3 - Théo

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Voilà où me mène un enchainement de mauvaises décisions. Hier, un directeur humilié sacrifie ma carrière naissante au profit de son égo, et aujourd'hui j'ai un coup de foudre pour la nana d'un autre. Ah mon karma doit être agenouillé, là ! Non, stop, ce sont les conneries de Marc qui me sont montées à la tête pendant que je cuvais !

— Au fait, j'ai pas fait les présentations, entame-t-il justement.

— Théo, voilà Annette, l'amour de ma vie et également la comptable de ma petite entreprise.

— Elle préfère qu'on l'appelle Anna, précise-t-elle en quittant son siège pour le pousser.

— Anna, si tu insistes. Je te présente Théo, notre premier employé et fraichement mon meilleur pote de beuverie !

Elle rit et moi je tente de cacher le torrent douloureux en moi. Je voudrais revenir en arrière, qu'elle ne pose jamais les yeux sur moi. Je dois la détester, ne pas l'aimer, surtout pas.

— Alors enchanté, Théo.

— Pareil, Anna.

Non, ne prononce plus jamais son prénom, c'est trop pénible ! Anna et Théo, ça va très bien ensemble. Stop. Ça ne marche pas, jamais.

Elle affiche un sourire dans ma direction et Marc m'invite à le suivre hors de la pièce. Anna reste là, j'évite son attention, sa lumière, je fuis comme le pauvre mec déjà piqué que je suis.

Marc me parle, mais je l'écoute à peine. Je dépose mes affaires dans le premier casier qui se présente à ma hauteur. Un instant plus tard, on décharge un camion garé en double file. Je soulève les cartons, les lui passe et je recommence. C'est éreintant, mais ça me vide la tête. La trouver et la perdre aussi vite. Comment appeler ça  ? Je n'ai pas les mots parce que c'est une déception, en même temps qu'un coup de foudre et qu'un cœur brisé.

Une question apparait dans mon brouillard.

— Quoi ? articulé-je, distrait.

— Tu fumes ? redemande Marc en sortant un paquet de clopes de sa poche.

— Ah, non.

— Comme Anna. Elle voudrait que j'arrête, j'y arrive pas trop, avoue-t-il avec un sourire en coin.

— C'est pas facile.

— Si elle t'en parle, dis que j'ai pas touché celle-là  !

— Ah, ah  ! D'accord.

Jamais, va te faire foutre  ! Je ne lui transmets rien du tout à Anna. Je garde cette réplique pour moi. La vérité, Marc n'a rien demandé dans cette histoire. Personne, en fait. Et puis il n'y a pas d'histoire, qu'est-ce que je raconte !

Je pousse le dernier carton dans la boutique, je laisse sortir deux nanas en leur tenant la porte et je rejoins le boss sur le trottoir. J'ai chaud et soif. C'est plus sportif que j'aie pu l'imaginer.

— Du coup, t'as capté le Markette c'est pour Marc et Annette ! m'apprend-il avec fierté.

Je fronce les sourcils en suivant son regard jusqu'à l'enseigne du magasin, au-dessus de nos têtes. J'ai souri en arrivant, maintenant je trouve ce nom immonde.

— Ah, D'accord ! Je pensais que c'était toi et ta bite, en fait, balancé-je. Marc et sa quéquette : Markette.

Il explose de rire et écrase sa cigarette sous sa semelle.

— C'était mon idée de départ, mais ne dis rien à Anna, elle croit encore que le « ette » est pour elle !

Je me marre. Oui, marre-toi Théo, pauvre con de faux-cul ! Le pire c'est qu'il m'est toujours sympathique.

Le Rêve d'un Autre (Bêta lecture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant