Chapitre 17

173 16 0
                                    

Assis au bord de cette rivière, le soleil planté au-dessus, les pieds dans l'eau froide, Diego et moi nous nous laissons bercer par le calme des environs, le regard scrutant l'horizon. Dans dix jours, il retourne à Port Angeles et je dois dire que ça commence à me mettre mal. Déjà, d'un, j'ai l'impression de ne pas avoir assez profité, mais surtout, je vois bien qu'il est froid avec ma petite sœur, même si elle nous montre le contraire. Sauf que je la connais par cœur, je sais que ça la blesse et encore une fois, c'est ma faute. Le pire, c'est qu'il ne fait pas semblant et montre ouvertement préférer passer du temps à mes côtés. Dès que je suis au café, il s'y présente, il m'accompagne à chacune de mes petites sorties furtives, il me rejoint au beau milieu de la nuit, quand la maison est paisible, parlant de tout et de rien. Et plus j'apprends à le connaitre, plus mon cœur gonfle pour lui. Je devrais lui en vouloir, lui dire qu'il a interdiction de la faire souffrir, tout simplement jouer mon rôle de grand frère protecteur. Pourtant, je ne peux que le comprendre, quand je suis face à elle, je n'arrête pas de penser à ce coup de couteaux que nous lui plantons. Elle est si douce, si bienveillante, comment je peux lui infliger ça. Nous accumulons les mensonges et c'est d'un pathétique.

Puis, je me dis que ce fut quelque chose que je n'ai pas contrôlé, la situation nous a échappé autant à lui qu'à moi. Le cœur a effectué son travail et je me suis retrouvé impuissant face à lui, pourtant j'ai essayé d'occulter cette attirance. Malgré tout, je connais l'inévitable fin de cette passion éphémère : on ne va pas pouvoir continuer à se fréquenter. Pourtant, je serais seulement qu'à une heure de là où il se trouve. La parenthèse d'un été, voilà ce que sait, à la suite de ces quelques jours restants, nous devrons continuer comme s'il ne s'était rien passé. C'est le mieux que l'on puisse faire, autant pour lui, pour moi, que pour Malia. Alors pourquoi j'ai cette boule dans la gorge ? Le retour à la réalité risque d'être rude. Qui aurait cru qu'il y a encore quelques semaines, dans cette ville où je suis née, où j'ai grandi, je puisse de nouveau connaître quelque chose de passionnel après tout ce qui s'est déroulé. Je pensais que je ne pourrais jamais une nouvelle fois goûter à ce sentiment, de vouloir être avec l'autre en permanence, de le toucher, le sentir. Il y a des choses qu'on ne peut pas contrôler et cette attraction, j'aurais voulu qu'elle ne se passe jamais. S'il n'avait pas été le copain de ma sœur, tout aurait été différent. Mais au lieu de ça, une histoire troublante et inattendue a commencé... Il ne devait être que l'homme de ma tendre sœur ; mais il est devenu cette sorte d'interdit.

J'ai annoncé à Aaron quand il est revenu de ses congés ce qui s'était passé ce soir-là entre Diego et moi. Même si c'est lui qui m'a dit de profiter, je m'attendais à ce qu'il me lance une pique cinglante. Mais au lieu d'une réponse orale, j'ai eu le droit à une poignée sur mon épaule et à une embrassade sur la tempe. Par ses gestes, il m'a fait comprendre qu'il était de mon côté, qu'il n'émettra aucun jugement. Rien que pour ça je l'ai remercié.

Diego se met à bouger, me sortant de mes songes. Il hôte son débardeur pour se retrouver torse nu, puis vient caler sa tête sur mes cuisses. Instinctivement, mes doigts se faufilent dans ce noir corbeau, tirant légèrement dessus. A l'heure d'aujourd'hui, je pourrais écrire un poème rien que pour lui, dont je le nommerais "Le souffle du désir", il nous correspond tellement bien. Ce désir comme une braise ardente qui est venu consumer mon âme tourmentée, m'enflammer. Voilà ce que cet homme m'a fait et, plus on avance, plus je sens que je deviens obsédé par son essence.

—Tu commences à quelle heure ? Me demande-t-il en extirpant son paquet de la poche de son short de sport.

Il a prétexté à tout le monde vouloir venir m'accompagner pour mon footing matinal. Finalement, au bout d'une trentaine de minutes, nous nous sommes installés au bord de la rivière. Depuis quelque temps, je me suis rendu compte que je ne viens pas avec mon fameux carnet et je me sens plutôt bien avec cette idée-là.

—D'ici une heure... On devrait ne pas tarder à rentrer.

—Hum... hum. Une fois que j'aurais fini. Continue tes gratouilles dans ma tignasse, j'adore !

Il allume sa clope et laisse échapper la fumée. D'ordinaire, je déteste ça, mais avec lui, tout a une autre saveur.

—Tu sais, il faudrait que l'on aborde le sujet...

Il soupire.

—Toi, tu aimes parler des choses qui fâchent dès le matin, réplique-t-il en continuant de vapoter.

Je décide de laisser tomber ce que je faisais dans ses cheveux.

—Il ne nous reste que quelques jours...

—Je sais... Profitons juste, tu ne crois pas ?

—Tu as raison...

Il se redresse et vient plaquer son dos contre mon torse, chope ma main pour la placer sur son ventre. Je dépose un baiser sur son épaule. Automatiquement, il rejette sa tête en arrière, me laissant libre accès à son cou. Je le mordille, le suce en faisant attention à ne pas laisser de trace. Lentement, avec ma main droite, je commence à parcourir du bout de mes doigts sa peau hâlée, en premier lieu ses pectoraux, puis ses abdos qu'il contracte à mon toucher, dont je peux apercevoir que ça lui fait de l'effet au niveau de son short. Au fur et à mesure sa respiration se fait plus rapide, laissant consumer sa cigarette entre les doigts.

—Toi, tu sais chauffer !

—Tu veux que j'arrête.

—Surtout pas !

Je continue donc mon exploration en frôlant sa ligne de poils en dessous du nombril. Mais, comprenant ce que je suis en train de faire et me rappelant de l'endroit où je suis, je m'arrête net.

—Pourquoi tu t'arrêtes ?

—Je ne peux pas, pas ici, désolé.

—C'est vrai, j'avais oublié, s'agace-t-il d'un coup, votre endroit.

—Ne le prends pas mal, s'il te plait.

Il se retourne, enfournant la fin de son mégot dans son paquet de Malboro et fait face à mon visage.

—Je comprends... du moins j'essaye de le faire. Mais sache que je ne t'obligerai à rien d'accord.

—OK, lançai-je dans un murmure.

—Viens-la !

Il prend mon menton entre ses doigts et y dépose un baiser. Et de nouveau, je me sens enveloppé par cette chaleur réconfortante. Au bout de plusieurs secondes, il met fin à son action et se décale, mais je l'attrape fermement par la nuque, déposant plus sauvagement mes lèvres sur les siennes.

Je suis vivant, je vis.

C'est tout ce qui compte.

Avance.

Pendant des mois, j'ai pensé que ma vie était une liste de fautes d'impression d'un livre. C'était douloureux de penser à lui, Bryan, mon premier amour, il m'aimait si bien, je l'aimais tellement fort. Mais ses derniers jours m'ont fait comprendre que j'ai été dépendant de lui pendant si longtemps, le faisant passer en priorité en permanence et m'oubliant en chemin. Aujourd'hui, j'ai envie de croire que je vaux plus qu'être qu'un simple serveur dans un café. Pour la première fois, j'imagine un avenir ailleurs que dans cette bourgade qui m'a vu naître. J'ai peut-être mis un terme à mes études pensant que je n'avais plus le droit de les pratiquer. Mais me voilà, aspirant à rencontrer de nouvelles personnes, à explorer d'autres horizons. Le monde est si vaste, j'ai tellement encore à vivre et je n'ai pas envie de me dire dans vingt ans : « Si j'avais su... » Non, je ne veux pas me l'entendre regretter. Cette envie que je pensais avoir perdue, n'était finalement pas si éloignée, juste tamiser quelque part dans un coin de ma mémoire. Dans un mois, l'été cédera sa place à l'automne. On dit souvent que c'est le symbole de la transformation, peut-être que ça sera aussi le mien aussi.

Et il y a eu Lui (MxM)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant