-même plongeait toujours davantage en accompagnant son amant.
A présent cependant, à l'approche de l'infiltration, il ne pouvait plus fermer les yeux et se retrouvait forcé de faire face à la réalité.
De leurs côtés, les Déchus ne semblaient pas appréhender autant que le jeune noble ni partager la frayeur qui affolait son esprit. Si l'ambiance était électrique entre eux, c'était davantage sous l'effet de l'impatience, de la hâte de revoir leur meneur et de combattre.
La tension qui habitait Abélianne restait néanmoins légèrement différente, certainement était-elle toujours habitée par la détresse qui s'était emparé d'elle dès l'évocation du trafique de mélandrie, qui ne s'apaisa durant le voyage car leur plan se reposait en partie dessus.
Sur les conseils de Costa, ils avaient décidé que le moyen le plus sûr et simple pour entrer dans le palais était de se faire passer pour des envoyés du Marchand de Sable venant livrer le rêve irisé aux occupants du palais.
A la seule idée de prétendre vendre du rêve irisé, Abélianne se sentait malade mais, penchant du côté de la raison, elle reconnaissait que c'était effectivement le meilleur moyen pour eux, surtout alors qu'elle n'avait aucune alternative à proposer, alors, comme bien souvent, elle ravalait ses sentiments et ses avis. Pour l'épargner néanmoins autant que possible, ses camarades ne l'avaient pas incluse dans cette partie du plan.
Pour Manolis, la jeune femme acceptait cependant d'appliquer cette stratégie, de s'y résoudre et de la supporter. Pour leur meneur, elle s'en sentait capable.
Leurs quelques jours sur le navire leur permirent également de laisser le temps à l'agitation provoquée par leur passage à Sémoth de retomber à Névinda, qui était entré dans une véritable frénésie suite au signalement des Déchus. Sans compter que Moïra, qui avait environ une journée d'avance sur eux, devait se charger de détourner l'attention des autorités de Tikkr'eth, pour que les Déchus puissent agir plus aisément avec moins de risques.
Une fois à Zanthyrie, ils prirent à nouveau le temps de se reposer et de se préparer ou de préparer leurs armes avant d'emprunter le passage vers Tikkr'eth. Encore une fois, la présence de Morcia s'avéra bien utile car, semblant la connaître et savoir pour qui elle travaillait, les gardes surveillant le passage les laissèrent passer sans exiger de payement ni d'explication. Le trafique de rêve irisé étant particulièrement répandu et florissant à Reynelsky, le Marchand de Sable y était une figure extrêmement influente.
La nuit commençait à tomber lorsqu'ils apparurent à Tikkr'eth.
Le passage de la capitale se situant dans les quartiers aisés, ils n'avaient que peu de chemin à parcourir avant d'arriver au palais royal.
Après avoir récapitulé leur plan une nouvelle fois, ils se séparèrent en différents groupes en se souhaitant bonne chance ainsi que d'être prudents en échangeant des hochements du menton déterminés, ou incertain du côté de Gaëlan.
A la suite de Morcia, Lysange, Gaëlan et Abélianne, Nigel et Ysandre se dirigèrent vers le palais pendant que Torrie s'enfonçait dans les rues de la cité en direction du centre-ville.
Se séparant à nouveau, Morcia et Lysange laissèrent les autres aux abords d'une imposante demeure bourgeoise ceinte par un large mur duquel dépassaient les branchages de hauts arbres.
Connaissant une partie de leur plan, Moïra leur avait promis qu'elle leur laisserait plusieurs choses utiles dans ce secteur.
Se suspendant au mur d'enceinte, Nigel l'escalada, comme l'aurait fait une araignée, jusqu'à atteindre les branches dans lesquels il se hissa. Entre l'ombre de la nuit et l'épaisseur de la canopée, Sang de Vampire devint parfaitement invisible. Seuls les mouvements discrets des feuillages et leurs sons indiquaient encore à ses compagnons qu'il se trouvait là.
Après quelques minutes, Nigel bondit souplement au sol parmi ses camarades depuis les hauteurs des branchages et il brandit devant eux sa trouvaille : un sac de voyage qui semblait bien rempli. Le récupérant, Abélianne vérifia son contenu en assurant qu'ils sauraient quoi en faire.
Nigel étreignit Gaëlan en déposant un baiser dans ses boucles claires en le rassurant, lui qui était beaucoup à l'aise que les Déchus dans une telle opération, puis il contourna le palais en entraînant Ysandre pendant que Gaëlan et Abélianne en faisaient de même du côté opposé en attendant Lysange et Morcia.
Ces deux dernières arrivèrent face à une porte discrète dans la muraille entourant le palais surveillée par deux gardes en uniforme.
Pour cette partie du plan, Lysange était obligée de s'en remettre à Morcia, ce qui ne lui plaisait absolument pas mais elle savait que, si la jeune femme tentait de les piéger d'une quelconque manière, elle aurait été parfaitement capable de la contrer et de lui faire payer trahison.
Face aux gardes, la jeune femme à la peau ébène se contenta de hocher le menton avec une expression entendue en tapotant la besace qu'elle portait au côté. Elle contenait les sachets de rêve irisé confiés par le Marchand de Sable. Costa avait assuré que ça donnerait de la crédibilité à leur mensonge, si jamais leurs interlocuteurs se montraient méfiants mais les Déchus se doutaient parfaitement qu'il profitait de leur plan pour effectuer l'une de ses livraisons.
L'un des deux gardes acquiesça sans poser davantage de questions et alla pour sortir une clé de son uniforme pour déverrouiller la porte mais le second ouvrit la bouche en fronçant les sourcils. Avant qu'il n'exprime ses réticences, son collègue lui glissa quelques mots à l'oreille et il ne s'opposa pas davantage.Visiblement, le Marchand de Sable avait ses arrangements avec les soldats de Tikkr'eth et cela ouvrait de nombreuses portes, dont celle que les deux gardes déverrouillèrent.
Passant toujours en première, Morcia la franchit, Lysange à sa suite.
Avant de s'engager dans le petit tunnel perçant la muraille, la jeune femme fit brusquement volte-face et bondit sur le garde le plus proche. Le maîtrisant, elle pressa sa trachée dans le plis de son coude, l'étouffant à moitié.
Le second s'apprêta à dégainer son épée en donnant l'alerte mais, ne lui en accordant pas le temps, Lysange généra son fouet dans sa main libre sans relâcher l epremier garde. D'un geste vif, elle l'enroula autour de sa gorge,l'empêchant d'appeler des renforts. Tirant brutalement, elle lui brisa la nuque dans un craquement alors que son collègue luttait pour demeurer conscient malgré le manque d'oxygène. Si elle n'avait pas disposé d'une force d'elfe guerrier, elle n'aurait jamais réussi à faire cela d'une seule main. Resserrant sa prise sur la jugulaire du dernier garde, elle lui fit perdre connaissance sous l'effet de l'asphyxie et elle le laissa s'affaisser à ses pieds.
Appuyée contre le chambranle de la porte encore ouverte, Morcia observa les deux corps inertes gisant devant Lysange sans exprimer la moindre émotion, sur son visage ou verbalement. Sans toujours formuler de commentaire, elle aida la jeune femme à traîner les gardes inanimés dans le tunnel, à l'abri des regards.
Des pas précipités se dirigeant vers elles résonnèrent dans la rue désertée par les riverains à cause de l'heure tardive. Lysange raffermit sa prise sur son fouet, qu'elle n'avait pas encore fait disparaître, par réflexe, mais, comme elle s'y attendait, ce fut Gaëlan qui les rejoignit, chargé du sac de Moïra.
Le jeune noble prit quelques secondes pour tenter de reprendre son souffle, qu'il avait court suite à sa course, mais, dès que son regard se posa sur les deux gardes, il eut un vif mouvement de recul alors que la répulsion le saisissait dans un frisson que le traversa. Il savait qu'il leur faudrait faire preuve de violence durant leur infiltration, ils l'avaient prévu dans leur stratégie,mais il ne pensait pas découvrir deux cadavres en arrivant devant le palais. Lysange était vraiment terrifiante.
L'extirpant de son trouble un peu violemment, la jeune femme le saisit par le poignet et le traîna à leur suite dans le tunnel en refermant la porte.Certains risquaient probablement de s'étonner de la voir sans surveillance mais, au moins, ils se garantissaient un accès pour ressortir.
Ayant récupéré la lanterne qui éclairait les deux gardes, Morcia illumina leur chemin jusqu'à la petite cour qui entourait le palais à proprement parler, projetant des ombres sur les parois de pierres.
Ces ombres semblèrent se condenser en devenant presque solides puis Abélianne s'en extirpa pour se tenir à leurs côtés. Cette fois, une réaction anima Morcia alors qu'elle fixait Sang d'Ombre d'un regard écarquillé,impressionnée et stupéfaite par les capacités non-humaines des Déchus.
Pendant que ses camarades montaient la garde à l'entrée du tunnel, Gaëlan sortit les vêtements du sac et les passa, revêtant l'uniforme des domestiques du palais.
Avec ses bonnes manières et son apparence d'honnête jeune homme propre sur lui, tous avaient jugé que Gaëlan n'aurait pas choqué au sein du palais. Sans compter que, d'après les informations du Marchand deSable, il y avait régulièrement de nouveaux employés au sein du palais, les serviteurs fuyants souvent, effrayés par les violentes crises de colère de Léhodore Cécyly. Personne ne s'étonnerait donc de voir une tête inconnue. Cet uniforme était le camouflage de Gaëlan dans l'édifice royal.
Accompagné par Abélianne, qui se fondit à nouveau dans les ombre de la nuit, aussi discrète qu'elles, en s'éclairant de la lanterne des gardes en prenant soin à ne pas totalement disperser l'obscurité, le jeune noble pénétra dans le palais, traversant l'allée venteuse qui le séparait de la muraille.
Ayant mémorisé le plan du palais, il ne rencontra aucune difficulté à gagner les étages.
Avec la nuit, les couloirs étaient beaucoup moins fréquentés qu'en journée et Abélianne se permit d'avancer aux côtés du jeune homme pour l'aider à entrouvrir les fenêtres et déverrouiller les portes qu'ils croisèrent pour permettre à leurs derniers compagnons d'entrer et se créer des sorties, mais, au moindre son,la jeune femme se pressait de disparaître dans les ombres mouvantes dessinées par la lanterne de Gaëlan.
Alors que ce dernier tentait de forcer une fenêtre sans se blesser, une explosion en provenance du centre-ville ébranla les murs du palais et il vit des flammes s'élever à plusieurs rues de là, éclairant la nuit et rougissant le ciel.
Torrie avait lancé sa diversion et elle avait dû trouver une réserve d'huile ou quelque chose comme ça pour provoquer une telle explosion. La connaissant et, d'après les flammes qui se multipliaient dans le centre-ville, elle propageait l'incendie. Celui-ci allait attirer l'attention de tous et leur dégager la voie dans le palais, même si ses occupants allaient également probablement se réveiller à cause de toute cette agitation.
Toujours à la fenêtre, Gaëlan vit des soldats jaillir de l'étroite cour du palais puis franchir| la muraille pour aller vérifier ce qu'il se passait en ville, gérer l'incendie et évacuer les habitants des rues touchées, dont les cris et les appels de panique s'élevaient jusqu'à Gaëlan.
Ce dernier eut le réflexe de se boucher les oreilles, les entendre le faisant penser à ces familles qui perdaient tout en ce moment même seulement à cause de leur diversion.
La vie de mercenaire n'était définitivement pas faite pour lui, il s'émouvait beaucoup trop.
D'une main sur l'épaule, Abélianne l'écarta de la fenêtre pour le détourner de ces pensées, qui le troublaient profondément, et pour éviter qu'on ne le repère depuis l'extérieur.
S'obligeant à ne pas s'attarder sur les conséquences qu'ils déclenchaient égoïstement uniquement pour accomplir leur plan, Gaëlan emboîta le pas à Abélianne et tous deux reprirent leur tâche.
L'en éloignant, elle l'enjoignit à se concentrer sur leur rôle et leur stratégie pour ne pas que leurs compagnons se retrouvent coincés alors qu'ils comptaient sur eux. Il eut néanmoins le temps d'apercevoir une personne qui encourageait les gardes à gagner les lieux de l'incident le plus rapidement possible, éclairée par une lanterne, et il reconnut Moïra malgré la pénombre. Apparemment, la jeune femme s'assurait de leur dégager le passage, les aidant réellement, motivée par son engagement auprès du Marchand de Sable sans doute.
Dès que le dernier homme se fut engagé dans le tunnel, Moïra retourna à l'intérieur du palais. Les missions qu'elle avait probablement menées pour ses occupants lui en offraient certainement l'accès.
Dès que les derniers soldats eurent disparu en direction du centre-ville et que leurs pas pressés se furent estompés, Nigel et Ysandre quittèrent le recoin d'ombre qui les dissimulait. Ils étaient les seuls à ne pas encore être entrés dans le palais, exceptée Torrie qui semait le chaos en ville.
Aussi discret qu'une ombre, actuellement totalement dans son élément, Nigel grimpa sur la muraille, comme sur le mur d'enceinte de la demeure précédemment. Avec agilité, il atteignit rapidement le sommet mais une patrouille arriva sur le chemin de ronde au même instant.
L'un des gardes repéra sa silhouette suspendue à la muraille et se rua vers lui. Avant qu'il ne dégaine son arme ou ne prévienne les autres, une ombre ailée fondit soudainement sur lui et le précipita au pied de la muraille en l'entraînant avec elle.
D'un autre coup d'ailes, Ysandre vint se poser sur le chemin de ronde face au reste de la patrouille stupéfait. Dégainant sa lance, il attaqua avant que les gardes ne se reprennent, espérant pouvoir tous les neutraliser avant que l'alerte ne soit donnée.
Prenant de l'élan depuis les créneaux de la muraille, Nigel envoya ses pieds joints au visage d'un garde, l'assommant sur le coup. Tout en se réceptionnant souplement, il enroula sa corde autour de ses deux poings, créant un garrot qu'il passa autour de la gorge d'un des soldats, lui bondissant dessus. L'homme émit un soupir étranglé en ployant légèrement, cependant, Nigel omit de surveiller ses arrières, comme bien souvent.
Le garde qui comptait profiter de cette ouverture fut stoppée dans son élan parle fouet de Lysange qui lui ouvrit la gorge.
La jeune femme se tenait sur le chemin de ronde, étant justement chargée d'éliminer les patrouilles dans leur stratégie.
Saisissant ou frappant les soldats à les gorges, les étranglant ou leur brisant la nuque avec son fouet, elle termina rapidement de les neutraliser, épaulée par Nigel et Ysandre, cependant, l'agitation de leur combat avait attiré l'attention d'autres gardes, même si ils avaient empêché tout appel de renforts et cinq nouveaux gardes se ruèrent dans la cour.
Le fouet de Lysange disparut alors que son arc se matérialisait entre ses mains, déjà armé d'une flèche. Guidée par les indications de Nigel, qui distinguait parfaitement les alentours grâce à sa vision nyctalope, elle les abattit tous immédiatement avant qu'ils ne s'aperçoivent de ce qu'il se passait.
D'un hochement du menton qu'elle leur adressa, Sang de Guerrier poussa Ysandre et Nigel à reprendre là où cette patrouille les avait interrompus pendant qu'elle se chargeait de dissimuler les cadavres. Morcia était d'ailleurs déjà en train de traîner ceux au pied de la muraille dans une cachette.
Descendant le mur d'enceinte toujours aussi agilement, Nigel s'agrippa à la façade du palais et l'escalada jusqu'aux étages supérieurs pendant qu'Ysandre surveillait ses arrières depuis la muraille. Dès que son compagnon se fut glissé à l'intérieur par une fenêtre laissée ouverte par les soins de Gaëlan et Abélianne, Sang d'Ange se propulsa vers la même fenêtre d'un coup d'ailes et entra à son tour.
Abélianne et Gaëlan les attendaient dans un recoin du couloir. Le jeune noble soupira de soulagement en voyant leurs compagnons les rejoindre car cela signifiait que tout se déroulait comme prévu par leur stratégie.
Prenant les devants, spécialiste pour ce genre de situations et presque aussi discret qu'Abélianne lorsqu'elle se fondait dans les ombres, Nigel guida ses compagnons à travers les couloirs du palais. Ensemble, ils entreprirent de fouiller les endroits où Manolis était susceptible d'être retenu.
Comme les en avait avertis Costa, les informations récoltées sur le palais ne leur avaient pas permis de déterminer avec certitude dans quelle salle l'ancien meneur des Déchus était détenu alors ils ne pouvaient qu'inspecter chaque endroit pouvant lui servir de cellule, même si tous étaient d'accord pour dire que leur ami se trouvait très certainement dans les sous-sols.
Pour être cependant certains de ne rien manquer, ils préférèrent néanmoins inspecter les étages supérieurs en descendant vers le rez-de-chaussée où rejoindre Lysange, qui terminait de sécuriser les lieux.
Sans surprise, ils ne découvrirent rien dans les étages supérieurs et se dirigèrent vers le point de rendez-vous dont ils avaient convenu dans leur plan.
Chacun devait le reconnaître, sans le schéma du palais et toutes les connaissances fournies par le Marchand de Sable, les choses auraient été bien plus difficiles pour eux et jamais ils n'auraient réussi aussi aisément sans connaître aussi précisément l'organisation du palais.
Lysange se trouvait dans une salle de pause à destination des domestiques, en compagnie de Morcia et de Torrie, qui avait rejoint le palais en passant par l'entrée de service laissée ouverte par ses camarades.
Après un rapide échange, ils se dirigèrent tous vers les sous-sols, dont ils connaissaient l'emplacement grâce au plan du Marchand de Sable.
Lysange ayant parfaitement accompli son rôle, ils ne croisèrent aucun garde. La diversion de Torrie avait également certainement très bien fonctionné car Sang de Guerrier n'avait rencontré que peu de patrouilles à neutraliser, la plus importante ayant été celle qui avait surpris Nigel, cependant, une pareille absence au sein du palais royal s'avérait surprenante mais ils n'en plaignaient pas.
Forcer la porte discrète à moitié dissimulée derrière une tenture non loin des cuisines ne représenta aucune difficulté pour Nigel. Dès que le battant s'ouvrit, dévoilant un escalier taillé dans la pierre parfaitement entretenu, Ysandre confirma qu'ils se rapprochaient de Manolis. Cette annonce renforça encore davantage leur détermination et leur hâte, si bien qu'ils accélèrent tous inconsciemment le pas, exceptée Morcia, qui se contentait toujours de les suivre pour le compte du Marchand de Sable.
Dès qu'ils descendirent les dernières marches, ils constatèrent que les sous-sols étaient bien plus vastes que ce à quoi ils s'attendaient. Le problème était qu'il s'agissait de la partie du palais sur laquelle ils disposaient du moins d'informations, Costa n'ayant pu en récolter que quelques-unes puisque peu de personnes s'y rendaient.
Adoptant une position de défense, ils commencèrent à explorer les lieux, attentifs aux sons et Abélianne et Nigel observant tout ce qui les entourait grâce à leur vision nyctalope.
Après de longues minutes durant lesquelles ils poussèrent chaque porte sans jamais trouver de cellule, ils arrivèrent dans une large salle qui se perdait dans l'obscurité. Seuls Nigel et Abélianne auraient pu parfaitement distinguer ce qu'il s'y trouvait mais leur attention à tous se focalisa immédiatement sur la silhouette qui gisait au centre de la pièce, que même les autres parvenaient vaguement à distinguer. Dissipant les derniers doutes, Gaëlan s'empressa de rallumer sa lanterne, éteinte par soucis de discrétion.
La lumière dévoila une personne allongée à terre, visiblement inconsciente, et tous les Déchus reconnurent Manolis.
Craignant pour l'état de leur meneur, qui ne semblait pas des plus vifs et tout simplement soulagés de le retrouver enfin après toutes ces semaines et les différents obstacles surmontés, ils eurent tous le réflexe de se précipiter vers lui, oubliant totalement leur discrétion, et Gaëlan et Morcia les suivirent, entraînés par leurs compagnons.
Soudainement, Ysandre se figea, ayant senti quelque chose.
Ouvrant la bouche, il tenta d'avertir ses camarades :« Attendez ! Y a... »
Ysandre n'eut pas le temps d'aller au bout de son avertissement ni même d'évaluer et identifier clairement la menace qu'il venait de capter autour d'eux.
De lourds filets plombés s'abattirent sur chacun en les plaquant au sol, les immobilisant.
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Le Sang des Déchus - Tome 2 : Traîtres
FantasiaAprès que Lysange ait été blessée, mettant sa vie en péril, le groupe des Déchus trouve refuge dans un lieu du passé d'Abélianne, qui dévoile alors certains de ses secrets. Heureusement, ils reçoivent l'aide d'un mystérieux personnage surnommé le Ma...