GUILDE : Héritage

CHAPITRE 7 - ἄγγαρος

Trois jours s'écoulèrent, et Dany ne se manifesta pas une seule fois.

Indéniablement, je m'en voulais. Malgré le caractère singulier de Dany, cette discussion soulevait un sujet qui lui était sensible. Et pour cause... Ce portrait, dont les traits de visage et le nom prouvaient un lien de parenté, mentionnait le décès de cette jeune femme huit années auparavant. Était-ce sa sœur ? Faisait-elle partie des victimes de mon père, ce soir-là ?

Pourtant, Sara ne croyait pas à cette version. Était-ce par pur déni ? Ou possédait-elle réellement des preuves ? Dans ce cas, pourquoi quitter la Guilde et abandonner son combat ?

Plus jeune, je ne cachais pas ma fascination pour ce monde secret devant mon aîné. Mais aujourd'hui, j'appréhendais d'arpenter les couloirs de la Guilde après ces terribles révélations macabres.

Durant ces trois jours, je songeais également à Jacob qui, dans sa tourmente, paraissait posséder des informations mystérieuses. Il se passe des choses étranges à la Guilde..., me souvenais-je. Comment pouvait-il savoir, lui, un Empathe exilé ? Faisait-il allusion à mon père ? Non, il me parlait précisément d'un objet. Était-ce de cet objet qu'il parlait ?

Allongée sur le lit, je secouai le cube. Rien ne se produisit.

Ce n'était pas logique. Si la Guilde détenait un objet dangereux, pourquoi me le confier ?

Ces questions me tourmentaient dans mon sommeil. Les visages de Sara, Julian, et Jacob m'observaient dans la pénombre. Je me retrouvais encerclée, chacun d'entre eux me pointait du doigt, riant à chaudes larmes. Aussi, je me réveillais systématiquement avec cette rage de dents insupportable, et me précipitais toujours dans la salle de bain pour éponger ces gouttes de sueur sur mon front. Et, à chaque fois, lorsque je levais ma tête face au miroir, je voyais, horrifiée, ces canines prononcées et ces yeux... complètement dorés.

Il m'était difficile d'accepter ce changement. Voir Sara comme cela était... palpitant. Mais désormais confrontée à mon propre reflet... j'en étais troublée.

Les jours se succédaient, et l'indignation me gagnait. Ce sentiment d'être mise de côté, d'être une petite fille qu'on devait à tout prix protéger me révoltait. À moi de me ressaisir, de prendre le contrôle de la situation. Je trouverais un moyen seule, et arracherais la vérité à mon détenteur de réponses ; Jacob. 

Voilà un autre souci auquel je faisais face ; comment contacter un membre d'une Famille exilée, sans attirer l'attention ? Pour commencer, ma petite Kara, il va falloir que tu trouves un moyen de contacter quelqu'un, et sans téléphone ! pensai-je.

Avec lassitude, je jetai le petit bloc opaque sur les draps. Puis, je me dirigeai vers la salle commune sur un pas déterminé.

Mes irruptions ici étaient furtives, je n'y venais que lorsque j'avais faim. Les plats étaient déjà préparés dans les frigos, je les réchauffais au micro-ondes si besoin. Ce qui était très pratique ! Je remarquais également qu'il n'y avait pas plus de deux, voir trois personnes dans cette salle silencieuse. Certains mangeaient dans le calme, d'autres encore regardaient la télévision.

Ce jour-là, un jeune homme était étendu sur le canapé, zappant les chaînes du téléviseur. Parfait ! J'espérais justement trouver quelqu'un.

– Salut, dis-je en m'approchant.

Jusqu'à présent, je n'engageais jamais la conversation. Sans doute par peur d'être confrontée une nouvelle fois à ces réflexions cinglantes. Mais je devais outrepasser cette crainte, qui devenait... ridicule. Après tout, je n'avais absolument rien à me reprocher.

Le jeune homme avait la peau bronzée, comme s'il revenait d'un long séjour au soleil. Ses cheveux châtains, courts sur les côtés, bouclaient en masse sur le sommet de son crâne. Il possédait de magnifiques yeux gris clair, en amande, qui démontraient les mêmes tâches d'or que les miennes. Une petite boucle d'oreille s'accrochait à son lobe, à gauche, et un collier en maille encerclait son cou. Le jeune homme était pieds nus, jambes croisées ; il semblait parfaitement à l'aise sur ce sofa. Je discernais aussi le pin's des Métas en bronze, accroché sur son débardeur.