21 - Théo

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Le réveil de mon portable sonne. Je n'ai plus la force ce matin alors j'attends qu'il s'interrompe tout seul. Je songe même à arrêter de respirer, pour voir si ce poids dans ma poitrine peut disparaitre.

Le mauvais délire d'hier à la fermeture de la boutique m'a fait comprendre un truc : je ne veux pas que Marc réapparaisse. Si jusque-là j'évitais grossièrement de me poser la question, cette fois c'est une évidence telle que j'ai presque envie de pleurer. J'ai vraiment cru que c'était lui dans cette Smart. J'ai failli me barrer en courant. J'aurais même pu m'en prendre à lui de rage. S'il revient avant que je parte dans une semaine, ce qui est en train de se tisser entre Anna et moi va disparaitre à jamais.

Rien que d'imaginer me forcer à ne plus la regarder, où me priver de ses sourires avant la fin, je me sens dégringoler. Je le sais déjà, ce serait trop douloureux pour être encaissé.

Mon humeur maussade ne me quitte pas de la journée. C'est encore pire lorsque je me rends compte que mes CV n'ont rien donné, je chute plus bas.

Je traine sur le trottoir à contrecœur, il est près de dix-sept heures. Je vais accuser un retard d'au moins quarante minutes pour la première fois.

Un peu plus tard, je vise mon portable en poireautant à un feu rouge. J'ai trois messages de mon cousin qui m'explique où va se situer la fête ce soir. Putain, on est déjà samedi ? J'ai aucune envie d'aller m'amuser, mais je préfère m'infliger une soirée à me forcer à sourire plutôt que de préciser le pourquoi du comment. Je lui réponds rapidement que je suis partant.

— Eh, bonjour.

Je relève le nez, car le son est tout proche de moi. Je tombe droit dans un regard bleu encadré de cheveux roux. Une fille m'observe avec un rictus poli, c'est donc bien de moi qu'elle attend une réaction.

— Bonjour ? fais-je.

— Pardon, c'est un peu agressif, mais c'est moi qui ai fait voler ton portable l'autre fois.

Je fronce les sourcils et vise le coin de mon écran, fêlé depuis.

— Ah, d'accord euh, il va mieux.

Elle ricane.

— C'est cool ! On marche ensemble ? propose-t-elle en montrant la direction où j'allais.

J'acquiesce avec un sourire. C'est elle la dernière nana que j'ai croisée ce matin-là. Je viens de planter mon regard dans le sien et ça me confirme que c'était Anna et personne d'autre. Ma déception atteint son niveau maximal.

Je participe à une conversation sur les banalités parisiennes et d'un coup, le Markette est en vue. La fille m'explique qu'elle donne des cours de piano dans le coin. Je réponds par des « hm » ou des « ah, cool » et on s'arrête au niveau de la devanture.

— Je suis arrivé, l'informé-je.

— Tu bosses ici ? Je savais pas.

— Moi non plus, j'avoue.

Elle éclate de rire.

— Bon, je file ! C'était sympa de discuter avec toi.

— Ouais, salut.

Elle s'éloigne sur le trottoir. J'entends la porte vitrée s'ouvrir dans mon dos. Je me pousse en tournant rapidement la tête vers l'intérieur. Je croise le regard d'Anna derrière la caisse. Elle détourne aussitôt son attention sur je ne sais quoi tandis que je laisse les clients sortir. Allez, Théo, courage.

Anna me fait un sourire timide quand je passe le comptoir et je disparais dans la réserve sans lui rendre.

J'arrive à reprendre mon souffle une fois que je suis devant le meuble de vestiaire.

Le Rêve d'un Autre (Bêta lecture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant