Chapitre 9 : Foutu pour foutu...

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(Il est dans la merde... Pauvre chéri, à pas pouvoir vivre tranquille sa vie de patachon...)


 Il se trouve que les pouvoirs de lycans de Bones se sont barrés en une petite heure. Le temps que ça me prend de dépercher quand j'ingère du sang humain vraiment chargé en produits d'une légalité toute douteuse.
Tant mieux. C'est bon à savoir.
De toute façon, j'ai pas dormi.

Je me suis contenté de rester assis devant mon miroir en mettant la musique le plus fort possible pour ne pas penser, fumant des clopes à la chaîne au point de ne presque plus pouvoir voir mon reflet. Espérant vainement que quand la brume se dissiperait, cette saleté de marque serait redevenue blanche.
Mais non.
Évidemment que non.

Pourquoi je ne l'ai pas senti se déclencher?
Les films disent qu'on le sent quand une soulmark s'active, que ça fait comme un courant qui parcourt tout le corps. Que c'est immanquable.
... Ce qui m'emmerde un peu parce que je suis quand même pas mal à l'écoute de mes sens, surtout quand je suis en chasse, alors j'ai zéro espoir qu'elle se soit déclenchée quand j'étais dans la fosse du concert. Ni dans la loge des artistes.
Dommage... Ça, pour le coup, ça aurait été un peu cool...

Non. Les seuls moments où j'étais trop perturbé pour y prêter attention...
Rah...
J'allume une nouvelle cigarette. Rageusement. Mes pauvres cheveux bien malmenés doivent puer autant qu'un fond de cendard de bar en fin de service.

Je refuse. Je refuse cette idée.
Je ne peux pas être l'âme-soeur d'un... d'un... Assassin.
Je suis moi-même un meurtrier, c'est sûr, mais bordel, j'avais pas le choix, et j'ai pas traqué les miens, je n'ai exécuté personne. Pourquoi moi? Pourquoi lui...
J'étais bien, dans mon coin, à penser que je n'appartiendrais jamais à personne, et que personne ne serait jamais à moi. Je m'étais fait à l'idée, merde! Toute ma vie était même organisée autour du fait d'être libre comme l'air.
Je ne veux pas que ça change...

Mais je dois bien me rendre à l'évidence...
Ma soulmark est activée, bel et bien activée. Et d'heure en heure, de paquets de clopes en paquets de clopes... Je la sens, je la vois, devenir de plus en plus rouge. Me lancer de plus en plus, les huit fines branches de l'étoile s'étendant de manière imperceptible...
Et... Évidemment que ça m'affecte.
C'est encore léger, mais... Comme le début d'une faim de sang, je le perçois, au fond de mes tripes. Ce Besoin absolu. Qui me répugne.

 Est-ce que je suis terrifié?
Oui. Je serais vraiment débile de ne pas l'être.
Plus débile que d'ordinaire, je veux dire.
Les implications si jamais mes pires craintes se retrouvent fondées... Oh je ne veux même pas y penser...

Mais comme je n'y connais finalement pas grand chose en soulmarks... Je n'ai pas été bercé des contes de ceux qui espèrent croiser leur autre, je n'ai pas épluché de documentaires, je manque d'années d'informations en la matière, alors...
Autant demander à quelqu'un de directement concerné.
Quelle chance, je possède au moins un de ces heureux élus en ce moment même sous mon toit. Youpi.

Cachant l'offensante preuve de mon connard de destin sous ma chemises préférée, bleue électrique à motifs de parts de pizza, je descend en maugréant dans la cuisine.
Si j'en crois les odeurs de nachos premier prix qui s'en dégagent, Lula est dans la place.

"Comment tu te sens? T'as fini de bouder?" me demande-t-elle, s'attaquant à son plat d'une main, vérifiant ses contrats sur son téléphone de l'autre. "La vache. Tu pues la mort. Je sais que les vamps ne transpirent pas, mais tu veux pas prendre une douche? Pour moi? Et si moi je te sens, Bones..."
"Sisi, t'inquiètes," je la rassure, m'asseyant mollement sur un des tabourets du bar. "Je vais mieux, merci. Il me fallait juste une journée, le temps de... Réaliser. Personne est venu rôder dans le coin? Où est ton chéri-chou?"

Elle me lance un regard dubitatif, avant de reprendre ses activités de façon machinale. Cette femme peut faire quatre choses en même temps, c'est hallucinant. Je me suis souvent demandé si elle avait pas un ordinateur à la place du cerveau.
"Non, personne à l'horizon. On a des nôtres qui veillent. Et Bones s'est facilement remis d'hier," me répond-t-elle. "Il est avec les Fullmoon. Ils vont décider de comment se préparer si jamais une réunion du Tribunal doit vraiment avoir lieu. Et il va lancer ses lycans sur la piste de ce Mothika. Si quelqu'un peut suivre sa trace, c'est eux..."
Je sens une légère constriction dans ma poitrine à l'entente de ce nom, que je retourne dans ma tête depuis la veille.
Rassuré sur le sort de mon ami, le fond de ma culpabilité de l'avoir potentiellement blessé s'évanouissant tout à fait, je me lance sur le sujet qui me préoccupe.

"Dis moi, Lu'... Je t'ai jamais demandé, mais... Comment ça s'est passé quand ta marque s'est activée?"
Il doit y avoir quelque chose dans ma voix, parce que Lula dépose son téléphone, et se tourne vers moi.
Pour ma part, je n'ai pas rallumé le mien. Tenté même de supprimer mes réseaux. Si jamais il me cherche, inutile de lui donner du grain à moudre.

"Pourquoi tu t'intéresse à ça?" Elle s'accoude de l'autre côté du bar, face à moi, prenant une cigarette dans mon paquet ouvert. "Tu n'en as jamais eu rien à foutre des soulmarks..."
Je hausse les épaules. Pas que je veuille lui mentir, mais j'ai juste... Pas grand chose à répondre. J'ai besoin d'infos, avant de décider de quoi que ce soit.
Comprenant que je n'élaborerais pas, elle allume posément sa clope, et me lance un sourire.

MOTHIKA - Âmes-Soeurs Nocturnes (BoyxBoy)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant