Allongé dans mon lit, les yeux grands ouverts, je n'arrive pas à dormir. Cette soirée n'a fait que retourner un peu plus le couteau dans la plaie et mes souvenirs affluent par vagues puissantes et dévastatrices. Mon cœur saigne, mes cicatrices s'ouvrent, mes plaies ruissèlent.
Des gouttes perles sur mon front, ma nuque. Les images tournent en boucle dans ma tête, sans cesse, encore et encore. Ma respiration de plus en plus rapide m'empêche de m'oxygéner correctement, je suffoque. J'ai envie d'hurler mais aucun son ne sort, comme lorsqu'il avait ses mains sur moi. Le goût de la bile afflût vers ma bouche mais même ça, ça ne veut pas sortir.
Des images puis des sons, des odeurs, à nouveau des images, des sensations, des sons, des images, des odeurs, encore et encore.
Ma tête tourne, je veux que ça s'arrête, je n'en peux plus de revoir toujours les mêmes choses. Mon corps ne m'appartient plus depuis qu'il l'a bafoué. Je ne contrôle plus mes pensées, je ne supporte plus aucun contact, plus aucune attention, je n'ai plus rien à offrir, je veux juste que ça cesse.
Ces images, je ne les supporte plus, je ferme les yeux. Ces sons qui m'horripilent, je bouche mes oreilles, ces odeurs nauséabondes, la bile me monte et je me dirige vers la salle de bain en titubant.
Il faut que ça s'arrête, je n'en peux plus.
J'ouvre la porte, fouille les placards au dessus du lavabo et trouve ce qui va me libérer. Je prends une lame, la main tremblante. Elle s'approche de mon bras quand la porte que je pensais avoir verrouillée s'ouvre dans mon dos dans un grincement grossier. Dans le miroir, je croise ses yeux bleus et toute ma volonté me quitte en une seconde. Elle pleure.
Je ferme les yeux une seconde, passe de l'eau froide sur mon visage et repose la lame en espérant qu'elle n'ait rien vu. Je pousse la porte du placard et me tourne vers elle. Ses larmes se déversent à une vitesse ahurissante mais je ne suis pas en état de parler, d'habitude c'est elle qui le fait pour deux.
— Je suis allée dans ta chambre mais tu n'y étais pas, commence t elle entre deux sanglots. Je ... je peux dormir avec toi ce soir? Je sais que tu n'aimes pas quand je te touche, je te dégoûte mais...
J'aimerais lui répondre mais je suis incapable d'ouvrir la bouche, incapable de lui dire que la seule chose qui me dégoûte ici, c'est moi, pas elle.
— S'il te plaît... juste ce soir, j'ai ... j'ai pas envie d'être seule. Ils me manquent trop...
Je ne dis toujours rien et sors de la salle de bain. Je sens son regard me suivre sans un mot de plus. Je retourne dans ma chambre en laissant la porte ouverte, elle comprendra. Quand elle me rejoint enfin, elle hésite une seconde sur le pas de la porte avant de s'allonger à mes côtés en faisant attention à ne pas me toucher. Elle pleure encore et à la lueur de la Lune j'aperçois ce petit arbre magique pour voiture entre ses doigts. Elle le sert tout contre son cœur en pleurant. Je ne pose pas de question, je ne peux pas encaisser ses problèmes en plus des miens ce soir. Peut être que demain, j'arriverai à l'aider aussi, ou pas, je ne suis pas capable de grand chose.
Les minutes s'égrènent et ses larmes ne tarissent pas. Je bascule sur le flanc droit, ma tête sur mon coude plié, mes yeux percutent les siens. J'y vois toute la détresse et la tristesse qui la submerge. Je tends la main vers son visage, j'hésite, je ne sais pas faire ça, ma main tremble et je ne veux pas la brusquer. Nora continue de m'observer sans jamais détourner le regard et finalement je caresse sa joue, essuyant ses larmes au passage. Elle ferme ses yeux à mon contact et ses sanglots s'étouffent enfin.
— Tu ne me dégoûtes pas, je murmure dans un souffle.
Je ne trouverai pas le sommeil sans rétablir cette vérité. Elle croit que c'est elle le problème alors que ma vie entière est un problème. Elle, elle est magnifique, pleine de vie, intelligente, bavarde, tactile, beaucoup trop tactile, souriante, beaucoup trop souriante. Tout est extravagant chez elle. Je crois qu'elle me plaît mais je n'en suis pas sûr, je ne suis plus sûr de rien depuis qu'il m'a brisé. Tout ce que je sais, c'est que je n'ai pas eue envie de toucher un autre être humain depuis 5 ans et je n'ai jamais laissé quiconque me toucher non plus.
Ses iris bleus me scrutent étrangement et je déglutis avec difficulté. Elle rapproche son corps de moi mais je me crispe, mes narines frémissent et ma respiration s'accélère. Ce n'est pas de l'excitation, même si ça pourrait vite le devenir, non, pour l'instant c'est l'angoisse qui s'empare de moi et elle le voit puisqu'elle s'arrête à quelques centimètres à peine. Son corps ne me touche pas pourtant je sens la chaleur irradier de celui ci contre le mien. Je mets quelques minutes à retrouver un rythme cardiaque normal. Quand enfin je reprends le contrôle de mes émotions, je tends mon bras vers elle. Elle soulève sa tête et vient se poser sur mon bras que j'enroule autour de ses épaules, l'invitant à se blottir contre moi. Nora vient nicher son visage dans mon cou, son souffle chaud hérisse ma peau, ses jambes s'entremêlent aux miennes. Je suis tendu, elle ne bouge pas, me laissant le temps nécessaire pour m'habituer à ces sensations. Quand je commence à décrire des petits cercles sur son bras de la pulpe de mes doigts, je la sens se détendre à son tour et nous sombrons dans les bras l'un de l'autre.

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Host Family
RomanceNora est en accueil longue durée chez les Gramms, elle voit sa vie bousculée par l'arrivée d'Aaron, un adolescent perturbé au passé destructeur et à l'avenir incertain. Comment l'aider s'il ne la laisse pas approcher? Comment la protéger sans l'écl...