Chapitre 1 : Une nuit comme une autre.

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(Hello. Bon. Je sais pas ce qui m'a prit, mais entre deux bouquins aux sujets assez lourds, je me suis dit que j'allais tenter autre chose. Et tant qu'à faire, autant m'amuser. 
Les chapitres ne seront pas aussi longs que sur le reste, mais j'en ai plein à vous proposer alors enjoy.) 

 J'aime l'ambiance moite et sale des boîtes de nuit.
Leurs odeurs saturées, les planchers qui collent, les lumières saccadées qui floutent les détails indiscernables aux yeux mortels, et qui font que tout le monde apparaît un peu moins moche. Un peu plus attrayant. Un poil plus supportable.
Et j'aime les odeurs aussi.
Ce parfum âcre, d'alcool qui pue, qui tapisse le palais, titille la langue. Que je pourrais goûter.
C'est incroyable pour mes sens. Je me sentirais presque vivant.
Presque. Faut pas déconner.

Je chope une bouteille au passage sur le plateau d'un serveur qui ne m'a pas vu, puis en descend la moitié en quelques gorgées en faisant attention de ne pas saturer les canaux de mes canines. C'est la pire manière de boire, ça balance directement l'alcool dans mon sang, je ne peux pas faire ça.
Enfin, si, je peux. Évidemment j'ai déjà essayé. Et la vache, ça me donne une ivresse express que mon corps gère mal. Vaguement rigolo. Mais pas ce soir.
Ce soir, je suis là pour deux choses. La musique. Et les tuyaux de Lula.

La musique est bonne. Le Dj sait mieux que personne comment faire ressortir ses beats et les entremêler d'une manière qui m'abrutit confortablement tout en donnant envie de danser.
Bon sang, j'adore l'humanité. Leurs fêtes, leurs concerts, leurs façons de se jeter à corps perdu dans l'existence comme s'ils étaient eux-aussi immortels.
Cela dit... Même si je vis un des meilleurs moments de ma semaine sur ce dancefloor flambant neuf et déjà imbibé de liquides divers, il y a aussi...

Lula. Elle m'a assuré que ce type qui m'intéresse venait régulièrement ici. Elle m'a envoyé une photo que je vérifie sur mon portable. Différents angles, la même face de con.
Est-ce que c'est moi où tous les salauds ont une vraie gueule à bouffer des pépites de merde au petit dej?
Peut-être.

Je m'avance dans la boîte, ma bouteille à la main, en esquivant danseuses et danseurs qui veulent se frotter à moi comme des chiens sur un vieux lampadaire, et je les envoie d'un geste de la main aller voir ailleurs si j'y suis.
Ils ne font guère attention à moi, je garde mes effluves soigneusement sous contrôle pour le moment.
Je sais que je fais très couleur locale, quoi qu'il arrive. Je détonne pas dans le paysage.

Jeans déchirés par l'usure, t-shirts un poil trop grands. Tatouages jusqu'au bout des ongles, écarteurs, quelques piercings trop vite cicatrisés, cheveux décolorés en vieux rose dans une coupe aléatoire, frisée dessus, courte sur les côtés. Ces espèces de baskets plates beaucoup trop confortables aux pieds dans un pantone douteux et beaucoup trop pastel, vernis écaillé d'il y a une bonne semaine...
Je ressemble à quatre-vingt-dix pour cent de la population qui vient se fracasser l'esprit sur ces rythmes trop violents en picolant un alcool hors de prix.
En apparence, je suis comme eux, ils sont comme moi. Et c'est parfait.

Soudain. L'air change.
Dans cette atmosphère lourde de chaleur humaine chargée de sécrétions diverses de viande saoule, un courant m'interpelle.
Comme un arrière goût transperçant l'ambiance de désir toujours présente dans ce genre de lieux. Une volonté de vice plus sournoise que les autres. Acide. Malsaine.
Mes narines frémissent par instinct. Et je tourne la tête. Je le vois.

Air bien sous tout rapport. La tête à sortir tout droit d'une école de commerce. Comme sur les photos. Une fille ivre à son bras. Qui a tout l'air d'avoir forcé sur le rimmel pour avoir l'air plus adulte qu'elle ne l'est.
Je ne peux pas réprimer un sourire alors que le suis guider cette petite nana trop défoncée pour réagir vers l'extérieur, abandonnant ma bouteille à moitié vide sur une table pour la consommation de qui voudra bien.

Il l'a fait sortir par là où je suis arrivé, sans même prendre le temps de lui récupérer son manteau. De toute façon, il n'est pas là pour ça.
Je le suis en passant tranquillement sous le nez du videur qui ne me prête aucune attention. Il me faut moins d'une seconde pour me rendre compte qu'ils ont tourné à gauche, dans une ruelle le long de la boîte.
Une de ces allées borgnes et étroites, avec du bitume usé et des gros conteneurs à poubelles qui débordent.
Je m'approche tranquillement, pour le prendre en pleine action. Il ne m'a pas vu arriver. Il est trop occupé à lui enlever ses vêtements alors qu'elle commence à protester, son cerveau embrumé comprenant du fond de sa perche qu'elle est dans une sale situation.

Je secoue la tête, dépité, me plaçant derrière lui, avant d'expirer. Je n'ai même plus besoin de me concentrer maintenant pour que tous les pores de ma peau exhalent une effluve qui arrive à lui en moins de deux secondes.
Il lève la tête, hume l'air. C'est trop tard, mon chéri, tu es fait.
Je lâche un petit sifflet entre mes dents pour aiguiller sa recherche. Quand il se retourne, ses pupilles sont déjà deux têtes d'épingles, et je peux sentir la crasse de son envie changer de cible, passant de la fille terrorisée entre ses pattes à moi.

C'est ça le truc bien, avec mes phéromones. Il m'a fallu quelque temps pour contrôler comment envoyer les effluves et les doser, mais maintenant c'est aussi naturel que de respirer. Et ceux qui peuvent y résister ne sont pas légion...

"Salut toi..." lâche le pauvre type, en se redressant, titubant vers moi, tendant des mains avides vers ma silhouette. Je ne suis pas épais, et pas d'une taille démentielle. Je n'apparais pas menaçant.
Pour les miens, ce calcul serait peut-être vrai, mais pour lui... C'est une erreur. Et quoi qu'il arrive, son cerveau embrumé par la décharge que je viens de lui balancer n'est pas en état de me résister.
Je lui souris, l'invitant à approcher, tout en faisant signe de la main à la nana de se barrer.
Elle aussi me regarde avec envie, mais avec le mélange de dope et de peur qui sature ses veines, elle arrive à se remettre sur ses pattes et à fuir en remettant ses vêtement comme elle le peut.
J'espère qu'elle s'en remettra.

Je me concentre sur l'imbécile avide et aviné qui arrive sur moi, le prenant par sa chemise de gentil petit gars bien sous tout rapport avant qu'il n'ait l'idée de m'agripper de lui-même.
"Et ben dis donc... t'es un rapide... tu sais ce que tu veux..." ronronne l'idiot, essayant de poser ses sales pattes sur mes hanches.
"Ta marque," j'ordonne, lui envoyant une nouvelle effluve afin de bien le noyer de mon existence et qu'il arrête de penser. "Montre moi..."

Je n'ai pas besoin d'hausser le ton qu'il redresse déjà la manche gauche de sa chemise pour me montrer au creux de son bras la petite tâche semblable à une cicatrice blanche en forme de... de quoi? De lapin? De nuage... Peu importe. L'important c'est que la marque ne soit pas activée. Et encore moins ancrée.
Malgré tout ce que les gens comme lui méritent, prendre la vie d'une personne avec une soulmark activée, c'est condamner son autre à souffrir le martyre. Au mieux, mourir de chagrin, au pire, vivre une existence de misère. Et personne ne mérite ça. Ce n'est la faute de personne si leurs âmes soeurs sont des tocards. Enfin, j'imagine...

Après cette vérification d'usage, je ne perds pas de temps.
Au bout d'un moment, je suis aussi venu ici ce soir parce que j'avais la dalle.
Je soulève le col du gars qui grogne de satisfaction en pensant que j'ai d'autres idées en tête, je me penche dans son cou. Et je mord.

Mes canines se plantent dans sa peau salée de sueur. Je n'ai pas le palais délicat de mes congénères, il en faut plus pour me dégoûter. J'aime ce goût d'humanité dénuée d'artifice, autant sur la piste de danse et des salles de concert qu'enfoncée dans la moiteur des replis de leurs chairs.

Le type pousse un petit cri étranglé alors que mes crocs, guidés par la sûreté de l'instinct, trouvent sa jugulaire. Mais le venin fait déjà effet, et combiné à la puissance des mes phéromones il tombe déjà dans mes bras comme un pantin alors que les canaux de mes canines se gorgent de son sang tiède. Le distribuant immédiatement dans mes propres veines, emplissant mon système.
J'en laisse tomber un peu sur ma langue. Ce n'est pas une technique orthodoxe, à ce que j'ai compris. Trop sale, pas assez snob. On est pas censé s'en mettre dans la bouche... Mais j'aime simplement le goût métallique de l'hémoglobine.
Ça sent la vie, et mes papilles apprécient la stimulation.

Il ne me faut pas plus d'une ou deux minutes pour que son cœur cesse de battre. Je m'arrête de boire un peu après. Je n'ai pas besoin de bien plus.
Il doit lui rester, quoi... Deux litres? Du gâchis, peut-être, mais je vais pas me forcer.
Pour un vampire, je suis un poids léger, et un mangeur plutôt parcimonieux. Je me nourris que tous les quatre ou cinq jours, pas plus.
Le mec ne pèse rien dans mes bras. L'avantage d'une constitution plus robuste que celle des humains. Je m'essuie la bouche sur sa chemise, avant de le laisser retomber derrière la poubelle.
Personne ne viendra dans ce coin pourri avant que les employés ne jettent les ordures, demain matin. On ne se rendra pas compte qu'il est là.

Je me redresse, sort de ma poche arrière, ma casquette préférée, celle avec le dessin de canard débile brodé, y enfouit les boucles de mes cheveux délavés, et commence à me sentir un peu osciller.
La vache, ce salaud avait ingurgité la dose de saloperies avant de s'attaquer à cette fille.
Je ne saurais pas dire quoi exactement, mais son sang est bombardé de produits divers, en plus de l'alcool qu'il a dû consommer en grande quantité. Ça me fait plus d'effet que celui que j'ai bu moi-même.
De toute façon, en tant que vampire, je ne sais pas exactement quelles parties de mon corps sont fonctionnelles. Le foie, un peu visiblement. L'estomac, ça reste à voir. Je peux picoler, mais pas bouffer quoi que ce soit de solide. Et le reste... Il m'est possible de me passer de respirer pendant... Longtemps. Je sais pas combien de temps mais longtemps. Alors...
Bah... C'est pas important.

J'inspire d'ailleurs profondément. Histoire d'essayer de me remettre de l'énorme perche instantanée que le sang du gars me fait ressentir. Ça sera passé d'ici quelques minutes, au mieux. D'ici là, je vais probablement entendre les couleurs et voir l'espace temps se dilater.
La routine quand mes repas sont ce genre de clients. Rien que je n'ai déjà expérimenté.
Mes chers congénères ne s'abaissent pas à ce genre de festins de rebuts de gouttière. Tant pis pour eux, tant mieux pour moi, ils ne savent pas ce qu'ils perdent.

Je m'appuie dos au mur de béton, et sort mes clopes de ma poche, et en allume une posément, alors que j'entends des pas arriver.
Je reconnais le rythme de sa marche avant même que son odeur ne me frappe les narines.
"T'as fais vite, Valère," me dit Lula, contemplant le cadavre exsangue à mes pieds.
Je souffle ma fumée dans l'air humide de la nuit.
"Oui, bah en même temps c'était pas une flèche..."



(la suite est déjà écrite, je la publie genre... d'ici quelques jours.) 
(bye <3 )  

MOTHIKA - Âmes-Soeurs Nocturnes (BoyxBoy)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant