FOLKORE NAE'S VERSION

Chapitre 19

"And when I break, it's in a million pieces."

Betty

Je rentre enfin chez moi après une longue journée de cours, le sac lourd sur mon épaule et la tête encore plus chargée de pensées qui se bousculent. Toute la journée, je n'ai pas pu me concentrer, pas vraiment. Chaque fois que j'essayais de suivre les explications du professeur ou de prendre des notes, mon esprit revenait inévitablement au journal d'Augustine. Il brûle presque dans mon sac, comme s'il avait une vie propre, me tirant irrésistiblement. Je l'ai emporté avec moi ce matin, sans vraiment réfléchir.

Je m'assieds sur le bord du lit, le journal posé devant moi. Je le fixe un long moment avant d'oser l'ouvrir. Je me sens coupable de lire ses écrits, si intimes, si personnels. Mais une partie de moi me pousse à continuer. Après tout, ce n'est pas comme si elle pouvait se douter que je l'ai en ma possession, personne à part Rebekah ne sait que je l'ai. Je lui rendrais subtilement une fois l'avoir lu, elle ne saura jamais qu'il a disparu.

Je prends une profonde inspiration et ouvre enfin le carnet. Le cœur battant, je passe rapidement sur les phrases que j'avais déjà lues avec Bekah. Ce carnet, avec ses pages noircies d'une écriture fine et serrée, me fascine autant qu'il m'effraie. Augustine y a mis tant d'elle-même, tant de ses pensées, de ses douleurs, que c'est comme si j'entrais par effraction dans son âme. Ces mots qu'elle a laissés sur le papier résonnent en moi, mais ils ne répondent pas à la question qui me hante depuis que j'ai trouvé ce carnet: qu'a-t-elle fait de si terrible? Je tourne la page avec une certaine appréhension, comme si ces quelques feuilles pouvaient exploser entre mes mains à tout moment. Je laisse mes yeux courir sur la page suivante, là, les phrases changent de ton. Augustine parle de quelqu'un d'autre, quelqu'un qu'elle semble aimer profondément. Mais ce n'est pas James, j'en suis sûre puisqu'en bas de la page il y a une date.

"Je n'aurais jamais dû le regarder de cette façon. Mais comment aurais-je pu résister? Ses yeux sont des abîmes dans lesquels je me perds, ses mots des flèches qui transpercent mon cœur. Il est tout ce que je ne devrais pas désirer, et pourtant, chaque fois qu'il entre dans la salle, mon souffle se coupe."

Donc si j'ai bien compris elle était amoureuse d'un garçon de sa classe? Je continue ma lecture, sans vraiment comprendre ce que je lis.

"Ses promesses murmurées dans l'obscurité étaient des chaînes dorées, enlaçant mon cœur avec une douceur et une douleur. J'ai cru que l'amour pouvait tout justifier, mais je n'ai pas vu que chaque mot volé à la nuit était une épine dans le cœur de ceux qui l'attendaient chez eux. Il est mon professeur, et je reste juste une fille parmi tant d'autres."

Je m'arrête une fois de plus, mes pensées s'embrouillent. Augustine n'était pas tombée amoureuse d'un élève de sa classe, mais de son professeur! Mon cœur se serre en lisant cette confession. Je ne sais pas ce qui me bouleverse le plus, le fait qu'elle ait nourri ces sentiments interdits ou la façon dont elle les exprime.

"Il m'a dit que j'étais spéciale, que j'étais différente des autres. Mais ce que je ne comprenais pas, c'est que pour être spéciale à ses yeux, j'ai dû effacer le bonheur de ceux qu'il aimait autrefois."

Je continue de lire son journal, absorbé par ses phrases poétiques toutes plus dérangeantes les unes que les autres.

"J'étais l'autre, celle qui attend dans l'ombre, et pour être aimée, j'ai détruit ce qui le tenait debout."

"Les mots ont des ailes, mais les miens sont faits d'épines. Je les ai libérés, espérant qu'ils voleraient vers lui, mais ils ont lacéré une âme innocente, laissant derrière eux un sillage de douleur. Les mensonges que j'ai tissés sont des chaînes invisibles, enserrant celle qui n'aurait jamais dû souffrir. Il m'a quitté, détruite, alors je lui ai enlever tout ce qu'il aimait."

Mais de qui parle-t-elle?

"J'étais prête à tout, et c'est exactement ce que j'ai fait: tout. Mais je ne pensais pas que cela irait aussi loin..."

Je m'arrête, le souffle court. L'idée que tout cela puisse être lié à son professeur, à cette obsession qu'elle a pour lui, me glace le sang. Augustine a franchi une ligne, et je redoute de comprendre jusqu'où elle est allée.

"La culpabilité est un monstre silencieux qui me dévore, un poison que je savoure, car je sais que je l'ai mérité. Tout à dégénéré tellement vite... J'ai détruit leurs vies."

Je referme le journal d'Augustine, le cœur battant, les mains tremblantes, incapable de lire une ligne de plus. Chaque mot que je viens de lire me laisse sans voix, comme si l'air s'était soudainement raréfié autour de moi. Je ne peux pas croire ce que j'ai découvert. Augustine...avec son professeur?

Bordel de merde.

L'idée me paraît à la fois invraisemblable et terrifiante, elle a détruit une famille, et pourtant, les phrases poétiques qu'elle a écrites ne laissent aucun doute. Tout est là, en noir sur blanc, caché sous des métaphores trop claires pour être mal comprises. Est-ce pour cela qu'elle a changé de lycée? Je regarde le journal avec horreur, Augustine a fait quelque chose de vraiment terrible juste par amour. Je me lève brusquement, parcourant ma chambre de long en large, essayant de calmer la tempête qui fait rage dans ma tête. Comment a-t-elle pu faire ça? Détruire une famille, s'immiscer dans une relation où elle n'avait pas sa place...

Stop. Je dois arrêter de réfléchir autant!

La nuit tombe doucement, tandis que le journal d'Augustine est posé sur mon bureau, à quelques pas de mon lit, attirant mon regard comme un aimant. Je devrais le ranger, oublier ce que j'ai lu, passer à autre chose. Mais quelque chose en moi refuse de lâcher prise. une petite voix, insistante, me pousse à continuer, à fouiller davantage dans ces pages pleines de secrets. Et si Augustine avait fait d'autres choses? Une part de moi sait que ce n'est pas bien, que ce sont ses pensées, ses secrets à elle. Mais la curiosité est plus forte, et l'envie de comprendre l'est encore plus...

***

Ce n'est que lorsque les premières lueurs de l'aube percent à travers mes rideaux que je referme enfin le journal, épuisée, les pensées en désordre. Ce que j'ai découvert est juste horr...

Je n'ai pas le temps de réfléchir davantage à ce que j'ai lu toute la nuit, un léger coup frappé à la porte me fait sursauter. Je me lève maladroitement et ouvre. James se tient là, dans l'encadrement, l'air plus hésitant que jamais. Ses yeux cherchent les miens, mais je détourne le regard, encore secouée par ce que j'ai découvert cette nuit dans le journal d'Augustine.

-James...qu'est ce que tu fiche ici?

-Je sais que ce n'est pas le meilleur moment, mais j'ai besoin de te parler. Commence-t-il, la voix basse, presque implorante. Un seul rendez-vous, accorde-moi un rendez-vous pour me laisser la chance de te reconquérir. Après ça, je te laisse tranquille.

Je reste silencieuse, le fixant avec une froideur que je ne me savais pas capable d'avoir en lui. Le James que j'avais l'habitude de connaître n'était pas celui qui se tient devant moi aujourd'hui, suppliant, vulnérable. D'un côté, une partie de moi veut l'envoyer promener, le chasser de ma vie pour de bon. Mais de l'autre... une petite voix en moi murmure qu'il faut que j'écoute ce qu'il a à me dire. Pas pour se faire pardonner, non, mais pour poser les choses à plat, sans mensonges ni faux semblants.

-Et si je refuse? Je demande finalement, croisant les bras sur ma poitrine pour masquer le tremblement de mes mains.

James passe une main nerveuse dans ses cheveux, un tic qu'il a quand il est vraiment anxieux.

-Je le comprendrais. Je le jure. Je te laisserais tranquille si c'est vraiment ce que tu veux. Mais Betty... s'il te plait, notre histoire mérite au moins un dernier rendez-vous.

-Je ne sais pas si...

-Demain, 19h. Sur le ponton. Me coupe James. J'y serai même si tu ne viens pas.

Je soupire, fatiguée par toute cette histoire, par tout ce poids que je porte depuis si longtemps. Après tout ce que j'ai découvert aujourd'hui, je ne suis pas sûre d'avoir la force de l'affronter. Surtout quand je me rappelle que James est un putain de menteur qui me trompe avec Augustine depuis plusieurs années...