CHAPITRE 19 - Le classement

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Quelques fois nous retournions dans cette forêt, escortés dans ces vans conduits par la capitaine et Lorene. Cette semaine-là Dany était absent. Suivait-il la piste de Jacob ? Impossible, il n'oserait pas effectuer ses recherches en pleine journée, dans le dos de Bodota. Ou bien était-il puni pour la énième fois ? Pour quelle raison cette fois ? Oh ! Voilà que je m'inquiétais pour lui à présent...  Quelle ironie !

Nous devions effectuer un parcours d'obstacle chronométré. Selon la capitaine, cet entraînement indispensable faisait l'objet d'une évaluation finale dans quelques semaines. Et comme toutes évaluations, elle signalait l'obtention d'une place importante dans le classement.

Alors, nous nous engouffrions tous au travers des arbres, poussés par cette course aux points frénétique. La concurrence se resserrait chaque jour qui passait, et chacun jouait pour sa propre place, rêvant de voir son nom inscrit en tête de liste.

Le graal assuré pour nous, jeunes recrues de la formation du Rempart.

Je l'avais finalement compris. Une place chez les Traqueurs m'accorderait un statut important au sein de la Guilde.  En dehors des droits incontestables dont ils disposaient, les Traqueurs étaient assez autonomes dans leurs missions. J'étais tout de même assez réticente à l'idée de déjouer des gangs de malfrats, ou bien d'arrêter des rebelles sauvages. Il n'y avait pas que ça. Lorsqu'un évènement mystérieux et surnaturel survenait parmi les humains, ils étaient aussi appelés à enquêter directement sur le terrain, afin de trouver des réponses.

Des réponses.

Cette douce motivation fournissait de puissantes impulsions à mes jambes dans cette végétation estivale. Lors de mon parcours, je prenais mes précautions afin de ne pas rencontrer certains de mes camarades. Par exemple, si je m'approchais un peu trop de Luther ou de Jetro, je déviais légèrement ma route. Je ne les craignais pas... Disons que ces types là étaient imprévisibles, et une rencontre inopinée à l'abri des regards pouvait vite tourner au vinaigre.

Et puis je ne souhaitais pas faire l'objet de leurs mesquineries. Ils passaient la majorité de leur temps à me toiser ou faire les gorges chaudes. À chaque raillerie je préférais garder le silence, refusant d'entrer dans leur jeu médiocre.

Le parcours était plutôt simple. Cependant, il fallait répéter la manœuvre autant de fois que nécessaire pour peaufiner notre chronomètre. Le sentier débutait sur quelques kilomètres de course sur un terrain plat. Puis il fallait se jeter à l'eau, et traverser un petit étang. Les rares randonneurs de passage esquissaient des sourires, nous observant nager avec hargne dans cette eau vaseuse.

S'ils savaient seulement.

À l'autre bout de cette petite étendue aquatique se trouvait une gigantesque roche d'une dizaine de mètres. Je parvenais toujours à son sommet avec une agilité surprenante. C'était facile, même un peu trop. Mais je me félicitais à chaque obstacle, comme pour me rappeler que ces efforts sportifs devenus simplistes étaient autrefois des exploits presque impossible à réaliser.

En haut de ce gros cailloux était planté profondément dans la roche un socle métallique. Une corde robuste s'attachait solidement sur cette base, et rejoignait les branchages d'un immense arbre en contrebas. Seul l'étang en dessous de cette ligne interminable amorçait une chute potentielle.

Je ne tombais jamais. Heureusement pour moi, car l'eau était suffisamment glaciale et la hauteur impressionnante.

Alors, je me suspendais au câble et entamais ma progression en tractant mon corps à la force fascinante de mes petits bras. C'était long mais, une fois encore, je gratifiais mon ego de la simplicité de mes prouesses.

GUILDE : HéritageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant