Chapitre 13

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Dimanche 09 Juillet : Chez les Griffin, New York

PDV Clarke

Les yeux résolument fixés sur le plafond de ma chambre d'enfant de la maison familial, les minutes et les heures défilent sans que cela n'ait d'importance. Je n'ai pas fermé l'œil de la nuit, ou si peu. Il fait jours depuis quelque temps maintenant, mais je ne saurais dire l'heure qu'il est, et je m'en fiche éperdument.

Je nage en plein chaos émotionnel.

C'est la débandade.

Je ne cesse de revivre la soirée d'hier. Pour la millième fois, je me demande comment un simple évènement, une fois dans ma vie, a-t-il pu prendre de telles proportions. Si je n'avais pas eu le malheur de me trouver dans le bar de Miles cette fois-là, Madame Woods ne serait plus que la harpie démoniaque qu'elle est censée être, je l'aurais détesté de loin, sans être déchirée par cette multitude d'émotions qui n'ont rien à faire les unes avec les autres.

Je n'en reviens pas d'avoir cédé si facilement à ses avances. Je n'ai même pas été capable de résister une seule seconde, rien qu'une seule seconde. Je n'ai pas pu faire le moindre geste, pas pu prononcer le moindre mot, le moindre son, le moindre signe d'une quelconque protestation.

Je l'ai simplement vu franchir cette porte, et c'en était déjà assez pour que je lui accorde tout ce qu'elle désirait de moi.

Comment ai-je pu me montrer si faible ?

Je m'en veux tellement que je n'ose même plus me lever de mon lit pour affronter le monde extérieur, comme si mon crime était marqué en gros sur mon front, comme si j'allais me faire foudroyer dès lors que je passerai le pas de ma porte pour avoir été infidèle à mes convictions et à mes propres sentiments.

Je suis tellement confuse.

C'était tellement bon que je suis à peu près certaine de ne pas réussir à lui résister s'il devait y avoir une prochaine occasion.

Rien qu'à cette pensée, mon bas-ventre est déjà en feu, mon cœur fait le grand huit dans ma cage thoracique et l'oxygène s'enfuit de mes poumons. Je me tortille dans mes draps, encore plus déboussolée qu'auparavant.

Pour couronner le tout, je me sens très mal vis-à-vis de Niylah. Nous ne nous sommes rien promis, nous n'avons rien officialisé. Je ne l'ai donc pas vraiment trompée, non...? Mais pour autant, il y avait tout de même une sorte d'exclusivité tacite. Alors, peut-être que si, en fin de compte ?

Qu'est-ce que tout cela révèle de moi, de mes valeurs, de ma personnalité ?

On est persuadé de se connaître, et la vie se charge de vous prouver le contraire.

N'ai-je pas fait moi-même ce que je reprochais à la harpie ? N'ai-je pas manqué d'éthique envers Niylah, n'ai-je pas fait preuve d'égoïsme ? N'ai-je pas cédé à la mesquinerie, à la bassesse, et à la vengeance ? Woods réveillerait-elle mon propre côté diabolique ? Comment puis-je légitimement continuer de condamner si fermement ses défauts, alors que je possède les mêmes ? Je n'irai pas jusqu'à dire que je suis aussi détestable qu'elle, mais cela remet les choses en perspective.

Qu'il jette la première pierre, celui qui n'a jamais péché.

Je ne me suis pas reconnue dans ces toilettes. Cette femme est un danger public, elle est capable de donner l'illusion que l'enfer est le paradis, de nous entraîner dans sa folie, et de nous y faire devenir accro. Oserai-je seulement imaginer combien de femmes sont tombées dans ses filets de cette manière ?

Au fond de moi, une part de lucidité sait que j'exagère.

J'aimerais être capable de lui en vouloir de la même intensité que je lui en ai voulu la veille, mais entre temps, la nuit a passé et m'a apporté un peu de sagesse.

Madame Woods [T.1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant