Chapitre 25 : Rame, rameurs, ramez...

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(bon allez, la suite de la cohabitation du shlag!) 


 Je suis allongé sur le sol, mes pieds sur le canapé, le plus loin possible de Mothika. La table derrière moi encombrée d'un nombre improbable de bouteilles, mes canettes de bière vide pas loin, dont une qui me sert de cendrier.
J'ai même trouvé un vieux poste de radio qui crache encore péniblement ses poumons électriques en faisant de son mieux pour balancer les sons distordus de la station métal locale.
C'est pas ce que j'aurais choisi comme morceaux, mais ça noie admirablement mes pensées, plus encore que la vodka que je suis en train de m'enfiler à grandes goulées. (Boire allongé m'a demandé presque autant d'entraînement que de rouler sur ma planche, donc je vais pas m'en priver.)

 J'essaie désespérément de noyer mes sensations sans m'enfiler le liquide direct en intraveineuse, parce que j'ai trop faim et que ça me rendrait juste malade comme un chien.
La présence de mon assassin est une torture.
La marque s'est calmée quelque temps en le sentant plus proche, mais maintenant... C'est presque pire...

De là où je suis, je peux le voir en tournant la tête. Allongé sur son lit, accoudé contre sa main, lisant tranquillement un livre, sans sembler ennuyé le moins du monde. La soulmark me hurle de ramper le rejoindre, de quémander... Je sais pas quoi et je veux pas savoir.
Si. Je sais parfaitement quoi, et je ne veux pas ça non plus. J'ai beau fonctionner aux phéromones et adorer la baise, je suis pas un pauvre cabot en mal de son maître, je vais pas aller lécher la main qui me bat. Ni la main, ni autre chose d'ailleurs.

 La marque me fait tellement mal que j'ai même dû enlever mon T-shirt, parce que la moindre sensation du tissu contre elle me donne l'impression d'un tisonnier directement sur ma chair.
Si je trace les branches de mon étoile, je sais qu'elles se sont encore étendues. En relief comme des cicatrices gonflées de pus, touchant presque mon ventre, dépassant ma clavicule, tentant d'aller rejoindre mon cou. Saloperie.

Je monte le son plus fort, rapprochant la radio de mes oreilles, histoire de bien me vriller les tympans. Je serai humain, je serai sourd à ce rythme.
M'enfilant une nouvelle rasade de vodka dans le gosier, allumant une énième cigarette, je continue ma mission du jour: Savoir si mon foie peut vraiment résister à tout, et découvrir combien de clopes je dois griller avant de transformer cet endroit en aquarium. Tout pour la science, allons-y!

 "Ta fumée, c'est..."
Je lance un regard ennuyé à mon assassin, qui a posé son livre, et me détaille de ses yeux roses, le nez un peu froncé. Ça doit pas être à son goût. Tant mieux.
Je lâche une grande bouffée dans sa direction, et détourne le regard, traçant distraitement les lignes des tatouages sur mon ventre, essayant de me remémorer les moments où j'ai pu faire chacune des centaines de pièces disposées pêle-mêle sur mon corps.

"Est-ce que tu peux baisser ta... musique?" Demande encore Mothika, se redressant légèrement. S'il a six cent ans ans, il doit plus être habitué au baroque qu'aux pogos. Pas mon problème.
"Non."
Il soupire, passant ses doigts le long de la tresse dans laquelle il a arrangé ses cheveux pour se coucher.
"Je t'ai proposé le lit si tu voulais..."
"Plutôt crever," je coupe, sans le regarder.
"J'essaie d'arranger la situation," tente-t-il de nouveau. "Est-ce tu ne peux pas... Faire un effort?"

 Je ricane sur ma cigarette, prenant le temps de vider la bouteille avant de répondre, en attrapant une autre au passage.
"Ramène moi chez moi," je lance, jetant le bouchon au loin. "Fais en sorte que Bones et Lula soient en sécurité. Rends-moi mon existence. Arrache cette marque à la con. Et peut-être que je verrais à te faciliter la vie. D'ici là... Va chier."
J'avale une rasade avant de lui jeter un regard. Ses yeux roses brillent dans l'obscurité, mais il ne dit rien... Me dévisage. Mutique.
Je hausse les épaules, me détournant pour me concentrer sur les détails des motifs sur ma peau.
"Ouaih, c'est bien ce que je me disais, Bunny. Au final, je suis pas le seul à penser qu'à ma gueule..."

Dans ma vision périphérique, je le vois se redresser un peu plus. Il a enlevé sa chemise pour dormir, et c'est pas forcément facile de se concentrer. Je suis faible. La chair est faible.
J'ai peur de dormir, avec lui dans les parages. Pas à cause de ce qu'il pourrait me faire mais à cause de ma propre tête.
Si je ne m'assomme pas en picolant, j'ai pas envie de savoir les rêves qui m'attendent au tournant. Avoir appris qu'en plus on partage ces délires diurnes me rends pas vraiment enthousiaste...

MOTHIKA - Âmes-Soeurs Nocturnes (BoyxBoy)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant