III.

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Les deux journalistes annoncèrent la danse et l'ambiance de ce soir. Ils étaient à l'aube du 49.3, et espéraient, en vain, ne pas le voir se concrétiser. 

Elles laissèrent d'abord Eric Ciotti s'exprimer, donnant vaguement son avis. Positif dans l'ensemble, excusant la prise de la réforme derrière le ''il fallait le faire''.

Gabriel ne suivait que très peu, entendant que d'une fine oreille ce qu'il pouvait dire.

Car, il redoutait la prise de parole de l'homme à côté de lui. Arriverait-il à ne pas laisser ses expressions le trahir ? Son coeur s'emballait à l'idée d'entendre si clairement sa voix, qu'il avait le regard perdu sur Eric qui continuait sa tangente.

Puis, vint l'avis de Jordan.

Gabriel prit sa respiration, une grande respiration dès qu'il l'entendit prononcer le premier son. Il ne pouvait le regarder dans les yeux, alors il fixa ses mains, si expressives. 

Avant de vite se reprendre, de repenser au cadre, au lieu, au moment. Ce n'était pas le moment.

Mais, pourtant, même s'il se le répétait, il espérait tellement qu'il le fixe, qu'il lui sourisse, comme il y a des mois, durant leur énième débat.

Et pour autant, non, Jordan ne le fit pas. Pendant qu'il portait sa voix, donnait réponse, il ne rendait pas compte de la présence du trentenaire, il l'ignorait, du regard, du mouvement, des mains.

Et c'était douloureux. 

Gabriel gardait ses mains entrelacées, les serrant entre elles, discrètement. Parce qu'il ne pouvait pas craquer, ou s'en vouloir. C'était de sa faute. Tout cet espoir qu'il avait fait jaillir et qu'il avait ensuite détruit, c'était de sa faute.

Sa prise de parole semblait durer une éternité, il restait en apnée, attendant son heure, laissant Clémentine prendre la sienne.

Lorsque se fut son tour, il reprit sa posture, se crispant moins. Il savait qu'il devait faire le vide rapidement dans son esprit. Et il devait rendre des comptes.

Alors, il remercia, salua, et défendit les actions de leur première ministre. Mais, il entendit rapidement les voix de ses adversaires l'en empêcher, et c'était un comportement qu'il haïssait.

''Je ne vous ai pas interrompu, aucun d'entre vous.''

Il avait été ferme, il n'accepterait pas d'être coupé. 

Jordan souhaitait être professionnel, alors il le sera. Même si la situation le frustrait, même s'il se maudissait. 

Si c'était ce qu'il voulait pour ce soir, alors il pliera.

Il finit rapidement sa prise de parole, protégeant le manque d'empathie d'Elisabeth. Il savait ce qu'il avait à dire ensuite, il voyait souvent et généralement les français, il savait ce qu'il se passait derrière toute cette trame politique, l'envers du décor, et à quel point la situation était complexe pour le peuple.

Il se tourna vers Jordan, se sentant une force différente à cet instant.

Pour une fois, il n'attendait pas qu'il vienne vers lui. Il allait vers lui. 

''...Certains de vos électeurs, d'ailleurs, qui viennent dans ces réunions. J'étais hier dans le Nord, j'étais...''

Il prit une pause, de quelques secondes, car il venait de croiser le regard du jeune homme. Ce n'était pas le regard, ou les yeux qu'il espérait, ce n'était pas la douceur à laquelle il s'attendait. Il n'avait vu que de l'indifférence, ou plutôt de la confusion. 

Liberté d'aimer (Bardella x Attal)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant