25 - Théo

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Je suis devant le contact d'Anna. Je dois envoyer un message pour annoncer ce qu'ils doivent déjà savoir puisque ça fait une semaine que je ne suis pas revenu. Mais je tourne en rond avec l'écran sous les yeux sans parvenir à rien. J'ai écrit :

* J'ai trouvé un autre boulot, considère que je démissionne. *

Je relis. Merde, je n'ai pas dit bonjour. J'ajoute « salut ». La voix de ma mère résonne en moi, enfin l'idée que je m'en fais d'après mes souvenirs et je mets un « bye » à la fin de ma missive. Je relis, je n'aime pas, parce que je sais la douleur qu'elle ressentira en lisant. Mais je n'y suis pour rien, non ? Je dois avancer et peu importe qui souffre.

Je prends de l'air et j'expédie. Reçu. Une, deux, trois secondes et il est lu. Mon stress monte, elle est en ligne, mais n'écrit rien. J'attends, mais elle n'est plus là trente secondes plus tard, sans avoir répondu. Ma gorge se noue, ma poitrine se crispe et le résultat de cette équation se traduit par mes paupières qui chassent des larmes.

C'est mieux ainsi. C'est mieux pour vous deux, Théo. Tiens, bon. J'avale ma salive et balance mon portable sur le canapé, il rebondit et termine sous la table basse. Je l'abandonne en me cassant dans la chambre.

Quand j'ose récupérer l'appareil, plusieurs heures se sont écoulées. J'ai rangé chez moi, fais tout mon linge et même éradiqué la poussière, truc que je ne fais jamais.

J'ai un appel manqué d'un numéro inconnu qui a laissé une note vocale. Je l'écoute avec stress, mais ce n'est que la chargée des ressources humaines du cabinet qui demande ce qu'il faut pour faire mon contrat de travail.

Je m'apprête à verrouiller quand un message arrive et s'affiche à l'écran. Anna. Je ferme les yeux en serrant les dents. Il y a écrit « Salut » trois petits points et rien d'autre. J'ai un mal de chien à l'ouvrir et à poser mon regard sur la suite. Quoi qu'elle dise, ce sera de la souffrance.

* Salut, tu pourras passer signer la rupture de contrat ? Et tu as quelques trucs à récupérer dans ton casier... *

Ça pique autant que je m'y attendais. Je ne sais pas si c'est l'indifférence de ses mots ou justement les suspensions qui sonnent comme une supplique « Reviens une dernière fois, s'il te plaît » qui me torturent le plus. Je pourrais laisser mes affaires là-bas, je m'en fous, et ne jamais signer ce papier, pour le peu de temps que j'ai bossé avec eux, ce ne serait pas bien grave. Va toujours au bout de tes actions, mon fils ! Je ferme les yeux. Maman, t'as raison comme d'hab. Je sais déjà que j'irai et que je la verrais, je sais aussi ce que ça me fera. Mais je vais assumer jusqu'au bout.

Je ne réponds pas tout de suite. J'ai besoin de tout tenter pour reculer ce moment un maximum. La dernière fois que je la vois : inconcevable et pourtant je vais devoir l'affronter la tête haute.

Je rappelle la nana des ressources humaines avec le moral en berne. On échange en vitesse puis je m'occupe d'envoyer par mail les documents nécessaires. Quand j'ai fini, je pense à répondre à Anna, puis je me retiens. Je ferais ce qu'il faut lorsque je m'en sentirais capable. Et puis pour l'instant mes doigts tremblent trop pour j'arrive à taper un message.

Le Rêve d'un Autre (Bêta lecture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant