24 -Théo

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Mes mains toujours dans mes poches, je suis emprisonné dans ses bras. C'est avec sa joue sur mon torse qu'elle demande pardon.

Je baisse la tête, surpris. Pourquoi s'excuse-t-elle ? C'est moi qui ai fait de la merde toute la soirée. Elle relève la sienne et nos regards s'accrochent. Le décor se floute brusquement. Ce regard, je l'ai déjà vu. C'est comme tout à l'heure, elle va le faire ! Mon souffle fait le con et mon cœur trépigne d'impatience, mais dans mon esprit c'est une autre histoire. C'est un tel merdier que je fronce les sourcils, même quand elle se met sur la pointe des pieds pour que son visage puisse atteindre le mien. Ses lèvres s'approchent. Je ferme les yeux et le contact tant attendu m'électrise avec violence.

Elle l'a fait.

Sa bouche quitte ma peau. Ma joue garde ce baiser, évité en tournant la tête. Sans croiser mon regard, elle me libère de ses bras, ses mains cachées par ses manches, elle baisse le nez entre nous.

— Putain, excuse-moi, articule-t-elle avec la voix nouée.

Je dois me racler la gorge pour parvenir à lâcher quelques syllabes.

— Tout va bien, ce n'est rien, vraiment. Je ne...

— Ils ont raison je sais pas me tenir.

Je comprends tout de suite qu'elle parle des frères de Marc.

— Pas du tout. T'es triste et un peu paumée c'est rien du tout, lui dis-je. Il ne s'est rien passé.

Elle ne bouge plus et le silence revient. Je ne sais plus où je trouve la force de reste si stoïque. Si elle m'avait dit les mêmes mots, il ne s'est rien passé, j'aurais fondu en larmes. C'est si impersonnel, si froid. Comment j'arrive à de tel extrême ?

— C'est déjà oublié, ajouté-je.

Sa tête bouge de haut en bas.

— Pas pour moi.

Je ne la quitte pas des yeux, en luttant en silence pour garder mes putains de mains dans mes poches. Je ne pensais pas que le truc le plus difficile que j'ai à faire serait de rester loin d'elle.

— Théo ! appellent mes cousins. On a froid !

Anna sursaute. Moi aussi.

— Je vais valider ma course, pour rentrer, je suis désolée de te retenir en plus et...

Est-ce que je suis en train de la laisser rejoindre Marc au lieu de sauter sur l'occasion pour lui dire tout ce qui se passe en moi ? Oui. Alors qu'elle vient d'essayer de m'embrasser et d'avouer à demi-mot que mes sentiments ne sont pas orphelins, je ne craque pas. C'est juste mon cœur qui se brise un peu plus.

— Rentre bien, murmure-t-elle avec le regard fuyant.

— Toi aussi.

Elle recule en affichant un air gêné et je panique. Elle... Non, pourquoi je la laisse partir ? Tant pis pour tout le reste, tant pis pour ce qui doit être fait de la manière propre !

— Attends !

Elle se fige en fronçant les sourcils. Sa réaction me freine immédiatement, alors j'improvise autre chose que : reste avec moi, recommence et je t'embrasse cette fois !

— T'es certaine que c'est une bonne idée de le rejoindre ?

Putain, je parle de Marc ?

— Je suis vraiment plus sûre de rien, là. Mais je sais qu'il faut percer les abcès le plus tôt possible. Sinon c'est... invivable, tu le sais.

Le Rêve d'un Autre (Bêta lecture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant