4 - Théo

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J'ai mal dormi. J'ai fait des bouts de rêves délirants à base de grand amour et de bonheur insolent pour me réveiller seul dans mon lit.

Je délaisse ma machine à café trop lente pour la salle de bain où je m'asperge le visage plusieurs fois de suite. Je m'interromps à bout de souffle en me redressant face au miroir. Je pensais que ça irait mieux après une bonne nuit de sommeil, qu'elle et ce coup de foudre allaient disparaitre. Mon cœur se tord péniblement, comme s'il refusait cette option. Mais c'est pire ce matin. Anna est toujours là. T'es nul. Ce n'est pas compliqué : elle n'est pas libre !

Je vais récupérer ma tasse à présent remplie dans la cuisine. Mon cul finit sur le tabouret du bar comme d'habitude et je mate par la fenêtre. C'est la nuit dehors ? Mais merde, quelle heure est-il ? Mon regard saute directement sur la pendule au-dessus de la porte d'entrée. Cinq heures, douze ! Mais qu'est-ce que je fous déjà debout ?

Je pose tout, j'éteins les lumières et me jette dans mon lit. Mes cheveux sont encore humides de ma mise au point avec mon cœur et mes yeux restent fatalement ouverts. La phrase de Marc me revient puis elle tourne en boucle sans que j'arrive à la chasser. « La prochaine qui croise ton regard c'est la femme de ta vie ». Certains moments, je parviens à la faire disparaitre, mais c'est pour laisser Anna s'installer à la place. C'est sans fin.

***

Un gros bruit m'oblige à sursauter dans mon lit.

— Mais qu'est-ce que tu fabriques, encore ?

— Je joue à Pokémon Go !

— Et c'est le moment ? Va te laver les dents !

Je rabats les paupières en prenant une grande bouffée d'air. La voisine et son gosse...

— Déjà fait !

— N'importe quoi, dépêche-toi !

Il est huit heures ? Mais j'ai pas fermé l'œil ! « La prochaine qui croise ton regard, c'est la femme de ta vie » je me redresse dans mon lit. Et si ça fonctionnait tous les matins son truc ? Après tout, c'est la voisine que j'ai rencontrée en premier hier non ? Alors si ça se trouve, c'est elle et pas Anna.

— Chaussures ! ordonne-t-elle au-dessus de ma tête.

Je lève les yeux vers le plafond, j'entends courir et sa porte s'ouvre. Je m'active à atteindre la mienne et je tire sur la poignée à la volée. Je tombe nez à nez avec son fils, le cartable sur le dos. Il me mate avec un air dédaigneux en ralentissant.

— T'es bizarre, lâche-t-il avant de quitter le palier pour les escaliers descendants.

Il est sérieux ce môme ?

— Tim, attends-moi ! s'exclame sa mère la seconde suivante.

Je l'observe me passer devant, elle ne relève pas la tête dans ma direction. Je ne croise pas une seconde son regard.

— Oui, je sais, on est pas tout seul dans l'immeuble ! Bah figurez-vous que si, uniquement vous et moi !

J'entends la porte du hall s'ouvrir, puis se rabattre et leurs voix résonnent dans la cour en bas.

— On est à la bourre, pourquoi tu grimpes sur la poubelle !

Je recule pour refermer ma porte. Quelle poisse, je n'ai pas croisé son regard. Je tourne les talons, déçu et je manque de me casser la gueule parce que mes pieds ont buté dans un colis. C'est vrai, la factrice hier matin. J'avais commandé quelque chose, au fait ? Je le chope pour lire l'étiquette. C'est le nom de la voisine qui est inscrit avec l'adresse. Ce n'était pas pour moi... Je vais le poser sur le bar en bâillant. C'est parfait, je pourrais aller le lui rendre, croiser son regard et tomber amoureux d'elle afin d'oublier Anna.

Le Rêve d'un Autre (Bêta lecture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant