CHAPITRE 27 - Le verrou

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Un blocage logé dans ma mémoire, qui m'empêchait d'accéder à de précieux souvenirs. Selon les Karlsten, ce procédé infâme s'utilisait au temps des Quatre, le précédent Grand Conseil. Un atout essentiel pour la Guilde, employé notamment sur les humains un peu trop gagnés par la curiosité de ce monde secret. Pire encore, pour certains condamnés, des criminels capturés par les Traqueurs, faisaient l'objet d'une amnésie totale.

Un procédé aux terribles conséquences. On ne sortait pas indemne d'un verrou. Plus il était puissant, plus l'esprit se mourait au fil du temps. Pour les humains, ces pertes se transformaient en démence, ou encore en trouble de la mémoire exacerbé. Quant aux Familliers victimes de ce maléfice, ils subissaient cette amnésie jusqu'à en oublier leur propre existence. Des légumes vivants, relâchés dans la nature.

Un sort pire que la mort.

Tel mon père, dont la puissance se caractérisait par la capacité à se transformer pleinement en loup, seule une poignée d'Empathe était capable d'exercer ce pouvoir effroyable. Parmi eux, l'ex-conseiller Jovanovich et un autre, dénommé Djiockos Van je sais plus quoi. Son nom était imprononçable.

— ... Et mon mari, mon bien-aimé Enry.

Je frémis. Jacob, lui, baissa la tête sans jamais croiser mon regard.

— À chaque fois, reprit madame Karlsten sur un ton morose, Enry s'attristait de cette sentence. Il détestait jouir de cette faculté. Bien heureusement, grâce à ton père, l'utilisation du verrou est interdite depuis dix ans. Cette abrogation n'a pas fait l'unanimité, mais assez pour la prohiber.

— Et j'imagine que ça n'a pas plu à Jovanovich ? supposai-je.

Elle acquiesça doucement. Manifestement, ce dernier jouait un rôle important dans cette affaire. Son opposition face à mon père à travers sa quête de vérité sur l'origine des Familles et Sara, persuadée de son emprise le soir du Grand Massacre. Des discordes avaient existé entre les deux conseillers, c'était indéniable. Mais dans ce cas, quel était le sombre dessein de Mario Borgia dans toute cette histoire ?

— Pensez-vous qu'il est possible que... Mario Borgia ait pu se transformer en loup ? Et qu'il en ait profité pour accéder au conseil ?

La douleur à mon crâne persistait de plus belle. Ma tempe pulsait, et je ne pus me retenir de serrer mes dents face à cette violente migraine.

— Si Mario Borgia pouvait se transformer, ça se saurait, indiqua Jacob. Seuls certains descendants de ta famille détiennent ce pouvoir, pour une raison qu'on ignore. Et de nos jours, le seul, c'est ton père.

Mon père. Voilà l'objet de ces insupportables maux de tête ! Dès lors que le sujet était évoqué, ou que je cherchais au tréfonds de ma mémoire, les migraines se manifestaient.

Je m'en remis aux Karlsten.

— Tu sais quelque chose, présuma Jacob. J'en suis sure... Sinon, je ne vois pas l'intérêt de te faire ça.

— Mais... depuis que je suis arrivée à la Guilde, dès qu'on me parle de lui, j'arrive à me souvenir...

— C'est est grâce à ton pouvoir de loups, Kara, ajouta madame Karlsten. Ta mémoire cicatrise, en témoigne ces maux de tête. Cependant, concernant ce qui précède ta métamorphose, tu as... oublié tout ce qu'on t'a raconté sur Anton. Ce verrou, placé chez toi, servait en effet à cacher une information essentielle. Il a été conçu pour bloquer toute les allusions faites à ton père, et de ce que je constate, sous tous ses aspects.

Sara... m'avait-elle parlé de lui ? Avait-elle essayé, et constaté aussi cette amnésie incessante ?

— Je n'imagine pas son désarroi, ajouta la mère de Jacob lorsque je lui posais la question. Malheureusement, cette capacité est méconnue des autres, seuls les Empathes détiennent ce secret, ainsi que les membres du conseil. Un tel pouvoir, connu des autres...

GUILDE : HéritageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant