Chapitre 38 : Brisée

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Je ne sais pas depuis combien de temps le papillon est parti, mais ça fait longtemps. Il aurait déjà dû revenir avec des renforts... Je ne sais pas combien de temps je vais tenir. Je sens chaque vision m'ébranler un peu plus, changer ma perception de la réalité. La douleur ne me quitte pas, c'est insupportable. Je ne vais pas tarder à me briser, je le sens.

J'arrive à me soigner un peu avec mon collier, mais ça m'épuise, mes blessures sont trop graves. Muzan envoie régulièrement des démons qui prennent l'apparence des filles du domaine et des piliers. J'ai du mal à distinguer les visions de la réalité. Surtout qu'il y a de son sang dans mes veines. Il peut le transformer en douleur pure, y faire passer des visions et même me parler, parfois.

La porte s'ouvrit et Muzan entra.

- Bien le bonjour, ma chère Shinobu ! Alors, commences-tu à devenir raisonnable ?

- Plutôt mourir ! je crache hargneusement.

Il rit.

- Ce n'est pas au programme ! Mon sang te maintiendra en vie. Tu vas me rendre résistant au soleil et je ferai de toi une démone dévouée ou une démone folle, mais soumise selon ton choix. Doma t'a t-il montré une vision où, transformée en démone, tu terrassais tous tes proches ?

Oui, je m'en souviens bien. C'est l'une des visions qui continue de flotter devant mes yeux, qui ne me quitte jamais même lorsque je suis inconsciente.

Muzan prend mon silence pour une réponse et sourit :

- C'est aujourd'hui ta dernière chance avant de sombrer dans la folie. Alors, acceptes-tu de me rendre résistant au soleil ?

J'hésite. Et si je...

Je ferme les yeux. Je ne peux pas trahir les miens. Mais si je conserve ma raison, je pourrais les aider... Tout se bouscule dans ma tête. Il faut que je prenne une décision, et vite.

Je rouvre les yeux.

- C'est d'accord. Détache moi et je te rendrais résistant au soleil.

Ma voix ne tremble pas.

- Et qu'est-ce qui t'a fait changer d'avis ?

- J'en ai marre de souffrir parce que je suis l'élue de quelque chose que je ne comprends même pas. Et puis, qu'est ce que ça va changer d'être ou non résistant au soleil !

- Très bien, si tu le souhaites.

Il s'approche de moi et je frissonne quand il détache mes entraves. Je me lève en m'appuyant sur le mur. Mes jambes flageollent un peu, mais ça ira. Je me prépare mentalement, ça va le faire. 

Brusquement, je dégaine mon arme secrète, contenue dans mon collier lune et me précipite vers Muzan en criant :

- Souffle de la Destinée, premier mouvement, Lune de cristal ascendante !

Soudain, je sens mon sang s'enflammer. Je laisse échapper un long cri de douleur avant de m'effondrer par terre, terrassée. Je sens ma cible au dessus de moi.

- Tu peux faire mieux, ta ruse était grotesque.

La douleur est insoutenable. Je me tord sur le sol, secouée de spasmes. Je ne sens plus que la douleur, je suis la douleur. Ma vision se brouille sous l'effet de mes larmes. Mes ongles griffent le parquet. Je sombre dans un état proche de l'inconscience.

Enfin, la douleur cesse. J'ouvre les yeux, Muzan est toujours là, au dessus de moi. Il a un couteau à la main. Il m'attrape par le col et me soulève sans peine avant de me plaquer violemment contre le mur le plus proche. Je sens mes côtes craquer. Le choc me coupe le souffle. Muzan me maintien ainsi un certain temps, avant de commencer son carnage.

Le couteau s'enfonça doucement dans mon bras droit. Si délicatement que ç'aurait été agréable si ça n'avait pas été aussi douloureux. Muzan fit remonter la lame jusqu'à mon épaule, avec une lenteur délibérée. Je serre les dents. J'ai mal aux côtes, la plaie me fait mal, mais ça reste supportable.

Alors Muzan retira le couteau et commença à le passer sur ma peau autour. Puis il l'arracha tranquillement avec la lame. C'est horriblement douloureux, mais je tiens bon, je ne suis pas au bout de mes ressources. Il continue comme ça jusqu'à ce que tout mon bras soit en sang et qu'il ne reste plus un parcelle de peau intacte dessus. Je serre les dents. J'ai des élancements qui remontent jusqu'à ma tête, mais je me force à rester calme. 

Muzan me fixe quelques instants, puis enfonce le couteau dans ma bouche et déchiquète mon palais. Des larmes coulent de mes yeux alors que le sang emplit ma bouche et que la douleur devient insupportable. C'est un véritable carnage, je sens des morceaux de chaire se détacher. Ma main gauche attrape la main de Muzan et le force à retirer le couteau de ma bouche.

Le démon me laisse alors brutalement chuter par terre. Mes côtes craquent de plus belle. Je crache beaucoup de sang et j'ai du mal à bouger mon bras droit. Muzan s'accroupit et plonge ses griffes dans mes lèvres. Je serre le poing pour m'empêcher de hurler. Puis il retire brusquement sa main et je pousse un cri de douleur. Mes lèvres sont en lambeaux sanguinolents.

C'est alors que je sens mon sang se transformer en acide brûlant qui ronge ma peau. Je me tortille par terre, crachant du sang, haletant de douleur, pleurant de désespoir. La souffrance est insoutenable, je ne peux plus réfléchir, je veux juste mourir. Je suis sur le point de craquer. Je n'arrive plus à résister. La douleur m'emporte et me martèle si fort que j'en ai le souffle coupé. Je m'arrache les ongles à force de griffer le sol, ils sont en sang.

Peu à peu, mes forces m'abandonnent. La douleur se fait plus lointaine. Il ne suffit que d'un coup, un seul pour que je perde la raison. Un seul coup...

Une griffure au visage. Je crie. Mon œil est en sang. C'est fini. Ma conscience s'effrite, part en fumée, sombre dans un océan de douleur et de visions où la réalité n'est qu'un mirage.

Je me suis battue autant que possible, mais c'est fini, je suis brisée.


Sous le masque_ En pauseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant