19 - Théo

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Je pénètre dans l'arrière-boutique en essayant de ne pas chercher Anna du regard. Je sais qu'ils sont dans le bureau. Bien que la porte soit fermée, je ne loupe rien de la dispute.

— On t'a attendu toute la journée ! s'exclame Giles. Sans compter qu'hier soir tu t'es tirée !

— Et vous avez survécu, non ? Alors pourquoi tu m'emmerdes !

— Annette ! C'est pas ça de tenir ses responsabilités ! Tu peux pas ar...

— Justement, je crois que t'as pas compris ! C'est pas mon engagement cet endroit, je touche même pas de salaire pour le taf que je fais ! J'y suis pour rien si ça ne fonctionne pas !

Elle hurle et moi je passe comme un coup de vent pour rejoindre le fond de la réserve. J'ai envie d'entrer dans ce bureau pour le sortir et qu'il lui foute la paix. Occupe-toi de tes cartons, Théo.

— Mais c'est évidemment de ta faute ! Chaque fois que tu vas voir ailleurs, il se casse, parce que tu le fais souffrir !

— Je n'ai jamais fait un truc pareil, putain !

Je le savais.

— Et mater votre employé torse nu c'est quoi alors ? Ce petit con va le payer cher lui aussi dès que Marc va revenir.

— Tu laisses Théo en dehors de ça ! Je te préviens, tu arrêtes de lui prendre la tête !

— Ah oui, mais tu le défends carrément maintenant ? Tu ne te caches même plus !

— Cacher quoi au juste ? Il ne se passe rien, vous êtes paranos. Et vous me faites chier dans cette famille à toujours diriger les autres comme des pions !

— Mais t'es vraiment une garce égoïste ! Après tout ce que Marc a fait pour toi, tu oses te plaindre ?

— Quoi ? Comment ça ? Qu'est-ce qu'il a foutu pour moi en six ans exactement ? Par rapport à ce que moi j'ai fait pour lui !

— Arrête, tu serais encore sur le trottoir où il t'a trouvé s'il n'avait pas commis l'erreur de tomber amoureux de toi ! Et c'est toute la famille qui paye parce que t'es pas fichu de garder les cuisses fermées !

Je me crispe. OK. J'ai pas à endurer ça. Je me casse avant de lui éclater la gueule. Non, je vais lui éclater la gueule !

— Allez tous vous faire foutre !

Je tourne les talons lorsqu'un gros bruit de casse provient du bureau. Une chaise passe par l'entrée et va percuter les casiers avec une violence inouïe. Anna s'échappe comme une furie la seconde suivante. La porte du magasin claque dans son sillage.

Le silence retombe, Giles sort de la petite pièce sous mon nez, il ramasse la chaise et va la ranger avant de revenir dans le couloir. Il tourne la tête dans ma direction.

— Remets-toi au boulot, ordonne-t-il avant de disparaitre dans la boutique.

Je me frotte le visage. Je ne dois pas m'en mêler. Je ne fais pas partie de cette famille, rien de tout ça ne me regarde. Je retourne au fond de la réserve pour attraper le reste des cartons à jeter. Très vite, je passe du côté clientèle pour me retrouver non loin de la caisse.

— Rappelle-la, souffle Giles.

— Ça ne sert à rien, elle ne va pas revenir à mon avis. T'aurais dû me laisser lui parler !

Ils s'arrêtent net lorsque j'apparais dans leur champ de vision.

Une fois sur le trottoir, je respire un bon coup. Du vent et de la pluie, ça ne suffit pas à me vider la tête de ses cris. Elle hurlait, c'était insupportable.

Le Rêve d'un Autre (Bêta lecture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant