18 - Théo

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J'ai tourné en rond puis j'ai tenté de lire un truc pour finalement trouver de quoi m'occuper sur mon ordinateur. J'ai conçu une maison sans me concentrer plus que ça. Je me suis contenté de monter des murs, créer des espaces et orienter des baies vitrées. Mon but était de me vider la tête, mais c'est devenu une piqure de rappel : c'est ma vraie passion, pas remplir des rayons.

Appuyé contre le garde-fou de ma fenêtre, je prends une grande bouffée d'air dans la nuit fraiche. Mes réflexions convergent toutes dans la même direction, je ne dois pas lâcher mon rêve pour celui d'un autre. Je suis là à m'empêcher de ressentir sous le nez d'une Anna qui vit un truc loin de moi. Si parfois j'ai l'impression qu'elle est avec moi sur la poutre étroite, en réalité elle a juste besoin d'attention et moi je grappille quelques miettes. Vous ne vous rapprochez pas pour les mêmes raisons, Théo !

C'est douloureux à admettre, mais c'est vrai. Je ferme les yeux quelques secondes pour prendre de l'air avec lenteur. Qu'est-ce que je fais de ma vie, au juste ? Depuis que j'ai croisé son regard ce matin-là, pourquoi je n'ai pas trouvé la force de me casser ? Je me frotte le visage. Ça fait chier, pourquoi c'est aussi compliqué ? Plus j'avance, plus elle me repousse, plus je m'enfonce dans un bourbier d'où je ne pourrais bientôt plus sortir. Si je bouleverse sa vie, je pars. Laisse-toi une semaine, mec. Je baisse la tête en serrant les dents. Mon cœur ne va pas renoncer, mais c'est vrai non ? Sept jours pour me préparer et je n'y retourne plus. On fête nos anniversaires, je reste un peu et je me casse. Pour qu'il n'y ait plus de chamboulement.

Je quitte le bord de la fenêtre et je jette mon cul sur le fauteuil de mon bureau. Une image bouscule mes pensées, Anna en petite tenue installée à ma place à faire grincer les roulements à billes en tournant doucement dessus. OK, stop.

Un papier, un crayon et je fais une longue liste d'endroits où postuler avant de mettre à jour mon curriculum vitae.

Je m'étire pour chasser ce mal de dos. Ma chaise recule un peu sur ses roues, je repousse le clavier sans fil pour poser mes coudes sur le bord du bureau. Vingt-cinq curriculum et lettres de motivations envoyées, j'ai une barre au crâne digne d'un lendemain de cuite.

Mon portable vibre plus loin sur le meuble. Je relève le nez. Qui m'appelle à trois heures du matin ? Anna ? Je vise l'écran avec la boule au ventre et puis je sous soulagé de lire le prénom de mon cousin, Luc.

— Allo, mec.

— Salut ! ça va ?

— Mmh, et toi ?

— Moi ouais, j'ai bien vu que t'allais pas ouf t'as pas insulté mon dernier post sur les étudiants en architecture !

— Ah, merde j'avoue que j'ai pas mis le nez sur les réseaux sociaux depuis un moment, je vais aller rectifier le tir, t'inquiète.

— Comment se porte ma tante ?

Cette question est tout à fait normale pour nous, même si ma mère n'est plus parmi nous.

— Bien !

— Ah tant mieux. Tu fais quoi pour tes vingt-six ans ?

— Aucune idée, mais j'ai déjà une invitée.

— Toujours avec ta prof ?

— Non, non c'est fini avec elle.

Il est vrai que je n'ai rien eu le temps de lui raconter.

— Quoi ?

— Bon assied toi, que je t'explique.

J'élude pas mal le sujet en évitant de lui parler d'Anna et de la boutique.

Le Rêve d'un Autre (Bêta lecture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant