Le Rêve d'un Autre (Bêta lecture)

17 - Théo

Je parviens à garder mes mains loin d'elle le long des trois rues qui nous séparent du resto. J'ai bien failli en poser une dans son dos quand elle n'a pas vu qu'on redémarrait après s'être arrêtés au passage piéton, mais j'ai freiné mon geste à une dizaine de centimètres. J'espère juste qu'elle n'a pas capté. Ou si au contraire.

Je pousse la porte du Bunk Burger et le patron relève le nez vers nous tandis que l'ambiance animée du lieu s'enroule autour de nous. Il affiche aussitôt un grand sourire. Je laisse Anna avancer et on progresse dans l'établissement à la décoration rétro.

— Théo, ça fait un bail qu'on t'a pas vu ! Bonsoir mademoiselle, fait-il pour Anna.

— Bonsoir, retourne-t-elle timidement.

— Salut Jo, t'imagines pas comme tu m'as manqué. T'as une table pour nous ?

— On va vous trouver ça ! Tout est réservé, mais je dois pouvoir vous caler dans un coin.

Jo file en cuisine. En effet, la salle est déjà blindée et des couples attendent au bar.

— Mais ils sont complets, souffle mon invitée.

Je hausse les sourcils.

— Il va peut-être mettre des gens dehors ?

Elle rit et me pousse en appuyant son épaule sous la mienne. Aïe, j'aime bien ! Jo réapparait à la porte battante qui sépare la de la partie privée.

— Théo, venez !

En quelques pas, nous avons dépassé la limité réservée aux clients en pénétrant dans les cuisines. Mais qu'est-ce qu'il fait ? Chaque employé qu'on croise nous dit bonjour avec un grand sourire et on atterrit dans une véranda calme tout au fond du restaurant. Deux petites tables de bistro, un canapé, sa table basse et quelques plantes vertes occupent l'espace.

— Ça vous convient ?

— Carrément ! dit aussitôt Anna.

— C'est même trop, Jo.

— Mais non, depuis le temps qu'on se connaît ! C'est la pièce de repos des gars, mais pendant le service vous ne serez pas dérangés, je vais chercher la carte, installez-vous où vous voulez !

Il s'en va et je me tourne vers Anna avec un air surpris.

— Monsieur a des contacts, raille-t-elle.

Je pouffe de rire.

— Je l'apprends en même temps que toi. Bon, chaise ou canapé ?

Elle hausse les sourcils à plusieurs reprises et vise le coin salon. C'est encore plus la femme de ma vie depuis quelques secondes. On s'installe dans l'angle. C'est beaucoup trop confortable et la configuration est parfaite. Même si ce moment ne devrait pas exister...

Un des cuisiniers nous donne une carte et très vite il revient pour qu'on passe la commande. On a pris la même chose en se concertant, comme un couple. J'ignore cette pique douloureuse. Le temps d'échanger quelques banalités liées au lieu, nos plats arrivent. Ce qui fume sous notre nez nous offre de quoi disserter pendant la dégustation.

De la buée se dépose sur les vitres de la véranda à mesure que la nuit tombe. Je n'ai pas vu l'heure passer avec Anna.

— C'était le meilleur burger de ma vie, annonce Anna en s'affalant en arrière. J'ai déjà la tête sur le dossier avec les yeux fermés.

— Choix validé alors ?

— Grave, par contre je vais exploser.

— Moi aussi, j'ai abusé avec la deuxième portion de frites.