Les Baloos

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Je sens que le bus est toujours en mouvement, mais la quiétude de la nuit a laissé place à une autre ambiance. La lumière commence à percer à travers les rideaux tirés. Mais ce n'est ni l'un, ni l'autre qui me réveillent. Ce sont les chuchotements. Les chuchotements et les vibrations du corps de Pierre sous le mien. Je sens qu'il parle, parce que son thorax se soulève différemment que le rythme doux de sa respiration habituelle, celle qui m'a bercée toute la nuit. Je garde les yeux fermés pour profiter encore un moment de notre étreinte, mais je tends l'oreille pour comprendre à qui il parle.
- Elle pense qu'elle m'aime mais je vois bien que c'est de l'intérêt plutôt que de l'amour.
Mon cœur se tord en entendant ça. Est ce que c'est vraiment ce que pense Pierre de moi ? Pourquoi il ne m'en a pas parlé ? Est ce que c'est l'impression qu'il a eu quand je lui ai dit je t'aime hier soir ? Que je n'étais pas sincère ? Une voix masculine lui répond en chuchotant :
- t'es sûr ? Ça m'a l'air plutôt sérieux, Pierre.
Je suis touchée que Julien me défende. - elles sont quand même là tous les soirs avec des panneaux et des cadeaux pour toi !
- oui, c'est ce que je te dis, elles pensent qu'elles m'aiment. Et ça me fait trop plaisir, c'est clair, qu'elles pensent que je suis quelqu'un qu'on peut aimer comme ça. Mais l'amour qu'on ressent pour quelqu'un dont on connaît tous les mauvais côtés, tous les pires, c'est différent. C'est comme ça qu'on sait qu'on peut l'aimer pour de vrai d'ailleurs ! Je suis grave admiratif aussi pour les fans qui disent qu'elles nous aiment, t'imagines quand même que je suis fou de Theodora depuis six ans, et j'ai réussi à lui dire je t'aime seulement il y a quelques jours. Alors que je peux te dire que j'en avais envie, depuis des années, mais surtout ces dernières semaines. Je sais pas pourquoi, j'y arrivais pas. J'étais trop pudique. Alors quand on me dit je t'aime au prestige, ou dans la rue, ça me fait tout bizarre. À la fois plaisir; et à la fois j'ai envie de répondre que moi c'est Theodora que j'aime.
- J'imagine la tête des gens si tu leur répondais ça ! Rit Julien
- Ça passerait moyen ! Pourtant, c'est la vérité...
- Et elle, elle t'a dit je t'aime ?
- Elle me l'a dit hier, figure toi ! Je t'avoue que ça a fait un petit feu d'artifice dans mon cœur.
- Oooh mon baloo, t'es tout ému !
- J'suis amoureux. Maintenant, dégage, parce que parler d'elle ça m'a donné envie de lui faire des bisous.
Je ne peux pas m'empêcher de sourire pendant que j'entends Pierre fermer le rideau au nez de Julien.
Pierre sait très bien que je fais semblant de dormir et me chatouille pour me faire ouvrir les yeux. Mais juste après, quand je me redresse vers lui, il tient parole et me couvre de bisous.
On se lève un peu plus tard et tout le monde nous regarde avec un petit sourire en coin. Lenie nous demande si on était pas trop serrés, Axel me donne sa commande pour le Starbucks. Je traîne un peu, car aujourd'hui, je dois absolument rentrer. Les résultats des partiels tombent en fin de matinée et je dois reprendre la fac demain. Ça me contrarie, mais je ne vais pas arrêter mes études pour squatter le tour bus non plus. Il me reste un an pour finir mes études de management. Un an qui sera, j'en doute bien, une année à distance, à se voir en pointillés, à se manquer souvent. Mais aussi un an à tester la solidité de notre amour, à rêver de notre avenir, à se désirer pour mieux se retrouver.
Le chauffeur du bus, un homme adorable du nom de Steve, accepte la demande de Pierre de me déposer devant une gare. Il nous prévient simplement que, le bus n'étant pas très discret, on ne pourra pas rester trop longtemps. Il faudra que je saute du bus, m'explique-t-il en riant de bon cœur. Je comprends que c'est une blague mais que je n'aurai pas de longues minutes pour dire au revoir à Pierre. Il m'entraîne vers le canapé du fond et je vois que les autres académiciens vaquent à leur occupations dans leurs couchettes ou à l'avant du bus, nous laissant passer ces dernières minutes de trajet à deux.
On se câline tendrement, quand mon téléphone sonne. C'est Alba, qui me prévient que j'ai réussi tous mes partiels haut la main. Elle est avec tous nos amis et ils fêtent leur réussite au resto. Pierre saute de joie avec moi et nous aussi, on célèbre ma réussite avec une petite danse de la joie. Je lis de la fierté dans le regard de mon copain, et ça me touche de pouvoir moi aussi lui procurer cette émotion que je ressens si souvent en le voyant.
On arrive à la gare et Pierre est prévenu par Steve qu'il n'aura pas le droit de sortir du bus. Comme Steve fait un petit écart au règlement, et qu'il n'y a ni sécurité, ni garde du corps, ce serait beaucoup trop dangereux pour Pierre de sortir. Bien évidemment, ce n'est pas ça qui l'inquiète :
- et pour Dora, c'est pas dangereux ?
- Pas si elle se dépêche et que personne ne la filme en train de sortir du bus... répond Steve.
Pierre descend les quelques marches avec moi et s'arrête à la porte. Il me fait un dernier bisou, chaste, sur le front, et me dit « je t'écrirai ». Je trouve ça marrant, comme formule, parce que, oui, on va s'écrire, s'appeler, s'envoyer des messages, des photos, des vocaux, non ?
Il a déjà son idée en tête. Et je comprends mieux quoi, quand la semaine d'après, alors qu'on se parle et qu'on s'appelle tous les jours, je reçois un courrier, l'écriture en pattes de mouches reconnaissable entre mille, même s'il s'est appliqué. Pierre m'a écrit une lettre.


Hello à tous ! C'est bientôt la fin de cette histoire, il reste deux chapitres, qui seront publiés aujourd'hui et demain. Mais pas de panique, j'ai déjà une nouvelle idée pour une prochaine fiction,: n'hésitez pas à vous abonner à mon profil pour être tenues au courant !

Cœur de PierreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant