Chapitre 13:

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(aaaaaand, a new Challenger enters the Ring!!! ) 



 Débout à côté du fauteuil d'ordinaire réservé à Bones, se trouve une femme.
Elle n'est pas grande. Les traits finements découpés, la peau mate, dans une tenue noire qui tient plus de la robe de soirée que de l'ensemble tactique, mais quand on a un peu bourlingué, quand on sait où regarder...
On ne s'y trompe pas.
C'est une tueuse. Un prédateur.
Que ce soit dans sa posture parfaitement droite et en contrôle, à sa respiration lente, où au regard qu'elle pose sur moi, je le sais. Face à elle, je suis un insecte.
Ce regard d'ailleurs... Ces deux yeux rouges rubis, aux pupilles fendues comme celles d'un chat.
Démon, me souffle mon esprit. Se souvenant des paroles de Bones.

Mais pourtant, ce n'est pas elle qui me terrifie. Et qui, j'en gage, explique l'agitation de Lula. Mais bien l'homme assis dans le fauteuil. Que la démone protège ostensiblement de ses griffes.
Habillé d'une sorte de... Combinaison? D'armure noire? Presque un costume, mais soutenu à certains endroits par des plaques de ce qui peut ressembler à du kevlar, et dont sort deux bras nus. Leurs muscles puissants roulant comme des câbles sous sa peau trop blanche à chacun de ses mouvements.
Aucune pigmentation. Rien qu'une immensité de peau exsangue, sans poils, sans cheveux...
Seule sa tête nue montre un léger duvet blond.
Et ses yeux...
Une immensité si bleue qu'elle semble transparente. Sans âme.
Qui m'épie.
Quand ses lèvres dénuées de couleur s'étirent à ma vue, un frisson violent m'assaille.
La peur toute nue. La peur sauvage. La mort imminente.

Il se lève en un geste d'une souplesse que je n'ai pu observer que chez Bones, et tandis qu'il s'avance vers moi, l'air ravi, je ne vois que ses crocs. Entailles de porcelaine menaçantes dans son sourire parfait.
Je n'arrive pas à reculer. Je ne peux rien faire.
Même pas respirer. Mes poumons pris dans l'étau de mes côtes qui semblent se resserrer contre la mollesse de mes chairs.

Il s'arrête à un mètre de moi, et me regarde de haut en bas.
Décidément, ce soir, c'est une manie. Mais contrairement au moment en tête à tête avec mon assassin, là, je suis bien en peine de répliquer.
Figé, malgré tous mes efforts.
Et je ne comprends pas ce qu'il se passe. Je connais la peur, je sais comment la contourner, mais là... Rien. Mes membres sont de plomb, détachés de ma volonté. Comme s'ils ne m'appartenaient plus, comme s'ils lui appartenaient à... lui...
Même mes effluves sont bloquées. Ma dernière barrière, inefficace.

Il lève une main d'albâtre vers moi, touche ma joue.
J'ai l'impression de sentir un bloc de glace courir sur ma peau là où la pulpe de ses doigts passe sur ma mâchoire, mon menton, mon cou...
"Il m'aura fallu du temps pour te retrouver...."
Sa voix est telle le bruit d'un papier que l'on froisse. Rauque et crissante. Le croassement d'un corbeau au-dessus de la neige froide.
Et je mets du temps à comprendre ce qu'il me dit.
Me retrouver?

Je ne peux pas articuler ma pensée alors qu'il tourne autour de moi, soulevant délicatement mes bras, étudiant mes tatouages avec un soin d'entomologiste, m'enlevant ma casquette pour mieux observer mes cheveux délavés, s'intéressant de près à mes écarteurs...
"Tu as tellement changé..."
Je glisse un regard vers Lula, dont j'avais presque oublié la présence. Elle semble savoir de quoi il en retourne, mais n'ose pas parler.
Et je ne vais pas la forcer. Il faudrait qu'elle s'en aille au plus vite.
Je doute que ces deux-là la laissent faire.

"Ton apparence est décevante," termine-t-il, ayant fini son petit tour du propriétaire autour de ma personne mortifiée et incapable de réagir. "J'aurais pensé que tu ferais montre d'un meilleur jugement, Valère..."
Il connaît mon nom? Comment? Est-ce que c'est Lula qui lui a donné?
Mais... Attend c'est quoi cette remarque de merde d'ailleurs?
J'arrive inconsciemment à froncer les sourcils. Et j'aimerais lui répondre vertement, mais...

La porte qui claque dans mon dos rompt le charme et je retrouve immédiatement l'usage de mon corps, me précipitant vers Lula. Maigre rempart entre ces deux inconnus et la fragile humanité de ma meilleure amie.
C'est Bones, qui vient d'arriver en trombe, probablement alerté par la panique interne de Lula. À moins qu'elle ne lui ait envoyé un message.

Je salue la maîtrise profonde de chef Lycan de Bones quand il expire, ferme posément la porte, et hoche légèrement la tête, à l'adresse des deux nouveaux venus. reprenant immédiatement son empire sur lui-même en se rendant compte de la situation.
Oh que j'aimerais que la légende qui veut que les vampires ne peuvent entrer nulle part sans y être invité soit vraie. Malheureusement... Comme cette histoire de gousse d'ail, c'est de la merde. De la pure superstition humaine pour se protéger de ce qu'ils ne peuvent ni voir, ni comprendre.

"Seigneur Séraph," commence posément mon ami, s'avançant à la hauteur de son visiteur fort peu désirable. "Que me vaut votre venue chez moi?"
C'est bien un truc de Lycan que de rappeler constamment le périmètre de son territoire, mais dans ce cas précis, je ne peux pas lui en vouloir. La main de Lula cherche la mienne. Je la serre.
Ignorant le regard ardent de la démone sur nous.

 "Je viens juste d'arriver, garou," répond avec un ton vaguement dédaigneux celui qui est bien l'Ancien vampire qu'on m'avait décrit. "Je n'ai pas eu le temps d'expliquer l'entièreté de la situation à votre... humaine..." La façon dont il dit ça me fait me presser plus encore contre Lula. "Ni encore moins à mon... À Valère."
Cela ne me dit rien qui vaille. À mon quoi? C'est quoi son problème, à lui?
Est-ce que je pourrais réaliser au moins un truc aussi simple que de me barrer pour ne jamais revenir sans qu'on vienne me baver sur les rouleaux à chaque tournant ou c'est trop demander?

"Bien sûr..." Bones, dissimulant sa nervosité derrière un sourire affable, vient se placer près du triste duo sur la défensive qu'on doit former avec son âme-sœur. "Lula, Val... Voici Seraph, venu nous aider avec ce problème d'assassin. Et Huntress. Limier des enfers. Sa première lieutenant."
Je déteste la façon dont lui comme moi nous mettons inconsciemment devant Lula, comme si elle était une petite chose fragile à protéger.
Mais déjà que ni Bones ni moi, face à ces gros morceaux, ne valons grand chose... Elle...
Si elle était changée en Lycan, la situation serait différente. Hélas...

Voyons que nous ne daignons pas répondre, Seraph s'approche de nouveau de moi. Avec ce sourire froid, mécanique, dénué de la moindre tendresse.
Le masque du tigre qui va attaquer.
"Remercions l'odorat de Huntress d'avoir senti Valère sur vous, garou," reprend l'Ancien Vampire, dardant ses billes gelées ma silhouette. "Je gage donc que c'est à vous que je dois de retrouver mon enfant en si bonne santé, bien que... D'un aspect bien moins orthodoxe qu'il sied à quelqu'un de son lignage..."
"Que... Pardon?"

Je n'ai pas pu m'en empêcher, glisse un regard incrédule à Bones qui n'y comprend pas plus que moi. C'est quoi ces histoires encore? L'enfant de qui? De... lui?
Non. C'est une vanne. Une énorme blague.
L'univers se fout de ma gueule, c'est pas possible. D'abord Mothika. Et ensuite... Ça?
Non. Nope. Nada. Je refuse.

"Vous devez faire erreur," je croise les bras, bravache, un brin revêche. "Je ne suis l'enfant de personne, je..."
"Oh, mais tout le monde est l'enfant de quelqu'un, Valère..." Sussure-t-il, se rapprochant encore. Et me voilà de nouveau figé, incapable de résister, de bouger. "Tu viens bien de quelque part, n'est-ce pas? De quelqu'un?..." Son visage de chasseur est presque tendre à présent quand son doigt froid parcourt de nouveau ma peau, mes clavicules.
"Mais..." J'arrive à articuler, malgré l'engourdissement de mes membres. "Comment... Pourqu..."

"Shhht..." Me dit-il, avec une infinie douceur qui semble étrangère à son corps conçu pour le meutre. "Je sais que tu as tout oublié... J'aurais dû être là, j'aurais dû te former mais maintenant, c'est fini."
Délicatement, il pose les doigts de ses deux mains sur mes tempes.
"Reviens moi, mon enfant," murmure-t-il, "souviens-toi."

C'est comme si deux aiguilles acérées s'enfonçaient dans mon crâne, transperçaient peau et os pour s'enfoncer directement dans mon esprit.
J'ai mal. Je voudrais hurler. Je ne peux pas hurler.
Et c'est le trou noir.



(aaaaaalalalah. Seraph. Ce Red Flag ultime...) 


MOTHIKA - Âmes-Soeurs Nocturnes (BoyxBoy)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant