Chapitre 11 - Aaron

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Elle m'aura sauvé la vie 2 fois en 2 mois, c'est un ange! Mais elle représente aussi mon pire cauchemar. Si j'en suis là, c'est à cause d'elle et de ce qu'elle me fait ressentir. Je gère la douleur, le dégoût et les souvenirs depuis des années, mais ces sentiments qui me percutent sans cesse quand je suis près d'elle je n'arrive pas à les gérer et ils me ramènent à chaque fois à ce qu'il a fait. Je ne serai jamais un mec normal.

Allongée à mes côtés, je sens son regard brûler mon épiderme alors que je contemple son plafond.

— Nora, je murmure.

— Hmm?

— Arrête de me fixer..

— Pardon.

Je tourne la tête pour voir ses joues rougirent alors que sa bouche trop grande s'étire dans un sourire timide qui ravage mon cœur. A cet instant, je ne désire qu'une seule chose, la prendre dans mes bras, me perdre dans ses cheveux, dans ses yeux, dans sa bouche, dans son corps. Je n'ai jamais ressenti un truc pareil. Je la veux toute entière et je ne veux plus qu'un seul homme ne la touche, ne la regarde, ne la désire, jamais. Elle est à moi et j'aimerais tellement la revendiquer, mais je ne peux pas. Si je fais un pas vers elle maintenant, tout risque de changer, je le vois dans ses yeux. Ses iris ont laissé place à des pupilles dilatées alors qu'elle ne cesse de mordiller sa lèvre. Son regard dévie sur mon visage puis mon torse, brûlant sur son passage chaque parcelle de peau mise à nue devant elle.  

Pour survivre à cette nuit j'ai besoin d'elle, mais j'ai aussi besoin qu'elle reste la première nuit d'horreur d'une longue série et non une magnifique première fois. J'ai besoin qu'elle reste cette nuit horrible où tout a basculé et je ne veux pas un jour me rappeler de notre premier baiser aux côtés des images qu'il m'a laissé.

Je ferme les yeux, mes bras coincés derrière ma tête, je tente de calmer les pulsions qu'elle fait naître en moi en contrôlant ma respiration mais le résultat est plutôt pathétique. Alors les images de cette nuit me reviennent, ses mains sur moi, son odeur, la sensation de son corps contre le mien, la douleur, l'humiliation.

— Je suis là, Aaron. Tout va bien.

Je rouvre les yeux brusquement, essoufflé comme si je rentrais de mon footing, mes mains et mes jambes tremblantes. Elle s'est redressée, appuyée sur son avant bras, sa main libre en suspend au dessus de moi. Elle a stoppé son geste de peur de me brusquer et de déclencher une violente réaction semblable à celle de tout à l'heure. Mais je veux qu'elle me touche, je veux qu'elle me fasse oublier. J'enlève mon bras, coincé derrière ma tête et le tend vers elle, l'invitant à s'y blottir, ce qu'elle fait dans la seconde sans se faire prier.

Sa peau brûlante contre la mienne m'électrise. Sa joue sur mon pectoral, sa main sur mon cœur, mes abdos se contractent. J'effleure ses cheveux de mes lèvres, un soupir d'aise lui échappe et elle relève son magnifique visage vers moi. Je me noie dans l'océan de ses iris, ma gorge s'assèche alors que je retiens ma respiration quand elle approche ses lèvres. 

Je ne peux pas, pas ce soir, peut être même jamais. Je fixe sa bouche immense qui ne demande qu'à être goutée puis ferme les yeux avant de détourner la tête. Son corps se tend contre moi à ma réaction.

— Pas ce soir Nora, pas comme ça, je murmure.

Lui donner une explication claire et précise serait la meilleure solution, mais je ne le fais pas, pourtant je devrais. Voyant que je garde le silence, elle s'écarte et se tourne avant de rabattre la couverture sur ses épaules. Je l'ai vexée, peut être même qu'elle pense que je ne veux pas d'elle. C'est faux! Mon corps, mon cœur, mon être tout entier la désire, elle et rien qu'elle. Mais je ne peux pas gérer ça, je n'y arrive pas. Je décide de sortir, si je m'éloigne d'elle j'arriverai à me calmer. 

Sa proximité est comme un brouillard à travers lequel on essaie de trouver son chemin. Je sais qu'il est là, que je vais le trouver, mais je n'y arrive pas, pas avec elle à mes côtés. C'est ironique quand on sait que c'est grâce à elle que je souhaite plus que tout le trouver ce fichu chemin. 

Assis en bas des escaliers, la tête contre le mur froid, je souris quand Lucie rentrent en secouant son panier citrouille devant mes yeux, suivi de près par Louis.

— Regarde Aaron tout ce que j'ai eue, me dit elle les yeux pétillants.

— C'est super, je réponds simplement.

Les Gramms échangent un regard entendu et Anne s'éloigne pour coucher les jumeaux démoniaques. Marc vient s'asseoir à mes côtés en veillant à laisser une certaine distance entre nous même si sa proximité m'est de moins en moins insupportable.

— Si tu veux parler, je peux écouter, me dit il sans m'assaillir de questions malgré mon comportement de ces derniers jours.

Je ne réponds pas, il n'ajoute rien et reste là à mes côtés en silence. Ce geste peut paraître anodin mais il représente beaucoup pour moi. C'est la première fois en 17 ans qu'on se préoccupe de moi ainsi. Je n'ai pas l'habitude et ça ne m'aide pas à y voir clair, j'ai besoin d'espace loin de cette famille parfaite. 

— Il faut que je parte, je murmure.

— Pourquoi?

— Je ne peux pas rester ici, pas avec...

Je ferme les yeux, même dire son nom devient douloureux.

— Nora?, demande t il.

J'acquiesce.

— Qu'est ce qui te fait si peur?

— Je n'ai rien à lui offrir, elle mérite mieux qu'un mec comme moi.

— Hmm, et c'est quoi un mec comme toi?

— Tu sais très bien, je rétorque sèchement.

—  Alors tu te définis à travers ce qu'on t'a fait subir? Je vais te dire ce que moi je vois! Un jeune homme brisé qui se débat de toutes ses forces pour garder la tête hors de l'eau. Un jeune homme bien plus intelligent qu'il ne veut bien le laisser paraître, travailleur et déterminé. Un homme respectueux, reconnaissant, volontaire et généreux même s'il est parfait terriblement insolent, rigole t il avant de reprendre plus sérieusement. Un jeune homme qui est en train de tomber amoureux pour la première fois et qui a du mal à gérer ses émotions. Tu ne dois pas le laisser gagner. Tu as toujours refuser de voir un thérapeute dans le passé, tu devrais peut être y penser.

— Pour que quelqu'un d'autre me dise comment vivre avec ça et ce que je dois en penser?! Non, merci!

— Ils pourraient t'aider à voir les choses différemment.

— Je revois les choses très clairement! Je n'ai pas besoin de les voir d'une autre façon.

Marc soupire vaincu et n'insiste pas. Je comprends très bien ce qu'il me dit mais j'ai peur, peur de parler, peur d'être jugé. Je le vois triturer ses ongles quand il finit par me regarder et me poser la question que je redoutais :

— Qu'est ce qui s'est passé à Halloween?

— J'avais 12 ans et c'était la première fois qu'il...

Ma phras s'étrangle au fond de ma gorge, je ferme les yeux et respire bruyamment. Il pose sa main sur mon bras, se voulant rassurant, mais je sursaute alors qu'il se retire précipitamment en se confondant en excuses. 

— Pourquoi est ce que tu veux partir? Tu crois que ce seras plus facile loin d'elle?

— J'en sais rien, mais c'est trop dur. Je ne veux pas rester près d'elle, j'ai besoin de mettre de la distance entre nous. 

Un hoquet d'horreur se fait entendre dans notre dos. Je ne l'avais pas entendu arriver... elle est là depuis quand Bordel! Marc se retourne en même temps que moi et son visage peiné me percute alors qu'elle s'enfuit en courant.

— Bon bah je n'aurai pas besoin de partir pour mettre de la distance entre nous finalement, je marmonne gêné.

Marc me tape l'épaule avant de se lever.

— Tu es dans une belle merde mon vieux! Elle va te le faire payer!

Et le voilà parti en se foutant de ma vie merdique. 

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