Le message

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- Tu dors chez moi ?
- J'ai pas pris mes affaires
- Jte prête un pyjama et une brosse à dents si tu veux ?
- T'es trop mims, mais je crois que je préfère rentrer et enfiler un bon vieux jogging, en plus demain je ferai la grasse mat'
- Ok, je te dépose. Bisous ! Au dodo ma Dodo
Je n'aimais pas qu'on m'appelle Dodo, j'avais déjà un prénom assez dur à porter comme ça, mais comme il était une heure du matin et que c'était ma meilleure amie, je me contentais de lui faire un bisou sur la joue.
On avait déposé toutes les filles chez elles et j'étais la dernière. J'enlevais mes talons dans mon entrée pour ne réveiller personne. Mais en montant l'escalier, j'entendais le son du clavier électrique de Joseph qui résonnait. C'était drôle car il avait son casque, j'entendais uniquement le cliquetis des touches sans en entendre les notes. Sans toquer - puisqu'il ne m'aurait pas entendue - je passe ma tête dans l'entrebaillement de la porte.
Mon frère tourne sa tête, me sourit et place son casque autour de son cou
- Salut ma puce, c'était bien ton resto ?
- Tu devineras jamais ce qu'on a fait ! Je lui chuchote en m'asseyant à côté de lui sur la banquette
- Quoi ? Il rit
- On est partis au concert de la star académie !
- Ah ouais ? Trop bien ! Ça t'a plu ?
- C'était génial. J'avais suivi cette année en plus.
- Je sais, j'avais vu que tu piquais l'iPad à heures fixes. J'aurais peut être dû regarder avec toi, ça aurait pu me plaire une émission musicale
- L'année prochaine on regardera ensemble si tu veux, je lui propose.
Il continue de jouer doucement et je pose ma tête sur son épaule pour percevoir la mélodie à travers le casque. C'est une balade hyper douce, que je reconnais. C'est Pierre qui l'a écrite.
- Tu devineras jamais qui m'a écrit ce soir, me chuchote-t-il un sourire en coin
- Qui ?
- Pierre Garnier.
Je me retiens de ne pas bondir de surprise. Je fais mine de réfléchir à qui c'est, mais je sens mon cœur s'accélérer fort fort dans ma poitrine. Il n'a pas perdu de temps, l'asticot !
Mon frère reprend :
- oui, c'est bizarre ça faisait plusieurs mois que j'avais zéro nouvelles, il avait un peu disparu de la circulation, et là ce soir il m'envoie...
Il s'arrête et fouille dans sa poche, saisit son téléphone (un vieux truc à clapet, parce que Joseph est TRÈS vintage), j'attrape son bras pour voir l'écran, mais il le tourne de manière à ce que je ne puisse pas regarder le message mais il me le lit.
« Coucou Joe, j'espère que tu vas bien, j'étais assez occupé ces derniers mois et en ce moment je baroude un peu aux quatre coins de la France, mais dans quelques mois j'espère que vous serez chauds pour un bœuf avec Robin et Balthazar. Mais aujourd'hui je t'écris pour que tu souhaites de ma part un joyeux anniversaire à Theodora. Bisous de son quatrième grand frère »
Le message est si doux, et Pierre a toujours été le seul à utiliser mon prénom en entier - et il fait référence à ce qu'on disait toujours quand j'étais petite. Il était tellement souvent à la maison pour répéter avec mes frères que cela lui avait valu d'être considéré comme un membre de la famille, un quatrième grand frère pour moi. Bien sûr, à une époque j'avais eu envie qu'il arrête de me considérer comme sa petite sœur, et ça avait fini par arriver, mais ça Joseph l'ignorait.
- c'est trop mignon qu'il se soit rappelé de ta date d'anniversaire ! S'étonne mon frangin
Moi ce qui m'étonne, c'est qu'il soit tellement dans sa bulle qu'il ne semble absolument pas au courant de la participation de Pierre à la Star Ac, ni à la tournée, ni même du succès de son premier single. Joseph est un geek, ça se confirme. Mais pour le coup ça m'arrange. Il balance son téléphone sur son lit et reprend sa balade au piano. J'observe ses mains danser sur les touches et au bout de quelques accords j'arrive à me joindre à lui, l'octave au dessus. En fait, je n'aurais même pas eu besoin de Joe pour la jouer. Pierre me l'avait apprise pour qu'on la joue ensemble. Il la faisait à la guitare et moi au piano. Je me rappelle encore être si concentrée sur la sensation de sa main sur la mienne pour me guider, puis sur sa voix rocailleuse qui m'énonce les noms des accords, regarder sa bouche, son regard si doux, puis sa bouche à nouveau, en être si proche et m'approcher encore, imperceptiblement, jusqu'à sentir son souffle chaud, rester comme ça un instant et fermer les yeux, et le sentir lui franchir le dernier centimètre, et poser ses lèvres sur les miennes. On était restés comme ça un moment, à savourer cette nouvelle intimité qui nous surprenait autant qu'elle nous plaisait.
- Pierre ?
Et la voix de Balthazar nous avait fait bondir à plusieurs mètres l'un de l'autre, juste quand mon frère entrait dans la salle qui leur servait de studio.

Cœur de PierreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant