Cœur de Pierre

Le premier je t'aime

Il est hors de question que je rentre à la maison en laissant Pierre après la journée qu'il vient de passer. Je ne me vois pas du tout me séparer de lui maintenant. Surtout que je ne l'ai pas vu seule depuis mon arrivée, et que je veux l'avoir un peu pour moi.
Je profite d'un moment de calme, quand les artistes sont à la douche, pour appeler un de mes grand frères. Je me décide pour Joseph comme ça je pourrai le remercier pour son idée de génie de l'enregistreur. Mais c'est une voix de femme qui répond :
« Allo ? Theodora ? C'est maman !
- coucou maman... tu vas bien ? Je pensais pas que t'étais à la maison.
- Oui, papa est resté aux Émirats mais moi je fais une pause avant la prochaine conférence, il me manquait un dossier.
- Où es-tu, ma chérie ?
- Je suis à Paris pour le weekend, chez une copine, je mens.
- Ah bon ? Ça n'est pas très raisonnable avec ton traumatisme crânien... Eh bien annule et rentre vite, que nous puissions déjeuner ensemble demain midi.
- Maman... si tu m'avais prévenue de ta venue ça aurait été avec plaisir, mais là c'est pas possible. On se verra une autre fois.
- Comment ça une autre fois ? Je ne t'ai même pas vue depuis ta chute !
- Justement, ça fait plusieurs semaines, c'est que ça peut attendre encore un peu, je lance, amer, les larmes me montant aux yeux au souvenir que mes propres parents ne sont pas venus à mon chevet.
J'entends ma mère protester mais je raccroche le téléphone. J'appelle Balthazar en espérant avoir plus de chance.
- Hey, ça va mon chat ?
- Coucou Haz, dis, je vais rester avec Pierre ce soir. J'ai eu maman au téléphone, elle est furax. Tu peux me couvrir ?
- Pourquoi tu lui dis pas la vérité ?
- C'est à dire ?
- Que tu passes du temps avec les gens qui sont là pour toi, par exemple la personne qui s'est occupée de toi quand t'étais à l'hosto, et pourtant je crois me rappeler que lui aussi avait des obligations professionnelles à ce moment là...
- Haz... je suis pas prête à leur parler de Pierre.
Je tourne la tête et il est là, justement. Pile au mauvais moment... - allez steuplé Haz sois un gentil grand frère couvre moi, tu dis que je suis chez une copine et que c'était prévu de longue date. Steuplé ??
- Ok pour cette fois. Mais passe moi Pierre.
- Je tends le téléphone à Pierre mais il éteint le haut parleur avant de le coller à son oreille.
- Comment tu vas mon pote ? Demande-t-il à Haz. Mais la suite de la conversation est un mystère pour moi.
Ils raccrochent et Pierre me nargue avec un petit sourire narquois. Il adore ce genre de situation où il sait que je vais devoir le supplier de me raconter ce qu'ils se sont dit. Je croise les bras et attends qu'il m'en parle, mais il fait semblant de ne pas comprendre et range distraitement ses affaires.
- le concert t'a plu ? C'était au moins ton cinquième, non ?
- Pierre, il t'a dit quoi ?
- Qui ça ?
- Pieeeeerre ! Je râle.
- Pourquoi t'es pas prête à parler de moi à tes parents ?
- Parce qu'ils ne méritent pas de connaître ce qui se passe dans ma vie.
Il a l'air surpris que je réponde avec autant de sincerité. Il reprend un ton sérieux.
- Il m'a dit que tu te sentirais peut être coupable d'avoir envoyé bouler ta mère, mais qu'il fallait pas, parce que ton bonheur est plus important que ce qu'ils pensent ou veulent pour toi. Qu'il ne laisserait pas tes parents nous séparer une deuxième fois.
Je reconnais bien Haz sur ce coup. C'est le genre de frère qui ne me donnerait pas un bout de cookie mais qui me filerait un rein sans hésiter. Ça me touche que mes frangins réalisent à quel point Pierre est un pilier dans ma vie.
- Alors ?
- Alors quoi ? Je demande
- Tu te sens coupable ?
- Non, mais j'me sens triste.
On se colle l'un à l'autre et il m'entoure de ses bras. Il sent bon le savon et je lui fais des petits bisous sur la mâchoire, là où j'atteins quand je me mets sur la pointe des pieds et qu'il se baisse pas. - tu crois qu'un jour tout le monde saura qu'on s'aime ?
Il me regarde avec de grands yeux écarquillés :
- qu'est ce que t'as dit ?
- Je t'aime bien.
- Non, c'est pas ça que t'as dit.
Il comprend que je joue. Il sait très bien où je veux en venir et souris déjà de son sourire de rockstar.
- Je t'aime, Pierre.
- Moi aussi je t'aime ma belle.