CHAPITRE 23 - Eden

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Le torse de Charly se soulevait avec difficulté, et son cœur fragile martelait difficilement. Le moteur gonflait et notre chauffeur, silencieux, se faufilait à vive allure entre les véhicules.

— Que va-t-il se passer, maintenant ? demandai-je, enquise. Enfin, pour Tarek ?

Eden, dos à moi sur la banquette avant, se tapotait le menton. Tête baissée, elle ne cessait pas de taper du pied.

— Les geôles, répondit-elle.

Je fronçai des sourcils.

— La prison ?

Ariana, qui fermait les yeux jusqu'à présent, émit un bref rire forcé.

— Les geôles. Deux mètres carrés de béton. Aucune lumière... Un repas par jour. Et juste assez d'eau pour survivre. Oh !

Elle porta sa main à son nez.

— Tout ça pour une désertion ? m'offusquai-je. Il me semble que les geôles sont réservées aux... criminels ?

Chaque soir, je passais en revue les différentes sanctions dédiées aux condamnations, dans l'espoir secret de déceler une clause vouée à abroger celle de mon père. Une perspective illusoire ! Quand bien même certaines lois s'avéraient exemptes de peines, le Grand Conseil demeurait à jamais le décisionnaire absolu.

— C'est la même, déclara Eden sur un ton monotone. Dehors, le Rempart c'est l'extension du Conseil. T'as signé pour les bigs boss. Un serment inviolable. Suffit qu'tu trahisses la confiance du Conseil et...

Son pied s'agitait de plus en plus vite.

— Tu parles d'un honneur..., ajouta-t-elle dans un murmure à peine perceptible.

Eden paraissait toujours préoccupée. Un comportement bien singulier, pour quelqu'un qui n'accordait que peu d'importance au sein même de la formation.

— Pff, souffla Ariana avec mépris.

Eden reluqua cette dernière des pieds à la tête.

— Quoi ? toisa-t-elle.

— À croire que c'est une torture. Désolée ma belle, mais on a pas tous la chance d'être pistonné comme toi.

— Ah ! Attends, tu te fous de moi, là ? Me chauffe pas, Destrier ! T'es pas mieux non plus.

— Je ne vois pas de quoi tu parles.

— Mytho, souffla Eden.

Les filles des Conseillers se regardèrent avec dédain, et dans une synchronisation parfaite, elles me jetèrent un regard examinateur.

— Tu lui as pas dit ? reprit-elle en me tournant le dos sur son siège.

— Dit quoi ? s'exaspéra la Templière.

Un frisson parcourut mon échine.

— Dire quoi ? répétai-je impétueusement. Si on parle de moi, je veux savoir !

Les bras en croix, je défiai les jeunes femmes du regard.

— C'est pas un secret, lança finalement Eden entre ses dents. Réfléchis, Kara. Papa Destrier qui envoie sa fille dans le même lycée que toi. Tu pensais que c'était une coïncidence ?

Mes poumons se gonflèrent. Je prenais le silence d'Ariana comme une réponse, une évidence grotesque.

— Tu... m'espionnais ?

Elle ne dit rien.

— Pourquoi ? soufflai-je.

Les images se succédèrent, et mon cœur se pinça. Ariana, qui débarquait comme une fleur en cours de Terminale. Une complicité foudroyante, qui s'installait avec cette jeune femme charismatique. Une honnêteté appréciable, dissimulée par un sarcasme cocasse.

GUILDE : HéritageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant