Chapitre 1

1.3K 22 38
                                    



Des tas de feuilles pliées jonchaient le sol, la cravate du premier Ministre avait également valsé tellement il se sentait à l'étroit dans son costume, la carafe d'eau était renversée sur le bureau, bref, un vrai carnage. Gabriel Attal avait passé beaucoup trop de temps dans son bureau à Matignon, dépassé par la suite des événements. Il en avait même oublié ses habitudes psychorigides, c'était pour dire.

Le débat approchait à grand pas, perturbant Attal un peu plus chaque minute qui passait. C'était son ultime chance de passer devant Jordan Bardella, sa seule et unique. Il devait bien avouer que son opposant avait pris une envolée spectaculaire, ces dernières temps. Lui, par contre s'était plutôt magnifiquement vautré. Représentant d'un parti dont les français ne voulaient plus, il se battait corps et âme pour abréger l'étoile montante du parti opposé. Ahhh, mais que voulez vous donc faire face à la beauté de la jeunesse !

Trois coups résonnèrent, synonymes d'une bouffée d'air frais dans cette pièce qui n'avait plus été aérée depuis bien trop longtemps :
  -Entrez ! ordonna Gabriel d'une voix forte en relevant la tête.

Dans l'entre bâillement de la porte se glissa Valérie, sa plus chère amie mais également son bras droit :
  -Euh, je dérange ?
  -Non, non, du tout. J'ai toujours besoin de ton aide, Valérie, déclara Gabriel Attal en souriant.

La femme s'approcha en essayant de ne pas marcher sur le papier et les autres débris mais c'était peine perdue.
  -Il semblerait que Jordan Bardella adoptera une nouvelle stratégie pour le débat Gabriel.
  -En es-tu certaine ? demanda le premier Ministre, en proie à l'angoisse qui pointait son nez dans ses entrailles.
  -Pas vraiment...

Gabriel prit une grande inspiration et balança sa tête dans ses mains avant de répondre un peu trop froidement :
  -Je ne te retiens pas, Valérie.

Depuis quelques temps maintenant, la pression était devenue trop forte. Il adorait son rôle, mais pas tout ce qui allait avec. De nature sensible et intrépide, Gabriel assez insouciant dans ses débuts pensait pouvoir passer au dessus de tout ça, que la passion allait obligatoirement l'emporter face à l'aigreur de ce monde. Il s'était bien planté. La fatigue le condamnait un peu plus chaque jour, ses cernes étaient tellement présentes qu'elles avaient virées au violet, maintenant ; et c'était tellement habituel que plus personne ne lui faisait remarquer.

Ses réflexions étaient altérées par la fatigue et l'odeur du café qui lui agressait le nez chaque matin trop tôt au réveil. Il était à présent condamné par sa propre volonté d'agir, portant sur ses épaules le poids d'une vocation inée, mais était incapable d'en assumer les retombées. Pauvre Gabriel, le monde n'est pas tout rose, tu sais ?

Attal ne savait plus où donner de la tête, à présent. Il avait tellement étudié son concurrent ces derniers temps qu'apprendre que ses efforts ne serviraient potentiellement à rien venait de l'anéantir. Il devait prévoir plusieurs options, plusieurs échappatoires face à Jordan qui n'allait pas lui laisser un seul moment d'hésitation. Tout se retournait contre lui vendredi soir. Tout. Il était bien conscient de l'enjeu et donc des coups bas qui allaient se dérouler. Si le moment présent était costaud, le pire reste encore à venir...

Il se sentit alors piégé et dépassé par son métier. L'ironie du sort.

Gabriel avait pourtant l'habitude de cette pression. Dans son enfance, bien avant que la passion de la politique ne pointe le bout de son nez, il avait subit un peu plus chaque jour le poids de la souffrance.

Insultes, injures, menaces, Attal était un enfant harcelé qui avait passé des heures atroces emmitouflé dans ses draps en se demandant pourquoi lui. Il n'en avait parlé à personne, même pas à ses parents. Il avait peur de les décevoir, que son comming out ne soit pas accepté, que ses plus gros repères le rejettent. Il ne voulait pas prendre ce risque dans ce moment de sa vie.

Au delà de la politique Où les histoires vivent. Découvrez maintenant