Le retour

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À la fin du concert, mes amis me proposent d'aller attendre à la grille pour voir passer les artistes. Je n'en ai pas forcément envie : voir passer Pierre comme un inconnu ? Lui demander un autographe ? Ça me fait mal de remplacer les souvenirs qu'il a de moi par ces nouveaux là. Anouk, Zoë, Rime et Alba sont à fond, le groupe des garçons un peu moins, mais devant l'insistance de mes copines, j'accepte de tenter d'apercevoir « nos » idoles.
On dit au revoir aux gars qui repartent avec leur voiture et on se plante devant un portail mécanique. Rime sort de son sac un paquet de biscuits et on grignote en attendant de longues minutes. D'un coup, une force nous appuie contre le grillage et on comprend que tout le monde derrière nous pousse pour mieux s'approcher. Je regarde en direction des portes et je vois des silhouettes faire de grands signes à la foule. Ils se dirigent vers l'angle opposé à nous et prennent quelques photos. On reste à notre place, d'abord parce qu'on est à moitié écrasées par les autres mais aussi parce qu'on a l'impression qu'ils vont faire le tour et avancer vers nous. Mais au bout de quelques minutes, la sécurité leur fait signe de monter dans le bus. Ils protestent un peu - et mes copines et les gens autour de nous aussi - mais sont un peu forcés d'obéir aux instructions qui leur sont données. Le bus est garé pile en face de nous - et je comprends que le portail sur lequel on s'appuie est en fait la porte de sortie des véhicules. Les phares s'allument et nous éblouissent complètement alors que nous étions plongés dans la pénombre de cette nuit de mars. On voit les académiciens en file indienne se diriger vers la porte du véhicule, mais l'une des silhouettes s'arrête un instant, et je sais que c'est Pierre. Je vois qu'il a un bonnet sur la tête et sa carrure ne laisse aucune place au doute. Il se penche vers une ombre plus petite aux longs cheveux, que je devine être Helena, lui attrape les épaules comme pour la tourner vers nous et pointe son doigt dans notre direction. Ils sont beaucoup trop loin pour qu'on entende quoi que ce soit, surtout qu'autour de nous tout le monde hurle de manière enthousiaste d'être ainsi remarqué par la star.
- il est littéralement en train de nous pointer du doigt les meufs !!!!
- Ça c'est la robe de soirée de Dora qui lui fait de l'effet, se marre Anouk.
On éclate de rire mais je ne peux m'empêcher de me demander si elle a raison. Pas pour la robe, mais est ce que c'était bien moi qu'il pointait du doigt il y a un instant ?
Le car démarre et nous ne tardons pas à rejoindre nous aussi notre moyen de locomotion, la vieille Clio dont l'ambiance n'a rien à envier à un tour bus.
Musique à fond, nous recréons les meilleures chorégraphies du concert. Nous sommes mortes de rire et la fatigue aidant, on monte des plans pour retourner les voir une prochaine fois.
- C'était la meilleure soirée de ma Life les filles il faut absolument qu'on y retourne ! Franchement vous m'aviez pas menti ce Pierre il est degueu mais paaaas deguelasse, lance-t-elle en faisant allusion aux paroles de sa chanson.
- Pas deugueulasse du tout même, t'as vu sa complicité avec Helena ? C'est sûr qu'ils sont en couple en secret, ça crève les yeux ! Je les ship à mort, l'alchimie entre eux c'est une dinguerie !
La réflexion de mon amie me donne un gros pincement au cœur. Je n'y croyais pas à cette histoire d'amour, car Pierre a toujours été un ami très attentionné pour les filles et serait tout à fait capable d'être si proche d'une personne sans romance ni ambiguïté, surtout dans des circonstances comme une aventure coupée du monde extérieur. Mais je me rappelle aussi, qu'il est très doué pour les relations secrètes... et j'en sais quelque chose.
- Dora, t'as aimé ?
- J'ai adoré, merci les filles. Meilleur anniversaire de ma Life. Je m'en souviendrai toujours.
- D'ailleurs, à propos de ta Life justement, il vient pas de Caen, Pierre ? Pas loin de là où t'habitais avant ?
- Possible, je réponds en fronçant les sourcils, pour faire mine de réfléchir, je ne sais pas de quel petit patelin il vient.
Bah tiens, comme si je pouvais pas leur dire la couleur de sa porte d'entrée ou le prénom de son labrador ! Mais je n'ai pas envie de leur révéler cela. Ça nous a toujours appartenu, et rien qu'à nous. Même à l'époque, personne n'était au courant qu'on était amoureux. J'étais mineure, et surtout j'avais 3 grand frères très protecteurs - et très amis avec Pierre. On avait pas du tout envie qu'ils soient au courant. Personne ne l'a jamais su, et quand j'ai déménagé, on avait trop peur de briser le secret. On ne pouvait plus se voir en cachette, il ne grimpait plus à ma fenêtre pour venir me chercher le soir et m'emmener sur son scooter. Notre relation s'était tarie comme un feu de cheminée au petit matin, brisant mon cœur qui n'avait aimé que lui.

Cœur de PierreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant