Chapitre 23

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Oliver

Les ouvriers n'ayant pas terminé l'installation de la scène et du matos nécessaire pour répéter, on a tué le temps en discutant. À tour de rôle, chacun a retracé son quotidien respectif depuis le « break ». Brad nous a confié avoir rencontré une fille, avec laquelle il entrevoit un engagement autre que sexuel. Ça nous a bien fait marrer. Brad "le collectionneur" compte se ranger.

Il faut croire que les miracles existent.

Luke a consacré son temps à Jason. Malgré la distance qui les a séparés toutes ces années, il sont encore ensemble. Ce que l'on dit des relations à distance ne s'avère pas toujours exact. Quant à Jeff, il n'a rien fait de particulier, mis à part se réapproprier son statut de gosse de riche.

Un petit prince dans son royaume.

Mon tour est ensuite arrivé. Les gars m'ont écouté chanter les louanges de mon fils. Ils sont pressés de le rencontrer. Je crains de ne pas être aussi enthousiaste. Et pourtant, je serai fier de leur montrer combien Jonah est un gosse fantastique. Je leur ai parlé brièvement de mon sevrage. Inutile de rentrer dans des détails scabreux. Ces moments pendant lesquels je gémissais comme une merde ont été proscrits. Ils ont tous eu l'air affligé par le combat que j'ai mené. Je m'en suis partiellement sorti. Le manque m'oblige parfois à batailler ferme. Je sais que rien n'est vraiment acquis, que je vais devoir faire front. C'est la raison pour laquelle j'ai peur de remonter sur scène. Et si tous mes anciens travers refaisaient surface avec plus de hargne ?

Je vais bientôt être fixé !

En fin de matinée, on décide de clôturer ce qui s'apparente plus à une réunion entre potes qu'à des répétitions. De toute façon, le matériel ne sera pas prêt avant le lendemain. Je préfère aller retrouver Stef et mon fils que de glander dans ce vestiaire qui empeste la sueur. Après s'être mis d'accord sur l'heure des répétitions, chacun part de son côté. Je grimpe dans mon van, les pensées persécutées par ma conversation avec Jeff. Je reste un long moment immobile, les mains accrochées au volant. Et si je faisais ma demande en mariage ce soir ? L'endroit où j'emmène Stef est parfait. Ma surprise va la combler, j'en suis persuadé. Elle ne s'attend pas à ça. C'est peut-être le moment idéal pour poser un genou à terre ? Cette bague sera une sorte de talisman qui tiendrait Jeff à bonne distance. Son cas me fait sourciller. Est-il toujours amoureux d'elle ? Quand je le lui ai demandé, il m'a répondu évasivement. Il m'a juré de se tenir à carreaux. J'ai encore du mal à lui accorder l'entièreté de ma confiance. Un minuscule fragment de ma raison s'obstine à garder un œil ouvert.

Juste au cas où.

Déterminé à donner vie à mon ambitieux projet, je démarre et fonce dans le centre-ville. Je repère facilement une bijouterie. Il n'y a pas âme qui vive quand j'y entre. Seule une vendeuse s'affaire derrière le comptoir en bois blanc. Tout est si lumineux dans cet endroit que je suis à deux doigts de chausser mes Ray-ban. La brunette lève ses yeux vers moi et me reconnaît aussitôt.

— Oh mon dieu ! s'exclame-t-elle, les mains sur sa bouche. Vous êtes Oliver Nade.

Et voilà ! Une réaction démesurée que je déteste par dessus tout. Je souris par pur réflexe et m'avance dans sa direction. Elle extirpe déjà son téléphone de dessous le comptoir, ce qui m'énerve davantage.

— Je ne suis pas là pour faire un selfie...

— Suzy ! s'empresse-t-elle de compléter, comme si j'allais lui filer un autographe.

Son blazer beige s'ajuste parfaitement à sa taille fine et souligne sa jolie poitrine. Un attirail qui affirme en tout point sa féminité. Elle se comporte pourtant comme une gamine de quinze ans. C'est toujours l'effet que je produit sur les gonzesses. Je garde mon sang-froid et dégaine ma carte bancaire. Ses yeux d'ambre quitte enfin ma tronche pour se poser sur ce petit rectangle en plastique qui, de par sa couleur noire et dorée, force un certain respect.

My Love Song, second couplet : pardonner(tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant