Chapitre 34

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Point de vue Keir

La vie à Seguin ne m'a jamais paru si... différente.

À chacun de mes réveils, je retrouve le plafond de ma chambre. En sortant, je traverse le couloir de ma maison. Je petit-déjeune dans ma cuisine. Puis, une fois prêt, je rejoins la maison de mes parents, avant d'aller voir le club.

J'ai vécu ça pendant des années, mais pourquoi quelque chose semble manquer ?

Ce matin ne déroge pas. La sensation persiste, toujours plus lancinante, toujours plus forte. Je marche dans la rue après avoir garé ma moto et m'arrête devant un café où je croise plusieurs membres du club.

En quelques jours, tout le monde s'est habitué à m'appeler « sergent », comme si ce titre était véritablement le mien.

Comme si je le méritais.

Alors que je n'en suis pas sûr.

— Keir ?

Je tourne la tête vers la voix et sens tout mon corps se tendre. J'écarquille légèrement les yeux, avant de me ressaisir, et desserre les poings.

— Ady.

Adelyn Walsh ressemble trait pour trait à sa fille. C'est si douloureux que je ne peux bientôt plus supporter sa vision alors qu'elle esquisse un sourire en avançant vers moi.

— J'ai entendu parler de ton retour, mais je n'étais pas sûre que ce soit vrai... Comment vas-tu ?

Lorsqu'elle s'avance, je dois contrôler mon corps pour ne pas fuir. J'arrête de respirer lorsqu'elle enroule ses bras autour de moi pour éviter de sentir son parfum.

Mon cœur saigne dans ma poitrine alors qu'elle sent la tension dans mon corps et s'écarte.

— Oh, excuse-moi...

Elle caresse malgré tout ma joue, comme si je n'étais encore qu'un enfant. Adelyn m'a vu grandir, comme une troisième mère. Ma mère, celle de Niles et Adelyn ont toujours été mes figures maternelles.

Aujourd'hui, les choses ont changé.

Depuis que j'ai vu sa fille mourir dans mes bras.

— Alors, tu es revenu ?

Je me ressaisis le temps de secouer la tête et me racler la gorge.

— Non, je ne suis que de passage. Je suis arrivé il y a une semaine, mais je ne compte pas rester.

— Ah, oui ? D'accord. Alors... est-ce que tu as le temps pour boire un café ?

Je devrais refuser catégoriquement, parce que chacun de mes regards brisent une nouvelle part de moi, mais je n'arrive pas à m'y résoudre. Lentement, je hoche la tête et découvre un sourire sur son visage.

La dernière fois que je l'avais vu, c'était à l'enterrement d'Olivia, alors qu'elle avait le teint pâle et le regard vide. Celui d'une mère perdant sa fille unique. Celui d'une mère perdant son enfant.

Aujourd'hui, après trois mois, elle parait avoir repris goût à la vie. Pourtant, alors qu'elle recule d'un pas, je peux voir le poids qu'elle a perdu ainsi que les cernes sous ses yeux.

Malgré tout, elle me sourit.

— Tu viens ?

J'ai la sensation d'être retourné en enfance, alors que je la suis. Adelyn a cette faculté folle de me rappeler à un moment de ma vie que je préfère aujourd'hui oublier.

L'enfance, l'innocence, l'amitié... Lorsqu'Olivia était encore là et qu'elle allait bien.

Je ne suis assis que depuis une seconde qu'un serveur débarque pour prendre notre commande. Dès son départ, un malaise envahit notre petite table au fond du bar, mais elle se racle la gorge en posant ses mains devant moi. Elle semble chercher les miennes, que je garde obstinément sur mes cuisses.

Black Bikers, Tome 1 : La louve indomptéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant