Chapitre 8 - Nora

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Lorsque j'ouvre les yeux, mon nez est encore enfouit dans son cou. J'aime son odeur, il ne porte pas de parfum, juste l'odeur légère de son gel douche mêlée à la sienne. Hier soir, il a dit que je ne le dégoutais pas, je souris en y repensant. J'ai cru qu'il me rejetait ainsi parce que j'avais tendance à coucher avec beaucoup de garçons, mais non. Ses réactions hier soir étaient si étranges. Il a mis du temps à se détendre mais en m'approchant de lui par étape, cela a semblé mieux lui convenir. Par contre, ce matin on peut dire qu'il est extrêmement tendu, si vous voyez ce que je veux dire... 

Je tente de me défaire délicatement de son étreinte mais à peine ai je bougé qu'il resserre un peu plus ses bras autour de moi m'écrasant contre son torse. Il est mince mais sculpté, je pense qu'il ne mangeait tout simplement pas à sa faim, parce qu'ici il mange comme 4 et je ne serais pas surprise qu'il ait doublé de volume d'ici Noël.

Voyant que je n'arriverai pas à me défaire de son étreinte sans le réveiller, je me résous et replonge dans son cou, frottant mon nez contre sa peau. C'est alors qu'il se crispe, tendu à l'extrême il retient sa respiration.

— Salut, je murmure.

Ses bras me relâchent brusquement comme s'il était gêné de m'avoir trop serré. On frappe à ma porte, merde! Je me relève brusquement, ils vont forcément venir ici s'ils trouvent mon lit vide, je regarde Aaron complétement paniquée alors qu'il se marre.

— Arrête de rigoler abruti! Ils vont croire qu'on a couché ensemble, je murmure outrée.

— Vu l'état dans lequel tu étais hier soir, il n'y avait aucune chance!, rétorque t il amusé.

Je fronce les sourcils vexée, qu'est ce qu'il veut dire? Que j'avais trop bu ou que j'étais trop pathétique à pleurnicher comme un bébé? Je n'ai pas le temps de lui poser la question que j'entends Marc m'appeler.

— Nora?

— Elle est là, hurle Aaron.

Je tente de l'assommer avec un coussin alors que la porte s'ouvre sur Marc qui nous scrute les sourcils levés, ses bras croisés sur sa poitrine.

— Vous m'expliquez?

Aaron se lève et se dirige vers la fenêtre pour allumer une cigarette, il ne compte pas lui répondre, je rêve.

— Bah dis quelque chose Aaron!

— Tu te démerdes, c'est toi qui t'es incrustée et c'est ton daron! 

Je garde la bouche ouverte sous l'effet de surprise puis regarde mon père ahuri.

— Je n'ai pas à te dire avec qui tu peux ou non avoir des ... relations sexuelles, chérie. Mais disons que je préférerai que tu évites avec...

 — Je ne la baiserai pas, détends toi, le coupe Aaron en recrachant sa fumée par la fenêtre. 

Mon père grimace en l'entendant parler ainsi mais ne fait pas de remarque. Au moins le message est clair.. J'ai un peu de mal à le suivre. Il me repousse, puis me câline en disant que je ne le dégoûte pas, il fait preuve d'une douceur incroyable et le lendemain il annonce détaché et sans émotion qu'il ne compte pas me toucher. Ce mec est vraiment trop compliqué, enfin ce n'est pas comme si je voulais coucher avec! Quoique... il est plutôt canon, n'importe quoi! Je secoue la tête et sors de sa chambre pour aller me doucher.

 Dans la salle de bain, je retrouve le placard au dessus du lavabo entrouvert. Je vais pour le fermer mais une boîte coince. Je la bouge et me rends compte que ce sont les lames du rasoir d'Aaron et l'une d'elle est posée à côté. Le petit rectangle argenté dans la main, les souvenirs d'hier soir affluent. Je le revois appuyé sur ce lavabo, extrêmement pâle, la nuque et le front trempés de sueur. Il serrait le poing ou alors il tenait quelque chose, je n'ai pas vu, je n'ai pas fait attention trop absorbée par mon propre chagrin. Il s'est passé de l'eau sur le visage avant de reposer quelque chose dans ce placard. C'était cette lame j'en suis certaine maintenant. 

Je doute qu'on se rase à 2 heures du matin... Est ce qu'il voulait se suicider? Qu'est ce qui aurait pu le mettre dans un état pareil? Je ne connais pas son passé et je doute qu'il m'en parle, ni maintenant, ni jamais. Comment peut on en arriver à détester la vie à ce point? Je devrais en parler à mes parents, ils sauraient quoi faire et peut être que... non, je ne peux pas faire ça. Ils vont l'envoyer faire une thérapie ou une connerie du genre, il va se renfermer encore plus et ça ne sera que pire. 

La porte de la salle de bain s'ouvre dans mon dos et je croise son regard polaire dans le miroir. Surpris de me trouver là, il s'apprête à sortir quand je me tourne vers lui. Ses yeux dérivent vers mes mains alors qu'il blêmit. Il comprend que je sais lorsque mes yeux font des allers retours entre lui et cette lame. Ses mâchoires carrées se crispent nerveusement et je vois les muscles de ses joues bouger sous la pression qu'il leurs impose. 

Je sens une larme couler sur ma joue. Il voulait vraiment mourir, je le réalise seulement maintenant. Pourquoi? Pourquoi vouloir que tout s'arrête? Il n'est là que depuis une semaine et pourtant j'ai l'impression que ça fait une éternité. Je sais que je suis envahissante, j'aime être entourée et cherche toujours à combler les silences alors qu'il est solitaire et introverti. Pourtant à chaque intrusion cette semaine, je l'ai vu sourire en coin. Et pour la première fois, je n'arrive pas à combler ce blanc qui nous englobe.

Aaron s'approche doucement de moi, comme s'il ne voulait pas m'effrayer. Il récupère la lame entre mes doigts et la remet dans sa boîte avant de fermer le placard. Sa main se lève pour s'approcher de mon visage, avec la même hésitation que cette nuit. Quand sa peau effleure enfin la mienne, je ferme mes yeux pour apprécier ce contact plus que jamais. Son pouce essuie la traînée humide laisser sur ma joue. J'ai la sensation que tout va s'arrêter, que nous vivons nos derniers instants et je ne peux retenir un sanglot alors que d'autres larmes s'échappent en cascade. Surprise par son geste lorsqu'il entoure mes épaules de ses bras pour me coller contre son torse, je croise mes mains dans le creux de ses reins. Son corps hurle son malaise et je remonte un peu mes bras dans son dos ce qui le détend instantanément. 

— Ne pleure pas pour moi Nora, murmure t il contre mes cheveux.

— Mes parents sont morts dans un accident de voiture quand j'avais 8 ans. Ce n'est pas pour eux que ça a été difficile, c'est pour moi, juste pour moi. Les morts sont libérés de toutes formes de souffrances, mais c'est pour ceux qui restent que c'est le plus dur. 

 — Je ne laisse personne derrière moi.

— Si, je le contredis. Moi!

— Nora..., soupire t il.

— Non, Aaron. Tu fais partie de ma vie que tu le veuilles ou non. C'est comme ça. Et si tu disparais, je ... le reste de ma phrase s'étrangle dans un sanglot.

Il me serre un peu plus fort. 

— Promets moi une chose, Aaron, s'il te plait.

— Nora, je ne peux pas te promettre ça..

 — Promets moi que la prochaine fois que tu te sens aussi mal tu viendras me voir. Promets le moi, s'il te plaît, je le supplie. Je ne te demande pas de me raconter ni de te justifier, juste promets de venir me voir, moi avant elles..

— Promis, souffle t il.

Ce jour là nos âmes se sont jointes pour ne faire plus qu'une. Nos plus lourds secrets sont encore enfouis dans nos cœurs et nos entrailles et pourtant, je sais qu'à partir de maintenant nous avancerons ensemble, quoiqu'il arrive. Du moins, c'est ce dont je me suis persuadée... 

Host FamilyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant