Chapitre 12 : Encore lui...

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(Bon, on va pas s'le cacher, c'est le moment humiliant pour notre Valère national.) 


 "Toi..." J'en crois pas mes yeux.
Quand je disais que les emmerdes volent en escadrilles, je plaisantait pas.
Il me regarde, sans m'approcher, l'air mal embouché. Et ça me courre sur le poil, surtout vu ma situation, le train à l'air, et tout... Mais curieusement, la seule chose que j'arrive à dire d'autre c'est...
"Tu l'as tué?"
Je regarde mon infortuné amant d'un soir, écrasé la truffe la première sur la banquette douteuse.
"Non."
Sans son masque, sa voix est ronde, chaude, même à travers les basses violentes de la musique. Je ne devrais pas frissonner. Mais, eh. On ne se refait pas.
"Si, tu l'as tué." Parce que le mec n'a même pas l'air de respirer. Je n'aime pas ça.
Mon assassin fronce légèrement les sourcils.

Bordel de diable, qu'il est beau. J'ai l'impression de creuser ma tombe rien qu'à le regarder. Les vamps sont tous connus pour leur démentielle plastique, mais lui, il a touché le ticket d'or de la loterie génétique, c'est pas possible.
Ses yeux roses sont légèrement en amande, sa peau est couleur marbre pur, plus pâle encore que sa chemise ajustée, proprement rangée dans un pantalon de costume soulignant sa taille cintrée.
Et toutes mes saletés de sens se tendent vers lui, je m'en sens d'autant plus humilié.
Je hais mes congénères, bon sang je les hais, je les...

"Non, je ne l'ai pas tué," répète-t-il, avec plus de force, toujours borderline furieux. "Au mieux, il aura une épaule démise, il s'en remettra."
"C'est une manie chez toi, donc," je grince, sans réfléchir. "De défoncer les articulations des gens?"
"Plaît-îl?"
Oh bon sang. Ce parler de vieux schnock propre à l'espèce des préposés aux cercueils supplément naphtaline. Tuez-moi. Et je ne peux pas m'empêcher de le singer.
"Gnugnu plé-til?"

Il a une seconde d'incrédulité face à cette réaction. Immédiatement remplacée par un regard assassin qui devrait signer la débandade totale de toutes les parties de mon anatomie encore trop stimulées pour se rendre compte du danger. Mais non. Au contraire. Qu'est-ce qui va pas chez moi?
Béni soit mon T-shirt trop grand de camoufler (mal) ce qu'il reste de ma modestie.
J'ai déjà largement flirté avec des situations plus qu'ubuesque mais là on a dépassé les limites du craignos depuis bien longtemps.
Quand il claque furieusement sa main à côté de ma tête, je maudis la part inconsciente de mon pauvre cerveau reptilien qui ronronne d'aise. Presque autant que je conchie la façon dont ma marque me pousse vers lui.
Je plante mes griffes dans le mur. Ne. Pas. Bouger.

"Je répète," gronde-t-il, beaucoup trop près de mon visage. "Qu'est-ce que tu fiches?"
Quoi? Il est choqué de me trouver ici? C'est quoi son problème?
Heureusement, l'autre partie de mon cerveau, la partie consciente, redémarre sous l'effet de la menace.
"Non mais il veut quoi le lapin albinos, là! T'es venu finir le travail, c'est ça? T'avais pas un autre moment pour me les briser?"
Et sans attendre, je lui envoie mon pied (celui auquel ne pend pas ma jambe de pantalon) au niveau de l'estomac.

Bien évidemment, il m'évite, je ne le frôle même pas d'un centimètre, mais cela aura au moins eu l'avantage de l'éloigner. Sa présence m'étouffe, me prend à la gorge, au ventre, au...
Furieux, j'essaie de le repousser encore plus loin.
"Mais, qu'est-ce que tu... Arrête!"
Il semble excédé par mes tentatives de lui caler un coup de talon au derche, mais je ne me laisserai pas avoir comme un débutant encore une fois, je sors mes griffes... Vise son visage.
Blam! Derechef.

Me revoilà contre le mur.
Mes poignets dans la cage solide d'une de ses mains, son genou appuyant dans mon ventre, m'empêchant de me débattre. Je n'ai pas eu une chance. Pas le moindre soupçon de bout d'espoir de m'en sortir.
Et il me détaille. Bien trop proche. Sa respiration frôlant ma face.

C'est lui, n'est-ce pas? Mon assassin. Lui à cause de qui je vais crever pour sauver ceux que j'aime, et lui que je vais emporter avec moi dans la poussière de l'oubli, si je le peux...
Je maudis sa présence, maudis le sort de l'avoir posé sur mon chemin.
Et je maudis encore plus la marque sur ma poitrine de se retrouver si soulagée du simple contact de sa peau contre la mienne, de son corps si proche...
Je ne sais pas ce qu'il cherche, à toute force, sur le canevas de mes traits. Il est fâché? Il est déçu? Bah tiens, tu m'étonnes... J'ai pas son standing.

"Valère."
Oh par tous les... Mon nom, prononcé par cette voix? ... Pitié, tuez-moi. Maintenant.
"C'est bien moi, Bunny," je lui envoie le sourire le plus agaçant de mon répertoire de sac à merde. "Et qu'est-ce que me veux? T'as pas l'impression d'avoir dérangé un truc?"
"Bu... Comment est-ce que tu m'as appelé?"
Une lueur d'affront se mêle à la surprise dans ses yeux.
"T'as les iris roses comme un lapin albinos, Bunny," j'explique. Un peu trop content de le voir froncer ses parfaits sourcils blancs, aussi blanc que ses longs cheveux qui lui frôlent la faille.

"Peu importe..." Il se reprend bien, je lui accorde. "Tu es suivi."
"Par toi? Sans dec'."
Ce serait risible si je ne sentais pas mon corps se détendre un peu grâce à sa présence. Et honnêtement, j'aimerais bien me rhabiller, s'il ne me tue pas tout de suite. C'est gênant, à force.
"Non. Pas par moi. Et d'ailleurs ce n'est même pas toi que je cherchais, ce soir. J'ai de bien plus gros poissons à ferrer."
"Une nouvelle victime?"

J'essaie de faire refluer la vague inattendue de déception qui m'assaille. Bien sûr que je ne voulais pas qu'il me trouve. Je ne veux rien avoir à faire avec lui.
"Arrêtes avec ça," qu'il me lance. "Et tu ferais bien de faire attention à ton environnement, à l'avenir."
"De quoi j'me mêle?"

MOTHIKA - Âmes-Soeurs Nocturnes (BoyxBoy)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant