5 - Théo

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Sur le trajet du magasin, je tente d'attraper le regard de chaque nana qui passe. On ne sait jamais ! Je ne reçois que des coups d'œil méfiants, puis j'ai le sentiment d'être un gros pervers, alors je fixe mes baskets. C'est une bonne manière de commencer la journée !

Je remonte la rue en tirant la tronche. Quand je pousse la porte du Markette, je tombe directement sur Anna qui termine avec un couple de clients. Je vise aussitôt mon casier pour éviter son attention et son sourire. Mais pour l'atteindre, je dois me faufiler derrière le comptoir et c'est précisément là qu'elle se trouve. Pourquoi cet endroit est si exigu ? Calme-toi Théo, on passe à deux à condition qu'elle ne bouge pas !

Je pénètre dans cette zone réduite, elle ouvre le tiroir-caisse et recule avec lui. Merde, moins de place ! Je me glisse dans son dos avec une pirouette mal exécutée et je file vers la réserve. Mission accomp...

— Chaud devant ! s'exclame brusquement Marc qui apparait sous mon nez avec les bras chargés de cartons de yaourts.

Je fais marche arrière en vitesse pour qu'il ne me fonce pas dessus et fatalement, je percute sa nana juste derrière moi. Elle pousse un cri de surprise quand mon corps trop grand se plaque contre le sien. Oh putain ! J'entends le tiroir-caisse claquer et je la bloque involontairement contre la borne.

Marc passe avec son chargement bringuebalant et je bouge aussitôt pour m'engouffrer dans le petit hangar de stockage.

— Aie, mais Marc, fais attention ! s'exclame Anna.

— Bah, t'es mignonne toi, c'est super lourd ! répond-il depuis les rayons. La forme, Théo ?

Je ne me manifeste pas. Je suis déjà planqué dans mon casier. Ses doigts se sont refermés sur mon avant-bras quand je l'ai percuté, ça n'a duré qu'une seconde, mais j'ai adoré ça.

— Ça va ?

Je sursaute. C'est elle.

— Euh oui ! Et... vtoi ? Euh, et vous ?

Mais sérieusement, organise-toi avant de l'ouvrir, mec !

— J'ai l'habitude, Marc est une brute !

Elle augmente le volume pour qu'il l'entende depuis la boutique.

— Ah ah, d'accord.

— Moi aussi, je t'aime ! crie son petit ami.

Mon cœur a un violent rebond. Calme-toi, idiot, je sais que tu n'es pas consentant avec ça, mais fais un effort ! Je n'ai pas sorti la tête de mon vestiaire et je n'ai pas l'intention de le faire le temps qu'elle est ici. Je vois ses pieds du coin de mon œil. Pourquoi elle reste ? Ça va durer une plombe et je vais paraitre encore plus louche que je dois déjà l'être.

— J'ai mis ton planning dans ton casier, tu me diras si tout est bon pour toi ?

— Ça marche, merci.

Silence. Je trouve la feuille pliée, je la prends mécaniquement et la fourre dans la poche de ma veste avant de la retirer de mes épaules pour la ranger dans le meuble. Mais qu'est-ce que je fous ? Ça n'a aucun sens ! Du coin de l'œil, je vois toujours les baskets d'Anna.

— Je... commence-t-elle hésitante. Je me demandais si tu... enfin quand tu es arrivé hier... tu...

— Anna, groupe de mamies en approche, annonce Marc de loin. T'es prête à parler infusion aux herbes ?

Elle disparait en une seconde et moi je reprends mon souffle. C'était horrible et j'ai adoré.

Lorsque sa question inachevée réapparait dans mon esprit, je retrace la journée précédente par flash. Qu'est-ce que j'ai fait hier ? À part tomber amoureux, comme un idiot, je n'en sais rien !

Le Rêve d'un Autre (Bêta lecture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant