Chapitre 15 - Nora

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Sur le canapé, une tasse de chocolat chaud dans les mains, j'ai mis un film romantique à la télévision pour justifier les larmes qui baignent mes joues en continue depuis hier soir. Les jumeaux courent dans tous les sens depuis qu'ils sont réveillés. Ils ont beau passer devant l'écran m'empêchant de me concentrer dessus, je n'arrive même pas à m'énerver. Anne vient s'asseoir à mes côtés et pose une main délicate sur ma cuisse.

— Qu'est ce qui s'est passé ma chérie?

— Rien, rien, c'est le film qui...

— Nora.. on vous a entendu vous disputer hier soir, me coupe t elle avec un sourire triste.

Elle me regarde tendrement, je viens poser ma tête sur son épaule et me décharge de ma peine dans ses bras. Après un long moment, je finis par tout lui expliquer. Je n'omets rien de ce qu'il s'est passé entre nous ces derniers mois, elle connaît le passé tragique d'Aaron, c'est la seule qui peut m'aider et de toute évidence ce que je lui raconte fait sens même si je suis toujours aussi perdue.

— Il a été balloté de foyer en famille d'accueil toute sa vie, Nora. Il n'a jamais connu ce que tu as vécu avec tes parents ou ici, cet amour inconditionnel, ce sentiment de sécurité. Personne ne s'est jamais préoccupé de lui avant. En plus de l'attention, la sécurité et l'amour qu'on lui apporte il doit se confronter aux sentiments qu'il éprouve pour toi. Ca fait beaucoup à gérer pour un adolescent.

— Ca n'explique pas tout, je lui fais remarquer même si je comprends un peu mieux pourquoi il paraît si perdu à chaque fois qu'il se laisse aller. 

— Non, ça n'explique pas tout, avoue t elle. Mais je ne peux pas trahir sa confiance, tu le sais bien. Il doit d'abord faire la paix avec ses démons avant de pouvoir te les confier, ce processus va prendre du temps. Si tu l'aimes vraiment, alors accroches toi de toutes tes forces, mais si tu as un doute sur tes sentiments, si tu penses que c'est une passade sans intérêt alors laisses le faire son chemin seul. Il a besoin de stabilité pour avancer, tu comprends?

— Merci, Maman.

Je ne l'appelle pas souvent ainsi, mais quand je le fais c'est parce qu'elle endosse ce rôle à la perfection. Je la vois regarder dans mon dos, un sourire timide étire ses lèvres alors qu'elle se lève et cède sa place à Aaron. Je replie mes jambes devant ma poitrine et pose ma tête sur mes genoux. Il a l'air aussi mal que moi, c'est presque rassurant.. Il y a peut être de l'espoir finalement.

— Tu es là depuis longtemps?

— Depuis le début, avoue t il. Nora, je ... je vais partir.

— Quoi?, je m'exclame en me redressant. Non, pourquoi, enfin c'est...

— A ma majorité, Nora. Je partirai le jour de mes 18 ans, j'ai un contrat qui m'attend, loin d'ici.

— Loin comment?

— Loin, Nora..

— Qu'est ce que tu vas faire?

— Informaticien.

— Tu mens assez mal tu sais?

— Je vais bosser sur un ordi, pour qui, pour quoi, tu n'as pas besoin de le savoir. C'est mieux comme ça..

 Sa main vers mon visage, il essuie la larme qui coule sur ma joue. Je ferme les yeux, savourant ce contact. Il bouge sur le canapé et son bras m'attire à lui, je capitule me laissant aller contre sa poitrine alors que sa main caresse mon dos avec douceur.

— Je crois que je suis en train de tomber amoureuse de toi, je lui avoue dans un murmure.

— Nora..

— Non, ne dis rien. Je ne te demande rien et je t'interdis de me détourner de mes sentiments. C'est comme ça, c'est ce que je ressens, c'est tout. 

— Je partirai dans deux mois, quoi qu'il arrive.

— Je sais.

Je relève la tête vers lui, son regard glacial dérive vers mes lèvres que j'humidifie d'envie. De la pulpe de son pouce il caresse ma lèvre.

— Embrasse moi, je le supplie.

Il s'exécute et la brèche de mon cœur se resserre un peu, effaçant la douleur qu'il m'a infligé. 

Nous passons les jours suivants à nous découvrir. Je marche sur des œufs avec lui, ne sachant pas toujours quel geste va réveiller quelle sensation. Il est fragile, instable et brisé mais je l'aime, bien plus fort que je ne l'aurais cru possible. En quelques mois, il est devenu mon monde, mon univers, mon ancre, mon avenir. Je ne me vois plus passer une seule journée sans lui, nous n'avons pas reparlé de son départ mais je vais de toute façon aller à la fac à la rentrée prochaine, nous aurons une relation à distance pendant quelques temps comme les 3/4 des gens de notre âge en couple à la fin du lycée. Nous ne serons pas les premiers ni les derniers et je crois en lui, en nous.

Nous sommes dans la phase un peu folle et surréaliste des débuts. Je détaille chacun de ses faits et gestes en totale admiration, je cherche son contact physique ou visuel en permanence. Nous n'avons pas couché ensemble mais nos moments d'intimité de plus en plus tendres et sensuels me rendent confiante pour l'avenir, il y arrivera, il en a envie, il doit juste se réapproprier son corps. J'aimerais être moins naïve face à la cruauté humaine, j'aurais déjà compris depuis longtemps ce qu'il lui est arrivé et je pourrais mieux l'aider à avancer. Toutefois, je ne m'attarde pas non plus sur le passé et tente d'avancer coûte que coûte vers l'avenir que je nous idéalise. Je suis sur un nuage qui s'élève un peu plus haut à chaque baiser. La chute pourrait être rude, mais il n'y a pas de raison qu'il y en ait une, n'est ce pas?

Host FamilyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant