Chapitre 26 : Un monstre parmis les monstres

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(coucou. J'espère que votre Samhain s'est bien passé. Voilà la suite, et les Valériades, comme dirait ma bêta!) 

 J'ai la gerbe. Et pas la petite gerbouille du "j'ai avalé un bout de saumon pas frais". Non. Plutôt le grand exorcisme des boyaux qui essaient de remonter par mon nez...
Et pour couronner le tout, j'étais en train de faire le pire des rêves... Ce genre de rêve, ouaih!
S'il y a un miracle dans mon existence c'est que je me sois pas déjà vomi dessus... Parce que mon ventre est en train de me faire payer ce que je me suis envoyé dans le citron, tel le meilleur boomerang de karma en adamantium plaqué crottin.

Je me réveille au beau milieu de la journée (à en croire la vague lueur qui filtre aux contours de la fenêtre obstruée) avec des douleurs abominables... Et... Je peux pas aller jusqu'aux chiottes...
Déjà, se mettre debout c'est chaud du cul, vu comment tout tourne encore... Mais je peux pas faire un pas plus loin de Mothika...
En gémissant comme un corniaud, je me retrouve courbé, résigné à repeindre le sol des pires résidus de mon bide... Si j'avais été humain, je serais dans le coma... Et je l'aurais bien cherché!
Quel crétin! Quel cré...
"Hey!"
"Viens. Je t'emmène aux toilettes..."

J'arrive pas à protester beaucoup plus quand mon assassin passe un de mes bras autour de ses épaules, un des siens sous mes aisselles, et me traîne à travers la pièce centrale, jusqu'à la salle de bain dont la lumière néon me défonce les yeux.
Il me pose devant la faïence juste à temps pour que je déverse tout ce que j'ai ingurgité droit dedans.
Longs spasmes de jets acides que je crache en tremblant, les mains serrées sur la cuvette, comme le dernier des soulards de bar miteux une fois passé sa binouze de trop...
Je mets du temps à réaliser que Mothika tient mes cheveux derrière mon crâne pour que je ne les repeigne pas de gerbi en plus du reste. Et j'ai pas le temps de le repousser que je vomis encore... Et encore...

 "Merde..." J'arrive à articuler entre deux flots de ce qui n'est plus que de la bile qui me crame la gorge... "Merde... C'est dégueulasse..."
J'ai des larmes dans les yeux et j'hésite à me planter deux doigts au fond du gosier pour tout purger plus vite. Je déteste ça!
"Est-ce que cela arrive souvent?" j'entends, par-dessus mon épaule.
Je me retiens de le frapper directement dans les tibias. J'ai pas envie qu'il me voit comme ça, mais bah... Voilà ce qu'on gagne à jouer au con...
"Tu crois que..." Je souffle, épuisé..." Tu crois que je sais pas picoler, depuis le temps?"
"Valère..."

Il tient toujours mes cheveux, et rien que pour ça, je lui suis un peu reconnaissant.
"Non," je réponds finalement. "Ça arrive pratiquement jamais..."
C'est vrai. J'ai pas été malade depuis près d'une décennie, quand j'en étais encore à expérimenter avec les limites de mon corps... Mais là... J'ai trop tiré sur la corde.
Je voulais tellement, tellement éviter de rêver... Pour ce que ça a servi...

"L'estomac d'un vampire n'est pas fait pour... contenir autant de mets humains," rappelle-t-il, comme si j'étais pas déjà au courant. "Que tu puisses ingérer du liquide est une forme d'aberration pour ton espèce."
J'arrive à hausser les épaules, avant de cracher encore un peu de bile.
"Mon Créateur est un Ancien," je réponds quand même, grognant à cause de l'arrière goût désagréable. "Peut-être que..."

"Non, cela n'a rien à voir," me coupe-t-il, sans vraiment de rudesse. "Les Anciens ne sont qu'une forme non affaiblie des vampires actuels. Mais leurs restrictions demeurent les mêmes. Bien que tu représentes ce que l'on puisse trouver de plus pur dans l'héritage des Nocturnes..."
Je ne peux pas m'en empêcher, je ricane. Avant de regretter tout de suite tant le fumet de mes tripes moisies me remonte le long du palais.
"... Même ainsi", reprend-t-il, sans noter mon interruption, "Tu ne devrais pas pouvoir boire. Tu as de la chance..."
"Ferme ta gueule," je jette, sans réfléchir, persuadé qu'il se paie ma fiole.
"Ce n'était pas du sarcasme, tu sais..."

 Je ne sais pas comment réagir...
D'abord parce que ses mots me terrifient. Ajoutent encore des questions à la pile qui prend la poussière dans mon esprit en ce qui concerne mon identité...
Mais aussi... Parce que sa main a quitté mes cheveux, s'est posée dans ma nuque... Et que ce simple contact, ces quelques centimètres carrés de peaux jointes pile sur l'attache de ma colonne... C'est la meilleure sensation que j'ai jamais connue.
Je voudrais m'y rouler tout entier, m'en envelopper... Parce que la marque fait moins mal maintenant qu'il me touche, parce que... Ça semble juste. Ça semble... bien.
Et que je n'ai pas la force de m'y soustraire...

"Tu veux dire... Que je suis vraiment différent des autres vamps?" Je fixe le fond de la cuvette, remplie d'un mélange putride, comme on fixerait l'intérieur de sa tombe. En me disant que c'est probablement ce à quoi ma saloperie de cerveau doit ressembler en ce moment même... "Qu'est-ce que t'en sais?" Je demande encore, essayant de me distraire comme je peux de cet afflux de sensations contradictoires.
"Crois-le ou non..." Mothika, par réflexe sans doute, a commencé à me caresser doucement la nuque du bout du pouce... "Mais j'ai longtemps vécu au milieu de tes condisciples. Je connais leurs mœurs et leurs aptitudes. Et par bien des points... Tu ne leur ressembles en rien..."

Je saurais pas dire à quel point ce qu'il fait me calme... Comme si on m'avait plongé dans un bain d'eau tiède, ou dans le plus confortable des plumards... Je sens mon dos se piqueter de chair de poule... J'ai pas le courage de lui dire d'arrêter, et que les douleurs recommencent...
"Super..." Je souffle, à la place. "J'adore être un monstre parmi les monstres..."
"Les vampires ne sont pas des mo..."

"Si. Fais pas genre..." Je ne peux pas le laisser déblatérer ce genre de conneries qui ont pas de sens. "Tu le sais, je le sais, pas la peine de prétendre autre chose. Qu'on le veuille ou non, on est tous des tueurs en série avec un modus operandi et un profil de victimes types, sans parler de notre melon surdimensionné..." Je rit, plus par dérision d'autre chose. "On laisse aucune chance à ceux à qui on s'attaque parce que quand t'es un hamster armé d'une feuille de salade tu peux pas te battre contre un chat enragé, et que c'est plus ou moins l'état du rapport de force entre les humains et nous... Et je te rappelle que si les lois du Tribunal Nocturne sont là, c'est parce qu'avant on se massacrait même entre bâtards aux dents longues. On est des saloperies de monstres. Dis pas le contraire."

MOTHIKA - Âmes-Soeurs Nocturnes (BoyxBoy)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant