14 - Théo

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Je suis allé trop loin. Trop près d'elle. Trop amoureux. J'en oublie le reste du monde et ces deux beaux-frères qui m'ont grillé. J'en occulte Marc. Je suis quel genre de connard ? Je finis par baisser les yeux sur les feuilles. Je dois faire quoi déjà ? J'en sais rien. Ma tête est vide. Ma paume a touché la peau d'Anna. C'était trop peu pour me rassasier.

— Théo ?

Je relève le nez sur elle.

— Je dois y aller, laisse ça, on le fera demain.

— Ah.

Déception.

— D'accord.

Résignation.

— Euh, du coup, Frédéric va rester avec toi pour la soirée et en fermant tu lui donnes les clefs, OK ?

Je fixe les feuilles, son attention est sur moi. Je n'ai pas envie qu'elle parte, parce que je sais quelles émotions vont s'emparer de moi. Ce sera comme si elle prenait l'air avec elle. Pourquoi au fait ? Marc est revenu pour qu'elle s'enfuit après un coup de fil ?

— Ça va ? ajoute-t-elle.

— Ouais.

J'évite de la regarder, je n'y arrive plus. C'est la même sensation qu'hier soir après les messages. Ça me brûle de l'intérieur de la laisser voler encore un peu de moi sans que je ne puisse en faire autant de mon côté. Une décision se prend : je ne dois plus m'ouvrir à elle.

— Tu viens demain ?

Je hoche la tête.

— Cool, bon à demain alors.

Elle tourne les talons et s'en va dans le bureau. Je file dans la boutique pour ma part. Les feuilles trouvent une place sous le comptoir et je pose mon cul sur le tabouret en sortant mon mobile de ma poche. Je suis vénère, je réalise bien que c'est complètement con, mais je ne parviens pas à remettre mon dos droit.

Les frères sont sur le trottoir et Anna arrive un instant plus tard. Elle s'approche de moi, je fais mine d'être focus sur mon portable. Je suis incapable d'affronter.

— Annette, active-toi !

— Oh ta gueule, putain, grogne-t-elle si bas que je suis seul à l'entendre.

Elle se tourne vers moi.

— Sors-la et affiche-la au grand jour, dit-elle.

Je me force à relever le nez en arborant un rictus difficile à tenir. Mon insolence lui plaît à ce point ?

— T'as souri, j'ai vu.

J'aperçois les autres dans son dos, attendre avec les yeux braqués sur nous.

— Tu ne fais pas semblant quand t'es pas content, souffle-t-elle.

— Je ne sais pas mentir.

— Ignore-le et la soirée va vite passer.

Ignorer mon cœur qui me hurle que si tu pars je vais me sentir mal ? Je hoche la tête en ravalant ma pensée. Elle parle de son connard de beau-frère, pas des sentiments qui me brûlent la poitrine, parce qu'elle n'en a rien à foutre. Ça n'existe que pour moi.

— Tu m'envoies un message au moindre truc.

Je la dévisage encore. Qu'elle est belle ! Ses grands yeux sans maquillage me sondent une longue seconde et je parcours sa bouche quand elle se détourne.

— Bye, Théo.

— Salut, Anna.

Ne voit-elle vraiment rien au fond de mon regard ? Elle quitte la boutique, je fixe mes doigts et l'autre con arrive. Heureusement, les clients s'enchainent. Je le laisse tourner et virer et je ne lui adresse pas la parole, lui non plus. Ma menace d'hier a fonctionné.

Le Rêve d'un Autre (Bêta lecture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant