CHAPITRE 24 - Ce que je vous demande

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Eden s'était refermée comme une huître. Je l'abandonnai alors à ses mystérieuses pensées, et me dirigeai machinalement vers la salle commune.

Les images de cette terrible soirée me hantaient. Les paroles de la guerrière rouge, son acharnement, sa haine. Ces mots, fracassants, résonnaient encore dans ma tête. Lorene, Dany... Combien de vies avaient été volées, ce soir-là ?

Les souvenirs, flous, s'envolaient lorsque je pensais à lui. Seul ce sentiment me gagnait, cette intuition, cette... sensation. La chaleur de ses bras, son timbre de voix réconfortant... Non. Jamais, mon père n'aurait été capable d'une telle chose.

Désormais, il n'était plus qu'une ombre, une silhouette dans mon esprit. Le visage flouté, je lui dessinais un sourire imaginaire aux lèvres. Pourquoi lui rajoutais-je des lunettes ? Peu importe. Sans doute que ses iris se coloraient aussi de ce marron, presque noisette. Dans mes songes, je le visualisais élancé, et sa main énorme caressait ma joue. Il m'enveloppait tendrement, apaisait mes craintes, et me soufflait des mots réconfortants.

Mon corps entier s'affala sur le sofa. Lentement, mes rêveries se dissipèrent. Une dernière vision se matérialisa, avant que Morphée ne m'attire dans ses méandres ; ce brasier ardent, poussé par la frénésie.

— Kara...

Je me réveillai en sursaut.

— Carl, marmonnai-je en me frottant les yeux.

La lune, haute dans le ciel, éclairait ses cheveux bouclés recouverts de poussière.

— Désolé, s'enquit le jeune loup. Bodota veut te voir...

— Quoi, maintenant ?

Je ne cachai pas ma surprise. Ni ma joie, rien qu'à l'idée d'un tête-à-tête avec la capitaine en personne.

— Qu'est-ce qu'elle veut ?

Carl haussa les épaules, et baissa les yeux, abattus. Ses traits habituellement joviaux s'étaient effacés.

— Carl, tu vas bien ?

— Ouais, grimaça-t-il. C'était chaud pour nous, on est arrivé dans les derniers. En fait, on a même pas réussi à prendre le mannequin...

— Comment ça ?

Carl épousseta sa chevelure. De la terre se répandit sur la tapisserie, et il s'assit près de moi.

— On est tombé sur un fou. Il restait dans les arbres... quelle galère ! Il nous narguait en plus... Dès qu'on grimpait, il fondait sur nous. On tombait comme des mouches ! Je crois que...

Il posa sa main sur son ventre, le regard dans le vide.

— ... Il m'a cassé les côtes une ou deux fois.

Il devint blême, et reprit :

— Darius a réussi à l'immobiliser, à un moment. Mais le gars, il a pété le nez à Luther avec son pied ! Et moi... Quand je pense qu'il s'est même pas métamorphosé une seule fois...

— Un Méta ?

— Ouais... Bas-La-Main, je crois. Celui qui est toujours avec Bodota.

— Oh, Balmain ! Vous êtes tombé sur Dany ! m'exclamai-je.

J'écarquillai les yeux. Dany était... surprenant. Il avait mis à mal rien qu'à lui les trois jeunes recrues. Impressionnant, tout de même.

— Tu le connais ? s'étonna-t-il.

Il fronça des sourcils, et me jeta un regard interrogateur.

— Oui, soupirai-je. Je... C'est une longue histoire.

GUILDE : HéritageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant