chapitre 3

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"L'âme peut parler avec les yeux, et embrasser avec le regard "

Des bruits venant du rez-de-chaussée me tirent de mon sommeil. Après quelques secondes, je comprends que Malia et son petit ami sont arrivés. Je me lève à la hâte, enfile un T-shirt et un short qui traîne à terre. Il faut vraiment que je pense à ranger tout mon bazar. Bref, on verra plus tard.

Quand je descends, une subtile odeur de caféine émane de la cuisine et envahit mes narines. À peine mis le pied dans la pièce qu'arrive comme un boulet de canon un petit bout de femme qui me saute au coup. Je l'enlace de mes bras et m'enveloppe de son parfum à la noix de coco. C'est toujours la même odeur, c'est rassurant, réconfortant.

- Tu m'as manqué, Frangin !

- Apparemment pas assez pour que tu ne me mettes pas au courant au cours des six derniers que tu avais un mec, alors que tu venais un week-end par mois.

Ma petite sœur se défait de notre étreinte et me toise d'un regard contrarié. Elle ouvre la bouche puis la referme sans sortir un mot. Je vois ses yeux commencer à s'humidifier et je me rends compte que je suis peut-être allé un peu loin.

- Hey, je rigole, petite sœur, ok, on a tous nos jardins secrets et je comprends que tu aies voulu attendre, rattrapai-je du mieux que je peux.

Son corps se détend automatiquement. Quel con je suis parfois.

- Nathan, Il faut vraiment que tu revoies ton sens de l'humour, ce n'est pas ça, beugle-t-elle en me donnant un coup de coude dans les côtes.

Je fais mine d'avoir mal. Elle rigole et je sais à ce moment-là que j'ai bien retrouvé Malia et qu'elle n'est pas blessée par ma remarque. Ça ne sert à rien de lui dire qu'au fond, son silence m'a en quelque sorte affecté. Je sais très bien le pourquoi du comment et, encore une fois, je constate qu'elle a préféré se taire afin de me faire passer en premier, alors que ça devrait être l'inverse. En tout cas, elle sent le bonheur et ça, c'est magnifique à voir. J'ai l'impression de ne pas l'avoir vu grandir cette année, et pourtant elle s'est embellie. Elle me fait penser de plus en plus à Peyton Sawyer de One Tree Hill, je lui ai toujours fait remarquer qu'elle avait une ressemblance avec, et je le confirme encore avec son visage angélique, son air sauvage, ses bouclettes blondes qui tombent en cascade sur ses épaules.

Quand je reviens à moi, je remarque qu'il manque quelqu'un à l'appel.

- Hey, dis-moi où est ton prince charmant ?

- Ah Diego ! Il est dans le jardin ; il avait un coup de téléphone à passer. J'ai tellement hâte que tu le rencontres. Je pense que vous allez bien vous entendre tous les deux, après tout, vous n'avez que deux ans de différence.

- En tout cas, il m'a fait bonne impression, ce petit, renchérit mon père.

- Tu vois, il a déjà Papa dans la poche, s'extasie-t-elle.

- Oui, peut-être, mais pas encore moi.

- S'il te plait, ne joue pas au frère relou ; c'est tout ce que je te demande. Je lui ai dit que tu étais cool, alors cultive cette image s'il te plait.

- Tu sais, ce n'est pas beau de mentir, Frangine, lui réponds-je sur le ton de la rigolade.

Ma mère éclate de rire et pose une assiette de pancakes au centre de la table en bois.

- Ah, c'est tellement bon de retrouver mes deux enfants, ensemble, pour ses prochaines semaines.

Quand d'un coup, un raclement de gorge nous provient de derrière, je me retourne pour tomber sur un beau jeune homme, un peu trop canon d'ailleurs. Je me mets à l'observer avec intérêt, je ne l'imaginais pas du tout comme ça, il paraît plus brut. Je continue mon observation constatant que lui et moi avons pratiquement la même taille, une peau basanée aux éclats dorés, des cheveux en bataille de la même teinte que le pelage d'un corbeau, ce qui lui donne un air un peu sauvage. Et des yeux d'un sombre comme le néant que j'ai envie d'aller m'y plonger pour découvrir ce qui s'y cache derrière. On dit qu'ils sont le reflet de l'âme, et à cet instant, je peux y lire ses écorchures. Je le sens, c'est comme ça.

Dis-moi, toi aussi, tu en as bavé ?

Ce gars dégage une aura mystérieuse qui me laisse déconcerté. Je comprends tout de suite pourquoi il a attiré ma sœur.

Il me regarde intensément et je sens un coup de pied venant de droite, c'est alors que je me rends compte que je me suis un peu trop attardé à le dévisager. Super, il va me prendre pour un psychopathe. Je suppose que ma sœur a dû lui dire que je suis gay, j'espère qu'il ne va pas se faire de fausses idées. Mon cœur appartient à un spectre ! Pathétique comme situation.

-Salut, dis-je en lui tendant la main qu'il me rend.

Au moment où nos paumes se touchent, je crois sentir comme une sorte de frisson, ce qui me pousse à me dégager rapidement de sa poigne.

- Du coup, j'imagine que tu es le grand frère ! ajoute-il en enfournant ses mains dans ses poches.

- Bien vu, Sherlock !

- Sérieux, qui dit encore ça ? Coupe ma sœur. Il va vraiment falloir que tu sortes de cette bourgade, Nathan. Bon ce n'est pas le tout mais j'ai faim, on se les dévorent ses pancakes. Depuis cinq minutes, ils m'appellent.

Nous nous installons dans la bonne humeur, commençons à discuter de tout et de rien, ce qui nous emmène rapidement à midi. Diego, qui semblait un peu tendu au début, paraît plus à l'aise et, pour dire, mon père et lui se racontent même des blagues. Une vision qui me rend nostalgique, dont je sens les larmes me menacer de déborder. Cette situation me fait penser à Brian qui était très complice avec mon père. En même temps, vu le géniteur qu'il avait, le mien était comme une figure pour lui.

- Bon, il faut que j'aille chez Will chercher la viande que j'ai commandée pour le barbecue de ce midi, se lève ma mère en commençant à débarrasser les mugs qui s'y trouvent dessus.

Et moi, je vois ça comme une occasion de m'aérer la tête, oui, il faut que je sorte avant que je craque. Je me suis promis de ne plus pleurer, et pourtant, là, je suis à deux doigts de foirer cette promesse.

- Au pire, j'y vais à ta place, maman, comme ça, au passage, je remets de l'essence dans ma voiture.

- Tu es sûr, mon chéri, ça ne me dérange pas d'y aller.

- Maman, je t'ai dit que je vais le faire, dis-je sur un ton un peu plus dur que je le voulais.

Ma mère me regarde bizarrement mais ne relève pas, la présence de Diego doit la freiner et en ce moment, je remercie mentalement le gars de ma sœur d'empêcher une vague de questions qu'elle pourrait me poser.

- OK, je te donne l'argent de suite, capitule-t-elle.

Elle sort son porte-monnaie et me tend quelques billets.

- Ça devrait suffire.

Je les prends et les enfile dans la poche arrière de mon short en jeans. Puis tourne les talons afin de m'éloigner le plus vite possible.

- Ah et tu peux aussi prendre deux, trois paquets de chips, je viens de penser que j'ai oublié d'en acheter.

- Pas de problème, maman, je me dépêche.

Et je quitte la pièce en trombe, mais je sens que l'ambiance s'est alourdie. C'est une fois installé sur le siège de mon 4 x4 que je crache l'air qui s'était coincé depuis plusieurs minutes. J'ai envie de hurler, alors à la place, j'enclenche la musique et pose ma tête en arrière contre le siège et laisse les notes de System of the Down résonner dans l'habitacle.

Et il y a eu Lui (MxM)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant